18 avril 2025 – La vieille biche pyrénéenne, accompagnée.
Nous sommes dans la deuxième quinzaine d’avril et c’est une période charnière pour le Cerf élaphe. Les biches vont bientôt mettre bas, les faons et les hères vont devenir des bichettes et des daguets et les cerfs de 3ème tête (âgés de 3 à 4 ans) ainsi que les plus âgés ont perdu leurs bois. Il reste encore quelques 2èmes têtes (entre 2 et 3 ans) et les daguets (1ère tête, entre 1 et 2 ans).
Passionné par la photo naturaliste, j’apprends à chaque sortie. Ce 18 avril, j’ai eu l’occasion d’observer une biche d’âge vénérable et un cerf en cours de refait (repousse des bois) qui avait un comportement inhabituel, du moins pour moi. Bien que j’ai déjà beaucoup publié sur le Cerf élaphe et que beaucoup de mes photos dorment maintenant dans mes archives, je partage celles-ci avec plaisir, sous forme d’un témoignage.
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L’observation d’une vieille biche
Aujourd’hui, je ne chercherai pas de mues de cerfs ; ils ont apparemment changé d’endroit. Mon idée première est de photographier quelques narcisses que j’ai aperçus trop tard en soirée lors de ma dernière sortie, puis d’aller explorer d’autres recoins de cette belle forêt pyrénéenne que j’aime particulièrement.
Le Narcisse bicolore en début de floraison, exposé plein sud sur une vieille estive.
Le Narcisse bicolore, de profil.
Le Narcisse bicolore (Narcissus bicolor), endémique des Pyrénées, pousse le long de la frontière franco-espagnole. Il peut être très facilement confondu avec le Narcisse jaune, Narcisse trompette ou Jonquille des bois (Narcissus pseudonarcissus), que l’on rencontre communément un peu partout ailleurs en Europe. On utilise souvent à tord le mot « jonquille » pour désigner plusieurs espèces de plantes appartenant au genre Narcissus. La Jonquille véritable ou Narcisse jonquille (Narcissus jonquilla) ne se trouve à l’état naturel qu’en Espagne, son pays d’origine, et au Portugal. En résumé, toutes les jonquilles sont des narcisses, mais toutes les narcisses ne sont pas des jonquilles!
Narcissus bicolor a été décrit pour la première fois par Carl von Linné et publié dans son ouvrage en deux volumes Species Plantarum ed. 2, 1:415, en 1762. Ce narcisse a été longtemps considéré comme une sous-espèce de Narcissus pseudonarcissus, avec pour synonyme Narcissus pseudonarcissus var. bicolor et Narcissus pseudonarcissus subsp. bicolor. Il est maintenant considéré sur iNaturalist comme une espèce à part entière, depuis 2023.
Je n’ai pas trouvé de critère descriptif déterminant pour différencier les deux espèces ; je retiens la localisation. J’ai remarqué quelques erreurs manifestes sur le Net, dont des incohérences de localisation ou de dénomination. J’ai été confronté à un manque évident d’informations sur cette plante.
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Les Grenouilles rousses (Rana temporaria) ont pondu un peu n’importe où et n’importe comment, comme à leur habitude. Cette espèce a choisi de pondre beaucoup. Sur le nombre, seulement quelques œufs deviendront têtards et seulement quelques têtards finiront leur métamorphose, s’il reste encore de l’eau.
Cette grappe d’œufs n’est pratiquement plus immergée.
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L’endroit est aussi un lieu de nidification du Bruant jaune (Emberiza citrinella), que je rencontre régulièrement.
Le couple de Bruants jaunes, sur les racines d’un sapin couché (le mâle est en bas à droite).
Le Bruant jaune femelle, en tenue nuptiale ; on aperçoit son croupion roux. Le mâle est hors cadre.
Le Bruant jaune femelle au même endroit, en septembre dernier après sa mue.
On peut parfois hésiter pour identifier un Bruant jaune, qui peut ressembler de loin à un Bruant zizi (Emberiza cirlus). C’est surtout le cas pour les femelles : pour les différencier à coup sûr, le croupion est roux chez le « jaune », gris olive chez le « zizi » et pour les deux sexes. Le Bruant jaune est plus jaune que le « zizi », avec des motifs de la tête moins marqués.
Le Bruant jaune mâle, avec une tête jaune vif légèrement rayée de noir peu marqué, une gorge jaune, (une poitrine jaune striée de roux) et un croupion roux.
Le Bruant zizi mâle, avec une tête noire rayée de jaune, une gorge noire.
Le Bruant zizi mâle, avec une poitrine vert olive bordée de roux.
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Je vous fais un peu patienter et c’est aussi le cas pour moi. J’arrive toujours très tôt pour faire du repérage, observer les traces diverses et me rendre compte s’il y a eu de la fréquentation humaine récemment. En forêt, on peut rencontrer des cervidés à tout moment à cette période ; le cerf a besoin de consommer beaucoup de pousses riches en minéraux, pour nourrir ses nouveaux bois en cours de développement.
19h23 – La première rencontre d’un cervidé!
J’arpente les sentiers et les coulées de la vieille sapinière, le téléobjectif posé sur l’avant-bras en berceau. La forêt est animée ; mésanges, Roitelet triple-bandeau (Regulus ignicapilla) et autres oiseaux brisent régulièrement le silence de leurs chants. Dans une trouée lumineuse parmi les arbres de haute futée, l’herbe bien verte a attiré du monde : immobile derrière un talus, un animal m’a repéré!
Ses oreilles pivotent, il est intrigué.
J’ai cru d’abord qu’il s’agissait d’une biche.
Si on observe bien le front de l’animal, on repère deux petites bosses au-dessus des orbites ; elles sont situées à l’endroit de l’implantation des futurs pivots d’un hère.
Il ne me voit pas bien, il s’avance, …
…, encore un peu plus. L’animal est vraiment captivé par ma présence, mais sans m’identifier. Il a arrêté de mâchonner, avec encore au bord des lèvres une brindille de fougère.
19h25 – Cela ne peut pas durer! Après deux minutes d’observation en face à face, il fait demi-tour, sans bruit, et disparaît derrière le talus.
Franchement, j’ai hésité pour l’identification.
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Il était temps que « çà s’arrête ». Immobile et bras relevés, je ressentais de plus en plus le poids du matériel photo. J’attends un instant, puis je continue à avancer à pas feutrés.
19h27 – L’animal s’est en fait à peine éloigné et m’attends! Il n’est pas seul : une oreille dépasse au bord du talus herbeux, à gauche.
Il affiche toujours la même quiétude ; son pelage commence à muer.
Maintenant, je vois l’animal de profil et j’apprécie mieux sa corpulence. Il s’agit bien d’un hère.
19h27 – L’animal qui l’accompagne se dévoile à son tour!
Il s’agit de sa mère, une biche âgée.
La biche me regarde fixement, pendant que son hère va et vient à l’arrière-plan. Il veut s’éloigner, mais sa mère reste imperturbable.
Jusqu’à présent, j’ai eu l’occasion d’observer des centaines de biches et je n’en avais encore jamais vu d’aussi âgée ; je n’ai pas retrouvé l’équivalent en photo sur le Net. Le temps qui a passé a déformé ses tempes et son front, son museau et le dessus du crâne ont blanchi. Elle est de belle corpulence mais ce n’est pas dû à son âge. Généralement, au-delà de quatre/cinq ans, le poids des biches n’augmente pratiquement plus. Leur poids varie entre 80 et 130 kg en moyenne ; au-delà, ce sont des records qui deviennent rares.
Une biche peut vivre une quinzaine d’années à l’état sauvage, si on ne tient pas compte de la prédation et autres infortunes de la vie. C’est un animal intelligent, sans doute plus que le cerf tant vénéré des photographes et des chasseurs. Elle est capable d’élaborer des stratégies pour survivre longtemps dans un environnement qui ne lui fait pas de cadeaux. Cette rencontre est pour moi singulière, dans ce coin isolé et accidenté où peu de monde doit passer sinon des chasseurs ; la chasse est fermée à cette période de l’année.
Alors que je me baisse, elle continue de me suivre du regard.
Son profil est très marqué ; elle a perdu toute la finesse de sa jeunesse. Elle domine très largement son hère, qui ne l’a pas quitté un seul instant.
19h29 – Après avoir tendu son cou pour m’apercevoir une dernière fois derrière cette barrière naturelle de bois mort, elle retourne dans la forêt avec son jeune. La scène aura duré au total six à sept minutes.
J’espère que son hère, encore bien attaché à sa mère, profitera des leçons apprises en compagnie de cette mine d’expériences ; au plus tard à l’automne après le prochain rut, il la quittera définitivement pour vivre sa vie en d’autre compagnie.
Une biche âgée qui devient stérile est appelée bréhaigne ou biche bréhaigne ; ici, je n’ai pas pu la voir en entier pour savoir si elle allait encore mettre bas cette année. Il est important de rappeler que les biches meneuses de hardes sont toujours des femelles adultes expérimentées qui peuvent être âgées mais toujours reproductrices et non des bréhaignes.
En vieillissant, la biche a des rapports sociaux plus restreints avec ses congénères ; elle peut même avoir tendance à s’isoler.
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Le témoignage de cerfs décoiffés en compagnie d’une biche
En revenant vers mon parking, je vais passer par une source repérée à l’aller hors sentier et dont j’ignorais l’existence ; elle sort de terre parmi la végétation pour disparaître quelques mètres plus bas. Elle est fréquentée par les cervidés et autre faune.
Une grappe d’œufs de grenouilles rousses est maintenant à sec, au milieu des joncs de la source.
Une coulée part de la source pour se diriger vers les hauteurs où se réfugie normalement la faune en journée. Je décide de la suivre un moment, en surveillant l’heure. Initiative positive, parce que je vais enfin savoir où sont passés au moins une partie des cerfs que j’espérais observer depuis le mois dernier.
20H18 – Cà s’agite, tout la haut dans la vieille estive ; un groupe de cerfs élaphes est sorti de la forêt.
Il est constitué d’une biche et de son faon,
La biche a le ventre bien rond! Son faon, une femelle bientôt bichette, ne la quitte pas d’un pas ; son cimier est tout hérissé!
En dehors de la période du brame, cerfs et biches vivent séparément, mais il y aura toujours des exceptions. L’observation du comportement de ce petit groupe a été pour moi très intéressante.
Grosse surprise : les deux autres cervidés sont des cerfs qui ont perdu leurs bois.
Les deux cerfs ne sont pas sur la même longueur d’onde ; le plus jeune vient d’être repoussé du groupe par le plus âgé, un grand mâle. Il vient de le bousculer, les deux pattes en avant.
Les deux cerfs se toisent quelques instants, immobiles, mais il ne va rien se passer.
Un cerf qui a perdu ses bois est appelé un cerf mulet. La repousse, appelée le refait, débute une dizaine de jours après leur chute, en passant par une phase de cicatrisation.
Le plus corpulent des deux a des repousses plus avancées. L’autre, plus jeune, a fini de cicatriser ; on remarque les bourrelets qui correspondent aux futures meules. Je pense qu’ils vont respectivement vers leur 5ème tête (entre 5 et 6 ans) et 3ème tête (entre 3 et 4 ans).
Le plus âgé rejoint la biche et son faon sous le regard du plus jeune, resté sans bouger.
Comme le groupe est éloigné et qu’il est déjà tard, je ne me cache pas. Ils feront plusieurs haltes, intrigués probablement par ma présence en contrebas. Le jeune cerf a rejoint à nouveau le groupe.
Le jeune cerf tente de se rapprocher un peu plus, …
…, et çà ne passe pas! Le grand mâle se rue sur lui!
Il dévale la pente en le poursuivant!
Satisfait du résultat, il remonte alors vers la biche et son faon.
Le comportement de ce grand mâle s’apparente à celui d’un cerf en rut, qui chasse les concurrents qui s’approchent trop de ses biches!
La biche et son faon continuent leur progression.
Le grand mâle a un regard pas très commode!
Il regarde fixement le petit jeune, qui insiste encore en bas à droite.
Le petit mâle a le comportement typique d’un cerf satellite pendant le brame.
Tout en surveillant ce qui se passe derrière lui, le grand mâle reprend sa route vers les hauteurs ; l’autre lui colle au train.
Les oreilles dressés en arrière et les yeux exorbités en disent long sur l’état d’esprit du dominant.
Le grand mâle ferme maintenant la marche derrière le faon.
Il se retourne pour surveiller son congénère.
Moi aussi, j’ai droit à un drôle de regard et … à un cadeau de fumées bien collantes!
Au-dessus du regard qui cherche à me discerner, un début de couronne veloutée.
Ce n’est pas moi qui l’intéresse, c’est celui qu’il ne supporte pas dans ce petit groupe inhabituel.
Le jeune observe, avec une gestuelle que je connais bien chez ces petits cerfs pendant le brame.
Le face-à-face, où rien ne se passe. Pourquoi ce jeune tient-il autant à intégrer ce groupe où il n’est manifestement pas le bienvenu?
Le grand mâle s’est suffisamment fait respecter et se désintéresse de son congénère.
Plus haut, la biche a fait un arrêt pour observer, pendant que le faon continue son chemin ; il a l’air de savoir où il va.
20h23 – Le grand mâle a rejoint la biche et ferme la marche ; elle reprend sa route.
Le trio va disparaître derrière les hauteurs et je perds de vue aussi le jeune mâle, qui n’a pas suivi. Je ne perds pas de temps à le chercher ; je redescends l’estive pour rejoindre le chemin du retour, avant qu’il ne fasse trop sombre.
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Ce grand cerf est peut-être celui qui a fécondé la biche à l’automne dernier ; c’est bien possible, ils sont peu nombreux dans ce secteur. Serait-il alors le père bienveillant, soucieux de l’entourer et la protéger dans la dernière ligne droite de sa gestation? Bien sûr que non, quand on connait leur comportement!
Je n’ai aucune explication à donner pour ce comportement querelleur! De toute façon, la biche va bientôt mettre tout le monde d’accord en s’isolant avec son faon, pour la mise bas quelque part dans un coin isolé avec une bonne couverture végétale, à l’abri des prédateurs. C’est prévisible d’ici trois semaines environ, à partir de la mi-mai.
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On voit sur la plupart des dernières photos de nombreuses touffes serrées de plantes vertes ; il s’agit de l’Asphodèle blanc (Asphodelus albus), une plante vivace pyrophyte (ou pyrophile), c’est-à-dire qui a la capacité de repousser après un incendie (en particulier nos écobuages). Cette propriété la favorise par rapport à la concurrence. Une plante est dite pyrophyte quand elle résiste ou tire profit du feu pour se reproduire, se propager ou mieux prospérer.
Un Asphodèle blanc, au tout début de sa floraison au même lieu, le 02 mai 2025.
Il en existe trois sous-espèces, subsp. albus (Ouest, centre et Sud-Ouest jusqu’à 600 m d’altitude), occidentalis (Ouest, jusqu’à 200 m d’altitude) et subalpinus (ou delphinensis). Asphodelus albus subsp. subalpinus ou delphinensis est présent au-dessus de 700 m et jusqu’à 2 200 m sur les pelouses des Pyrénées et des Alpes. On l’appelle en français l’Asphodèle subalpin, Asphodèle du Dauphiné.
Tous les pieds ne fleurissent pas chaque année. La partie aérienne sèche et disparaît à l’été. L’appareil souterrain, enfoncé une vingtaine de centimètres dans le sol, est très développé et résiste au passage des flammes.
On trouve tout et son contraire concernant la comestibilité des parties aériennes et des tubercules des asphodèles ; je ne vais pas me risquer sur ce sujet et je ne ferai personnellement pas d’expérience. Je remarque que les sangliers les boudent.
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