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La biche pyrénéenne et son hère dans la neige de printemps

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La biche et son hère.

Neige récente, soleil radieux. Nous sommes le 17 mars et le ventre des biches s’arrondit. J’ai passé un bon moment en début de soirée en compagnie de l’une d’entre elles, sortie de la forêt pour se nourrir. Elle est avec son faon mâle, que l’on appelle un hère entre 6 mois et un an.

La végétation repart. Quelques plantes fleurissent, comme la Dent-de-chien (Erythronium dens-canis) et l’Anémone hépatique (Hepatica nobilis). La narcisse Trompette de Méduse (Narcissus bulbocodium) fleurit aussi, parmi bien d’autres plantes qui n’ont pas encore attiré mon attention. La Violette des Pyrénées (Viola pyrenaica) commence tout juste à sortir de terre et je n’ai remarqué qu’un seul pied, pas très photogénique.

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La Dent-de-chien fleurit sur les bordures de sentier et les pelouses d’altitude jusqu’à 2 300 m environ ; elle est appelée ainsi à cause de son bulbe recourbé en forme de canine de chien.

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L’Anémone hépatique, une fleur de montagne précoce présente en sous-bois entre 400 et 2 200 m d’altitude environ.

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Paysage pyrénéen lors de ma sortie, avec la vue vers l’Aneto (3 404 m) et la Maladeta (3 312 m). Leurs glaciers, recouverts par la neige, sont séparés par l’arête des Portillons. 

Les cerfs perdent leurs bois et je me dis que sur cette fine couche de neige, ils seront plus faciles à repérer. Cette recherche sera vaine, du moins pour aujourd’hui. Il est peut-être encore tôt pour ce secteur, en rapport avec l’âge des cervidés qui le fréquentent. Je n’ai quand même pas perdu mon temps.

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La neige, encore perchée sur les arbres, est en train de fondre. Elle tombe par paquets sur le manteau neigeux, en se dispersant au travers des branches. J’ai l’impression à chaque fois qu’un animal est prêt à détaler.

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Ce triangle bleu inversé a une signification particulière. Il indique un arbre à haute valeur écologique, qui ne sera jamais abattu. Mort ou avec des cavités et fissures, il est réservé pour la biodiversité. La signalétique peut être aussi jaune ocre.

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Les traces laissées dans la neige sont un bon indicateur de la fréquentation des lieux.

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Un dépôt de  fumées de Cerf élaphe qui semblent récentes, encore luisantes ; elles ont fait fondre la neige.

D’après de nombreuses sources bibliographiques, une crotte de mâle, appelée fumée, est identifiable à la présence d’une petite dépression à l’une des extrémités. Chez la biche, cette dépression est absente et la crotte ne porte pas de nom particulier. Cependant, ces définitions ne seront pas une affirmation de ma part, car je pense qu’il y a un doute !  

D’après le Grand Larousse Universel, en vénerie, les fumées sont les « excréments du cerf, de la biche, des gazelles et autres bêtes fauves. (Les fumées changent de forme et de couleur avec l’âge des animaux et les saisons. Selon le cas, on les dit aiguillonnées, déliées, dorées, en bousard, en chapelet, en plateau, entées, en troches, formées, ridées, nouées ou vaines) ». Il n’y aurait donc pas de différence selon le sexe chez le cerf élaphe!

Les dépôts, quand ils sont nombreux, sont des bons indicateurs des zones de gagnage. Ils sèchent avec le temps et peuvent rester en place plusieurs mois, comme c’est aussi le cas en montagne avec les crottes de moutons ou de chèvres (appelées des pétoulettes).

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La Grive draine (Turdus viscivorus) est sur son territoire de nidification ; forestière, c’est la plus grande de nos quatre espèces de grives.

Son chant particulier est bien moins mélodieux que celui de la Grive musicienne (Turdus pholomelos) à laquelle elle ressemble beaucoup mais qui est plus petite. On entend beaucoup le chant de cette dernière en ce moment en soirée, jusqu’à la nuit tombée.

La Grive draine a sa poitrine, son ventre et ses flancs blanchâtres et ses couches sous-alaires sont blanches. La grive musicienne est facilement reconnaissable à la couleur orangée du dessous des ailes. 

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Soudain, je me fige ; j’ai perçu un mouvement au milieu des rochers couverts de mousses.

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Une biche apparaît. Il est déjà 17h00 et je n’ai vu pour l’instant que deux chevreuils, trop loin pour les immortaliser.

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C’est l’heure où les cervidés commencent à sortir pour s’alimenter, pour peu qu’ils soient tranquilles.

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Le petit de l’année apparaît à son tour.

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Ils se mettent à brouter côte à côte. 

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De temps en temps, la biche relève la tête et observe autour d’elle. Son jeune, confiant, n’a pas encore acquis tous les réflexes de la survie mais çà viendra. 

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Un petit « sourire ».

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17h04 – La biche décide enfin de se déplacer.

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Son jeune la suit ; c’est un mâle, un hère.

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La mise bas approche, mai-juin ; la biche a le ventre rond et on aperçoit bien ses mamelles ; elles sont au nombre de quatre, deux paires. La biche donne généralement naissance à un seul faon ; les naissances gémellaires sont une exception.

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Tranquille, elle se déplace lentement tandis que son hère s’attarde pour brouter.

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La mise au point ratée donne un aperçu vers la forêt de sapins, encore couverts de neige.

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L’autofocus a accroché.

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Son hère se déplace enfin pour la rejoindre.

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Elle semble apprécier le soleil jaunissant. 

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Je la perds de vue de temps en temps en contrebas du talus, mais je n’ose pas me relever. Sa tête dépasse parfois pour observer les alentours, …

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…, puis elle continue sa quête de nourriture.

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Alors qu’elle a disparu derrière un buisson, j’en profite pour vérifier le rendu de mes dernières photos. Quand je relève la tête, elle regardait dans ma direction.

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17h20 – Là, j’ai fait une erreur ; il est trop tard pour me cacher. Quelque chose l’a intrigué. Elle bascule la tête en arrière et renifle à plein nez, les oreilles tendues dans ma direction.

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Le vent m’est favorable, elle ne me sent pas. Elle se déplace pour mieux voir, les yeux écarquillés.

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Je n’ose plus bouger. On pourrait presque communiquer par le regard!

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Une quinzaine de secondes plus tard, dans le doute, elle s’éloigne. Son hère est resté à la traîne.

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Elle fait une pause au milieu des fougères couchées par la neige, son hère n’a pas suivi.

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Elle continue à remonter la pente à pas tranquilles, en poussant un aboiement toutes les 20 secondes environ à l’intention de son hère. Elle n’est pas vraiment inquiète ; je suis sûr qu’elle ne m’a pas identifié.

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Son hère l’accompagne de loin, tranquillement ; elle fait des haltes pour l’attendre.

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17h24 – Le hère a rejoint sa mère.

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La vue précédente, zoomée.

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La biche continue à s’éloigner en remontant.

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Le hère suit maintenant sa mère de près.

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17h30 – La biche va bientôt basculer de l’autre côté de la crête. Elle a mis 10 minutes pour remonter la pente, en se retournant de temps en temps.

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Elle disparaît derrière la crête. Je pourrai l’apercevoir à nouveau un peu plus tard, de loin, puis je rebrousserai chemin.

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19h20 – Une biche avec son faon et la bichette de l’année précédente. Il fait déjà sombre et j’ai du mal à discerner la faune et faire une mise au point au travers du viseur. 

Un peu plus tard en soirée, j’observerai plusieurs cellules matriarcales de biches au gagnage, chacune de son côté ; aucun regroupement de biches adultes et pas de cerf. Bien que biches et cerfs vivent séparés en dehors de la période du brame, on peut néanmoins les observer parfois en même temps sur un même territoire. L’absence de cerfs me porte à penser qu’ils sont peut-être descendus plus bas dans la vallée, poussés par la neige. Je reviendrai dans quelques jours.

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Nous sommes le 30 mars, jour du changement d’heure ; il va un peu me perturber lors de cette deuxième sortie au même endroit et je reviendrai à la voiture après la nuit tombée.

Il a encore un peu reneigé mais la neige est plus haut. Après le mauvais temps d’hier, le soleil est de nouveau au rendez-vous. Les traces de pas de mon précédent passage ont disparu et il y en a peu de nouvelles. Quelqu’un est passé aujourd’hui avec son chien, quelques traces de renard, peu de cervidés.

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14h06 – C’est une surprise pour moi, en plein midi solaire. La petite révérence d’un hère, d’un âge plus avancé que celui de ma précédente observation.

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14h06 – Il est en compagnie de sa mère et tous les deux sont bien affairés. Ici, la neige a disparu.

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14h48 – Le vol gracieux du Milan Royal (Milvus milvus), à la recherche d’une proie.

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16h43 – Le ballet aérien d’un Vautour fauve (Gyps fulvus) et d’un Busard Saint-Martin mâle (Circus cyaneus), dans les ascendances thermiques.

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Le Busard Saint-Martin mâle (Circus cyaneus). C’est plutôt un oiseau de plaine et de collines ; il évite les zones de haute montagne.

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16h44 – Ce Vautour fauve fait quelques allées et venues devant moi, sur fond de vallée encore enneigée.

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17h51 – Le temps passe et je ne m’ennuie pas. Je retrouve ici ma biche de la précédente sortie. Aujourd’hui, elle m’a détecté la première.

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Elle est toujours accompagnée de son hère. Elle restera un moment au milieu de ces sapins couchés par une ancienne tempête. 

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J’ai ensuite pris mon temps pour photographier en gros plan des fumées de Cerf élaphe toutes observées au même endroit sur des dépôts différents, publiées ci-dessous. Comme je l’ai déjà signalé un peu plus haut, je n’ai pas trouvé de source scientifique qui me permette d’affirmer l’identification du sexe (cerf ou biche) selon la morphologie de la crotte. J’en reste donc à la définition du Grand Larousse Universel, qui met les crottes des deux sexes dans le même panier, celui des fumées de Cerf élaphe.

crotte biche cerf élaphe

Petite leçon de Nature avec des fumées typiques de Cerf élaphe ovales et pointues d’un côté, arrondies de l’autre. Longueur 21 mm, largeur 12 mm.

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Autres fumées typiques de Cerf élaphe, pointues d’un côté mais avec une dépression de l’autre.

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19h54 – La lumière est en train de changer.

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20h16 – Le soleil a disparu derrière la montagne. En redescendant, je trouve bien plus de fumées ; c’est un endroit de gagnage, sans neige.

Avec l’arrivée du printemps, l’alimentation du Cerf élaphe change. La végétation nouvelle amène un apport d’eau non négligeable dans les crottes et leur aspect peut être modifié, plus molles, collantes et parfois agglomérées sous forme de grappe comme ci-dessus. Il faut rester prudent pour ne pas les confondre avec celles de tout autre animal, comme une laissée de sanglier.

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20h18 – Un mouvement sous les sapins, où l’herbe est bien verte et les crottes abondantes. Une biche s’éloigne ; je n’ai pas de suite remarqué l’animal qui m’observe, tout à gauche.

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La 1ère biche disparaît, suivie probablement par son faon à gauche. 

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Il y a en fait trois animaux ; un autre animal, probablement la bichette (ou une autre biche?), s’éloigne également encore plus à gauche.

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20h24 – Je retrouve la biche meneuse un peu plus loin, en bordure de la forêt plus dense. 

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20h29 – Ma dernière rencontre. Je ne voyais d’abord que la tache blanche du cimier.

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20h29 – L’obscurité approche et j’apprécie ce moment qui me rapproche de ces bêtes que j’aime bien.

Je ne traîne plus maintenant pour revenir à la voiture. C’est une journée sans mue de cerf et surtout … sans cerf. Où sont-ils donc passés?

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Nous sommes maintenant le 08 avril et la neige a bien fondu ; je ne la trouverai pas aujourd’hui. Comme pour mes deux précédentes sorties à cet endroit (17 et 30 mars), le soleil est au rendez-vous ; je ferai encore des observations tardives.

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La Violette des Pyrénées (Viola pyrenaica), sous un franc soleil.

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Une autre touffe de violettes, à l’ombre, …

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La même touffe en observation rapprochée, avec plus de lumière.

Aujourd’hui, je voie la Violette des Pyrénées (Viola pyrenaica) un peu partout. On la rencontre dans les rocailles, sur les pelouses et dans les sous-bois montagnards à subalpins, vers 900 m et jusqu’à 2 200 m environ. Elle apparaît peu après la fonte des neiges. On la trouve dans les Pyrénées bien sûr, mais aussi dans les Alpes et le Jura. Dans les Pyrénées, elle est protégée.

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Le Pouillot véloce (Phylloscopus collybita). On peut le trouver jusqu’à 2 000 m d’altitude environ. C’est une espèce forestière. Son chant particulier que l’on entend très souvent en forêt lui a valu le surnom de « compteur d’écus ».

Le temps va vite passer, à la recherche (infructueuse) de mues de cerfs. Quand je passerai à l’endroit des observations précédentes de ma biche avec son hère, trois aboiements discrets et espacés vont signaler sa présence vers la lisière de la forêt mais je ne la reverrai pas ; elle n’est pas encore sortie au gagnage. Cette remarque est un témoignage que vers la fin de sa gestation, la biche limite les déplacements sur son territoire si elle n’est pas durablement dérangée.

Les chants des Rouges-gorges familiers (Erithacus rubecula) et du Merle noir (Turdus merula) commencent déjà à retentir. C’est étonnant d’entendre un Merle noir à cette altitude, je n’y avais jusqu’alors jamais prêté attention ; mais il n’y a pas d’erreur de ma part, c’était bien lui. L’altitude maximum de son habitat varie beaucoup selon les sources que l’on est susceptibles de consulter, entre 1 000 et 2 000 m. En fait, c’est un migrateur partiel. J’étais alors à 1 495 m et il chantait un peu plus haut dans la forêt.

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20h05 – Voilà la surprise de cette sortie! Un blaireau européen (Meles meles). Altitude 1 495 m.

Alors que la lumière jaunit, une bestiole est en train de descendre sur le flanc gauche au travers de jeunes sapins touffus ; son déplacement, sans bruit particulier, a attiré mon attention et j’attends qu’elle paraisse à découvert : c’est un blaireau! Il fait une halte et m’observe un petit moment ; puis, il continue à descendre tranquillement dans la forêt. La lumière du soleil s’estompe peu après.

Le Blaireau européen est plutôt un animal de plaine. On le trouve aussi fréquemment dans le piémont puis sa présence se raréfie en altitude. D’après l’Atlas des Mammifères sauvages d’Aquitaine (2011 – 2015), l’espèce est absente des hauts sommets des Pyrénées à partir de l’étage subalpin qui commence à 1 600 m (ombrée, nord), 1 700 m (soulane, sud) ; les observations au-dessus de 1 000 mètres restent rares.

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20h37, sur le chemin du retour ; il fait déjà sombre. Un Daguet (mâle sur sa 2ème année) m’observe!

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20h38 – Il n’est pas seul! Un 2ème Daguet m’observe également et je me déplace légèrement pour l’immortaliser.

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20h39 – Le 2ème Daguet, aux bois plus développés, pousse l’autre à avancer en lui grimpant dessus ; ils s’arrêtent à plusieurs reprises pour m’observer.

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20h39 – Ils vont s’éloigner à petits pas et disparaître rapidement de ma vue.

Les mises-bas des biches approchent et ces daguets ont probablement quitté récemment leur mère respective ; ils forment souvent des groupes à part avec d’autres jeunes cerfs pour affronter leur nouvelle vie.

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20h46 – Cette biche est au gagnage et j’ai du mal à l’observer. Elle ne m’a ni vu, ni entendu, ni senti. Il fait sombre maintenant. Je n’aperçois que son cimier dans le viseur.

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20h47 – Je n’ai plus le choix, il faut que j’avance en douceur. La biche bondit alors que je ne la voyais plus du tout, suivie de son faon au petit trot. 

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En bordure du sentier en revenant à la voiture, j’observerai quelques narcisses solitaires que je n’avais pas remarqués à l’aller mais je n’ai plus le temps de m’attarder pour les photographier. De toute façon, il fait trop sombre.

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Le Narcisse bicolore (Narcissus bicolor), en début de floraison. Je l’avais déjà photographié au même endroit, le 22 avril 2022.

Le Narcisse bicolore est endémique des Pyrénées et pousse le long de la frontière franco-espagnole. Les pétales sont jaune pâle et la couronne jaune foncé.

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Durant ces trois sorties, je n’aurai observé aucun grand cerf ; ils sont probablement dans un autre secteur. La période du refait (repousse des bois) est commencée pour les plus anciens et les animaux, plus vulnérables sans leur belle ramure, se retirent dans des endroits discrets.

Cette publication s’achève sur ces dernières photos floues prises à iso élevé et faible vitesse, mais qui sont très représentatives de cette atmosphère de fin de soirée.

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