logo

Le cerf du ravin de Chimiachas à Alquézar, Sierra de Guara

cerf de chimiachas alquezar

Le splendide cerf du ravin de Chimiachas, peint sur la roche de l’un des nombreux abris – Art Levantin de 6 000 à 3 000 ans av. J.-C.

Ce cerf-là, il était important pour moi de le rencontrer. Il est tout simplement splendide! Immobile, à l’écoute les oreilles tirées légèrement vers l’arrière et la tête bien droite, ce Douze cors régulier à empaumures dégage une impression de puissance, de calme et de sérénité. Il regarde ailleurs, en toute quiétude. Je me suis recueilli devant lui, ressentant la présence de celui qui l’a immortalisé ainsi sur la paroi de cet abri de Chimiachas, à proximité d’Alquézar en Aragon. Dans cette représentation, rien n’indique que cet artiste avait des intentions agressives envers l’animal ou envers son espèce.

Alors que la météo est mauvaise sur notre piémont pyrénéen en cette fin du mois de février, c’était l’occasion pour moi d’aller chercher le soleil de l’autre côté de la frontière, où les amandiers sont en fleurs.

mallos de riglos

22 février 2024 – Los Mallos de Riglos et ses amandiers en fleurs. 

Dans la région des Mallos de Riglos, les amandiers embaument encore l’air de leur parfum léger, mais beaucoup de fleurs ont déjà fané. Des milliers de Grues cendrées tournent en rond, haut dans le ciel. Elles sont pour l’instant bloquées par le mauvais temps sur nos Pyrénées.

abrigo chimiachas alquezar 81

22 février 2024 – La migration prénuptiale des Grues cendrées, depuis le village de Murillo de Gállego.

.

Le temps est également maussade ici mais il doit s’arranger. Direction le village médiéval d’Alquézar en Sierra de Guara, point de départ de randonnées intéressantes, dont celle menant aux abris rupestres de Quizans puis de Chimiachas. Elle permet de profiter de vues magnifiques sur les gorges du rio Vero, d’apercevoir quelques lointains sommets des Pyrénées et de se cultiver en découvrant de remarquables peintures rupestres, déclarées Patrimoine Mondial de l’Unesco.

.

I- Les différents arts rupestres présents en Aragon

La Parc Culturel du rio Vero renferment plus de 70 abris avec des peintures rupestres, c’est-à-dire peintes sur une paroi rocheuse. Ils ont été choisis par les sociétés préhistoriques comme emplacements pour exprimer le besoin de représenter leur quotidien et d’exprimer leurs émotions. On y trouve tous les styles classiques de la Préhistoire existant en Europe : l’Art Paléolithique, l’Art Levantin et l’Art Schématique.

Le terme « naturaliste », plutôt que réaliste, est utilisé par les chercheurs espagnols lorsqu’ils font référence à l’Art Levantin qui est un art très descriptif. Le qualificatif « réaliste » est plutôt réservé à l’art schématique pour désigner des représentations précises, identifiables, qui ne sont pas encore transformées en signes simples.

A partir du Paléolithique supérieur (période qui débute vers 40 000 ans av. J.-C.), chaque civilisation a laissé son empreinte. Les premières peintures rupestres dans la région ne sont signalées qu’en 1968 ; ce sont celles des abris de Lecina, de l’Art Schématique. Dix ans plus tard, des prospections systématiques dans la sierra de Guara et plus précisément dans le bassin du rio Vero entraînent rapidement de nombreuses nouvelles découvertes représentatives de toutes les périodes, avec la mise en place de mesures de protection des sites à partir de 1986.

Les accords de Kyoto du 2 décembre 1998, ont permis d’inscrire au Patrimoine de l’Humanité toutes les peintures de l’Aragon et plus généralement de tout l’arc méditerranéen de la Péninsule ibérique.

.

1-1 L’Art Paléolithique (40 000 av.J-C. – 10 000 av. J.-C.)

Ce sont les premiers témoignages artistiques de l’Humanité. Le seul témoignage en Aragon est celui de la Grotte de la Fuente del Trucho, où ses anciens habitants représentèrent dans la pénombre des figures naturalistes suggestives empreintes de mystère datant autour de 22 000 av. J.-C. : mains négatives d’enfants et d’adultes, chevaux, lignes de points, signes, etc. Découverte en 1978, la grotte est située à proximité d’Alquézar et fermée au public par d’immenses grilles. Une réplique partielle est visible au centre d’art rupestre du rio Vero à Colungo.

1-2 L’Art Levantin (8 000 av.J-C. – 3 000 av. J.-C.)

L’Art Levantin couvre en Aragon la période de 6.000 à 3.000 av. J.-C. On retrouve des peintures naturalistes avec une certaine stylisation sur les parois d’abris sous roche, de profondeur réduite, situés principalement sur des façades rocheuses abruptes près de canyons (Chimiachas, Arpán, Regacens, Muriecho, etc.). Les accès aux abris de Chimiachas, Arpán et Regacens sont libres, avec pour chacun d’eux un départ de randonnée à pied depuis Alquézar.

abrigo chimiachas alquezar 44

L’environnement de l’abri de Chimiachas, accessible par deux échelles métalliques situées en face des grilles derrière la végétation.

.

Cet art est l’expression de la culture et de la pensée des chasseurs-cueilleurs de fruits sauvages qui vivaient dans la Sierra au Post-paléolithique jusqu’à l’arrivée de l’agriculture et de la domestication des animaux au Néolithique. Les peintures sont toujours situées à la lumière du jour. A l’époque du Néolithique, la profondeur des grottes avait perdu tout attrait.

Des cerfs, bouquetins, archers, figures humaines composent des scènes de chasse et de récolte. On est en présence d’un art surtout narratif qui décrit la vie quotidienne de ces sociétés. L’homme et l’animal, isolés ou formant des scènes, en sont les acteurs principaux.

La couleur rouge est de préférence utilisée, mais aussi le blanc (lorsque la roche de support possède un ton rougeâtre) ou le noir. Au niveau technique, on identifie cet art par la précision des traits et les bords réguliers et bien définis, aussi bien en ce qui concerne les motifs linéaires qu’en ce qui concerne les figures d’animaux et, à moindre échelle, les figures humaines. L’intérieur de ces figures est rempli totalement ou partiellement de manière uniforme (encre plate) ou à l’aide de lignes.

.

1-3 L’Art schématique (5 000 av.J-C. – 1 500 av. J.-C.)

Cet art s’étend du Néolithique à l’Age des Métaux et il fut l’œuvre de peuples qui connaissaient déjà l’agriculture et l’élevage. Il est le plus représenté dans le Parc Culturel du rio Vero et il est présent dans les abris de Quizans, Arpán, Regacens, Mallata, Barfaluy, Gallinero, Lecina Supérieur, etc. L’accès à l’abri de Quizans est libre et peut être combiné avec la visite de l’abri de Chimiachas situé un peu plus loin. Les abris d’Arpán et de Regacens, déjà cités, cumulent donc des représentations des Arts levantin et schématique.

abrigo chimiachas alquezar 53

A l’arrière-plan, le massif du Cerro Quizans (1 122 m) ; l’abri de Quizans est situé en-dessous de la partie sommitale.

abrigo chimiachas alquezar 90

L’abri de Quizans, accessible aussi par une échelle métallique et protégé par des grilles.

.

abrigo chimiachas alquezar 92

Les coulures diverses et dépôts calcaires ont malheureusement endommagé l’environnement de l’abri, moins bien protégé que celui de Chimiachas. 

.

Dans des abris d’accès difficile, les hommes continuèrent à peindre des figures humaines et animales très simplifiées, des signes, des formes géométriques, des taches, des tracés, etc. jusqu’à peindre de pures représentations de la réalité. Cette synthétisation et abstraction supposent une évolution esthétique des peintures naturalistes du Post-Paléolithique.

Il est difficile d’interpréter leur sens et leur finalité, c’est pourquoi certains auteurs leur attribuent une grande charge symbolique de type religieux et rituel.

.

L’intégrité matérielle des peintures rencontrées est due en grande partie à la qualité de leurs supports rocheux et aux conditions atmosphériques particulières qui ont contribué à leur conservation à l’air libre. De qui sont-elles les oeuvres?

250 000 ans avant notre ère et jusqu’à il y a environ 35 000 ans, les hommes de Neandertal ont peuplé une bonne partie de l’Europe et de l’Asie. Vers 35 000 ans, les premiers Homo sapiens (l’Homme moderne) apparaissent en Europe, partis d’Afrique. Vers 30 000 ans, les derniers Néandertaliens disparaissent, sans raison précise.

Plusieurs hypothèses ont été formulées pour cette disparition progressive dont une possible contamination par de nouveaux pathogènes venus d’Afrique, mais aucune n’a été définitivement validée à ce jour par l’ensemble de la Communauté Scientifique. Même parmi les sources scientifiques les plus récentes, les dates et les hypothèses divergent encore.

Malgré les performances de plus en plus poussées des outils de recherche employés, chaque nouvelle étude qui semble être une avancée sur la connaissance de notre passé, divise la plupart du temps la Communauté Scientifique quant à l’interprétation des résultats.

.

II- La sortie à l’abri de Chimiachas

L’itinéraire est très bien balisé par des panneaux et des petits poteaux en bois portant au sommet une plaque carrée, de couleur verte, avec une tête de cheval de l’art rupestre et la mention Arte rupestre – Abrigo de Chimiachas. Le lieu de départ est le petit mais remarquable village médiéval d’Alquézar, sur lequel on aura des vues plongeantes magnifiques. Pour se garer, un petit parking est situé à proximité de la piscine municipale, sur le haut du village. De grands parkings sont également disponibles à l’entrée du village, facilement pleins en été.

Les photos qui suivent ne constituent pas un topo : il y en a de très bien faits sur le Net. C’est pour moi et entre autres, un recueil de ce que j’ai eu le plaisir d’apprendre en ayant effectué cette sortie. On peut compter environ 5h00 sans les arrêts, pour un dénivelé de 670 m cumulés (sans l’abri de Quizans) et une distance de 12 km. Altitude départ : 650 m ; maxi : 1 108 m ; abri de Chimiachas : 960 m.

.

abrigo chimiachas alquezar 01

L’espace sportif El Triador (piscine municipale), point de départ du parcours en prenant la piste bétonnée sur la gauche.

.

abrigo chimiachas alquezar 02

Direction « les Balsas de Basacol« , qui alimentaient autrefois Alquézar en eau potable.

.

abrigo chimiachas alquezar 03

Panneau explicatif sur les sujets remarquables du parcours.

.

abrigo chimiachas alquezar 85

En contrebas, ce réservoir circulaire en pierres rénové et appelé la Baseta, est une réserve d’eau pour l’irrigation des vergers et jardins potagers. Il était autrefois utilisé pour l’eau potable venant des Balsas (bassins) de Basacol.  

.

abrigo chimiachas alquezar 04

A chaque intersection, les directions sont indiquées et elles sont nombreuses tout le long du parcours.

.

abrigo chimiachas alquezar 05

A la sortie du village, les amandiers sont en fleurs.

.

abrigo chimiachas alquezar 06

Une cabane de berger, reconstitution récente inspirée des anciennes cabanes typiques de la sierra de Guara (Caseta de pastor) et qui fait moins authentique. Très petites, les casetas n’étaient pas destinées à y vivre ; elles étaient simplement utilisées pour se reposer et s’abriter des intempéries.

.

abrigo chimiachas alquezar 75

On longe un moment cette rigole bétonnée (plus pompeusement aménagée en certains endroits) qui alimentait autrefois la Baseta depuis les Balsas de Basacol. Depuis lors, une conduite a été enterrée.

.

abrigo chimiachas alquezar 09

Mes premiers Vautours fauves de la journée.

.

abrigo chimiachas alquezar 07

Traversée d’une passerelle métallique qui surmonte le Barranco (ravin) de Payuala.

.

abrigo chimiachas alquezar 76

La vue sur le Barranco de Payuala orienté vers le rio Vero, avec Alquézar en arrière-plan. 

.

abrigo chimiachas alquezar 82

La vue rapprochée sur la Collégiale d’Alquézar, qui domine le village. La partie la plus ancienne fut consacrée en 1 099.

.

abrigo chimiachas alquezar 77

Le retour s’effectuera par les crêtes, de l’autre côté du ravin. 

.

abrigo chimiachas alquezar 78

Le sentier continue à monter vers la partie supérieure du ravin.

.

abrigo chimiachas alquezar 79

Il se faufile dans un défilé.

.

abrigo chimiachas alquezar 08

Le sentier traverse le défilé, puis il emprunte un petit pont de pierre qui enjambe le ravin devenu étroit, avant d’accéder aux Balsas de Basacol par une montée aménagée avec des marches en bois. 

.

Les bassins de Basacol ont des origines arabes et permettaient de stocker l’eau qui approvisionnait Alquézar. Rénovés vers le début des années 2010, ils sont alimentés par une canalisation depuis la source où l’eau est captée : fontaine de San Pelegrín, située à proximité du petit hameau du même nom et qui dépend d’Alquézar. Cette eau est toujours utilisée pour irriguer les vergers et potagers d’Alquézar.

abrigo chimiachas alquezar 10

L’arrivée au premier bassin de Basacol (altitude 820 m).

Bien qu’en 1243 le roi Jacques Ier ait accordé aux habitants d’Alquézar l’usage de cette source, les habitants d’Alquézar et de San Pelegrín ont continué à se disputer son utilisation pendant des siècles. En 2022, les sept habitants recensés de San Pelegrín n’avaient toujours pas d’eau potable dans leurs maisons et continuaient à s’approvisionner en allant chercher l’eau à la fontaine à 2 km de là, à pied ou par moyen motorisé. Suite à leurs protestations répétées auprès de la mairie d’Alquézar, je ne sais pas si leur demande a été exaucée à la date de cette publication.

.

abrigo chimiachas alquezar 11

Passage au bassin supérieur.

.

abrigo chimiachas alquezar 12

L’arrivée au bassin supérieur. Le sentier continue en face en direction des Abrigos de Quizans, situés sous le sommet de la falaise à l’arrière-plan (massif du Cerro Quizans ou Tozal de la Mallata, dominant à 1 122 m) .

.

abrigo chimiachas alquezar 80

Une vue rapprochée des Abrigos de Quizans, avec au premier-plan une zone de garrigue à la végétation très dense, constituée de buis, de romarin, de lavande, de chênes kermès, de chênes verts, etc. 

.

abrigo chimiachas alquezar 15

Nouvelle bifurcation peu après les Balsas de Baracol. L’accès aux abris est également possible depuis le hameau de San Pelegrín. L’accès au hameau se fait par une piste montant d’Alquézar, qui était carrossable à la date de cette publication.  

.

abrigo chimiachas alquezar 34

Un autre abri de berger reconstruit, dans la garrigue.

.

abrigo chimiachas alquezar 17

Les vols de grues cendrées se succèdent aujourd’hui, direction le Nord de l’Europe.

.

abrigo chimiachas alquezar 18

Elles remplissent le ciel au-dessus de l’abri de Quizans.

.

abrigo chimiachas alquezar 19

Leurs manifestations sonores, si familières, font plaisir à entendre.

.

abrigo chimiachas alquezar 35

Le sentier passe à proximité de l’abri de berger, utile pour se protéger de la pluie et fournir un peu d’ombre bienvenue en été. A l’arrière-plan sur la gauche, la falaise qui accueille les abris de Quizans.

.

abrigo chimiachas alquezar 36

A l’arrière-plan dans l’axe des gorges du rio Vero, la Peña Montañesa (2 295 m). Les gorges sont dominées par el Tozal de Alquézar, ce sommet arrondi. 

.

abrigo chimiachas alquezar 20

La Peña Montañesa. Le reste de la chaîne pyrénéenne est dans les nuages. 

.

abrigo chimiachas alquezar 21

La Peña Montañesa en mode portrait et les gorges du rio Vero.

.

abrigo chimiachas alquezar 25

On approche de l’abri de Quizans (1 050 m), dont on devine l’échelle d’accès quand la végétation le permet. Ces cavités particulières dans la roche calcaire sont le résultat de l’érosion causée par le vent et l’eau au fil des temps géologiques. 

.

abrigo chimiachas alquezar 22

L’abri est situé légèrement à l’écart du sentier principal, orienté plein sud.

.

Au droit de l’abri de Quizans, une bifurcation à main droite mène directement à l’abri par un petit chemin d’accès court et sans difficulté. Les peintures rupestres schématiques peuvent être visitées aussi bien au retour qu’à l’aller. Personnellement, je préfère assurer la visite de l’abri de Chimiachas qui est le plus intéressant, en sachant que la météo est incertaine pour l’après-midi.

.

Le sentier principal continue en montant jusqu’à un point dominant (le plus haut de ce parcours, 1 108 m), appelé Tozal Deros Tiestos et avec (normalement) une vue panoramique dès plus intéressantes sur les magnifiques sommets pyrénéens du Parc National d´Ordessa et Mont Perdu, dans les nuages aujourd’hui (donc, pas de photo).

Une bifurcation laisse le choix avec Paso Len/Articazos à main droite : ce sentier mène à une voie aérienne qui longe le ravin du rio Vero. Le col du Len, long d’environ 15 m, est suspendu sur une étroite corniche au-dessus d’une falaise vertigineuse de plus de 300 m équipée de cordes comme mains courantes.

.

On continue tout droit en direction de l’abri de Chimiachas, jusqu’à la prochaine bifurcation un peu plus loin.

abrigo chimiachas alquezar 33

Nouveaux panneaux indicateurs de directions. A l’arrière-plan, la vue est toujours bouchée vers la Peña Montañesa.

A main gauche, le panneau indique los Pozos de Campoluengo o del Tito et en dessous, Sevil. Devant l’abri de berger, on remarque le petit poteau indicateur Arte rupestre – Abrigo de Chimiachas : c’est le chemin à suivre jusqu’à l’abri.

.

On commence à descendre vers le fond du ravin, la plupart du temps à sec (sauf en période de pluie).

abrigo chimiachas alquezar 51

La descente vers le ravin de Chimiachas par une piste encaillassée. 

.

abrigo chimiachas alquezar 37

Une vue sur la falaise où je pensais voir l’abri, avant de rentrer dans la forêt. Il est en fait situé bien plus bas, invisible pendant la descente.

On quitte rapidement le sentier principal pour bifurquer à droite vers une forêt de conifères. On y pénètre en suivant le balisage sur un sentier caillouteux et pentu mais sans danger particulier par temps sec. On n’entend que le murmure du vent qui s’infiltre parmi les cimes des conifères, une musique apaisante. Le lieu est isolé, très sauvage. Hors période touristique, l’endroit semble surtout fréquenté par les sangliers. Aujourd’hui, je n’y ai croisé personne.

.

abrigo chimiachas alquezar 50

L’entrée dans la forêt. Le sentier a quelques passages raides mais faciles, qui peuvent être glissants par temps de pluie.

.

abrigo chimiachas alquezar 38

Il passe devant ce grand porche qui attire le regard. 

.

Un peu plus loin, on quitte le fond du ravin pour remonter à main droite un sentier raide et toujours bien marqué par le balisage « tête de cheval ».

On ne peut continuer la descente au fond du ravin sans le matériel adéquat. En effet, ce sentier est également utilisé par les adeptes de canyoning. Le sentier continue de descendre en direction du rio Vero avec sur 1 000 m de développement linéaire, 250 m de dénivelé négatif comportant de nombreux rappels allant de 10 m jusqu’à 45 m.

.

abrigo chimiachas alquezar 49

 On débouche sur un cirque rocheux entouré de hautes falaises, où se situe enfin l’abri, accessible par deux échelles métalliques.

.

abrigo chimiachas alquezar 48

Panneau délavé rappelant l’histoire de l’abri de Chimiachas. Tout y est dit, en espagnol bien sûr :

« Le cerf du ravin de Chimiachas est l’un des plus beaux représentants de l’art préhistorique levantin.

Ces manifestations artistiques, typiques de la zone méditerranéenne de la péninsule Ibérique, se trouvent toujours dans des abris peu profonds et exposés au soleil.

SON STYLE NATURALISTE fait l’admiration pour sa force expressive et son extraordinaire conservation. Dans l’exécution de la peinture, se distinguent la silhouette ferme de l’animal et le remplissage intérieur en encres plates, dans différentes nuances de rouge.

LES POPULATIONS QUI ONT HABITE CES TERRES entre 8.000 et 3.000 av. J.-C se consacraient à la chasse et à la cueillette des fruits sauvages, pratiquant au cours des derniers millénaires les innovations néolithiques : l’agriculture et l’élevage.

Un halo de magie et de mystère entoure la symbolique de ce cerf solitaire, avec la présence duquel ses auteurs ont peut-être voulu encourager la chasse ».

.

abrigo chimiachas alquezar 46

Les grilles de protection de l’abri, sur une vire à la partie inférieure de la falaise. La cavité allongée fait 18 m de long, 6 m de profondeur et avec une ouverture de 9 m.

.

abrigo chimiachas alquezar 42

Le cerf solitaire de Chimiachas. Ainsi, il fait petit.

.

abrigo chimiachas alquezar 40

La même vue de biais au travers des grilles, recadrée.

.

abrigo chimiachas alquezar 41

La vue de face, également recadrée. Sa silhouette est renforcée par des lignes épaisses. Les pigments rouges utilisés sont à base de minéraux de fer.

Quelles dimensions fait-il? Je n’ai pas cherché à m’en donner une idée sur le moment mais je l’imaginais plus grand ; j’ai été surpris dans un premier temps. Les photos consultables sur le Net où il est recadré au maximum peuvent induire en erreur. Il est en fait un peu plus petit que ce que j’ai pu lire dans la plupart des publications. Un photographe très connu disait « suggérer, c’est créer. Décrire, c’est détruire ». Je ne donnerai donc pas la réponse.

Quelle symbolique avait-il? Nous ne le saurons jamais avec certitude et c’est tant mieux ; autant qu’il garde sa part de mystère. Un fait ressort : ce serait l’oeuvre d’un chasseur, avec ces détails anatomiques qui traduisent une observation assidue du comportement de cette espèce dans la nature.

Il ressort aussi de mes lectures que les figures d’animaux isolés seraient pratiquement inexistantes dans l’art pariétal ; elles sont presque toujours accompagnées d’idéogrammes (symboles graphiques). Mais alors, pourquoi ce cerf est-il seul au fond d’un abri aussi grand?

En tous cas, ce cerf indiquait à l’époque (volontairement ou non) la présence de l’espèce en ces lieux et il nous en donne le témoignage. Aujourd’hui, le Cerf élaphe commencerait à apparaître dans la sierra de Guara, mais je n’ai retrouvé aucune information concrète à ce sujet.

.

abrigo chimiachas alquezar 45

Un aperçu de la vire où se situe l’abri, orienté au sud-est.

.

abrigo chimiachas alquezar 39

Un aperçu du ravin de Chimiachas, par le fond duquel on accède à l’abri.

.

abrigo chimiachas alquezar 43

Le début du retour, possible pour un simple randonneur que par le même chemin qu’à l’aller.

.

abrigo chimiachas alquezar 86

On repasse devant le grand porche, qui abrite une cavité accessible en s’aidant de ses mains, haute et étroite et qui s’enfonce dans la roche. Dans cet environnement, elle m’interpelle. Je ne sais pas si elle donne accès à une grotte plus spacieuse. Parler de caverne comporterait une connotation plutôt liée à l’activité humaine, ici non signalée.

.

abrigo chimiachas alquezar 52

Le début de la descente vers l’abri de Quizans. Sa visite sera pour une autre fois car les conditions météo sont en train de se dégrader.

.

abrigo chimiachas alquezar 55

Sur la droite, il pleut.

.

abrigo chimiachas alquezar 26

Une vue dominante vers les Balsas de Basacol, depuis le sentier venant de Chimiachas. Alquézar, en contrebas, est vers la gauche (hors cadre).

.

abrigo chimiachas alquezar 30

Le sentier descendant aux Balsas de Basacol, desquels repart sur la gauche un autre sentier permettant d’effectuer une boucle pour le retour vers Alquézar. Il contourne la Collégiale Santa Maria la Mayor.

abrigo chimiachas alquezar 27

Vue dominante rapprochée sur les Balsas de Basacol.

.

abrigo chimiachas alquezar 84

Le temps se gâte ; ce sera pour une autre fois.

.

abrigo chimiachas alquezar 31

Le ballet de nombreux Vautours fauves, au-dessus des gorges du rio Vero. On aurait pu apercevoir le Cotiella (2 912 m) sur la gauche de cette photo, puis le massif de la Maladeta/Aneto (hors cadre sur la droite).

.

abrigo chimiachas alquezar 56

L’arrivée au bassin supérieur de Basacol, visité déjà à l’aller.

Ce bâtiment reconstruit (ou construit?), un « Esconjuradero« , est un élément architectural caractéristique de la culture et des traditions espagnoles, bâtis symétriquement avec de grandes ouvertures donnant sur les quatre points cardinaux. Majoritairement présent dans les Pyrénées aragonaises, le nom vient de l’aragonais esconchurar = conjurer. Ces témoins d’une époque révolue sont souvent situés à des endroits permettant une vue dégagée.

Du 16è au 18è siècle, les esconjuraderos ont été édifiés spécifiquement pour abriter des rituels destinés à conjurer les tempêtes, les orages, les épidémies et autres fléaux qui menaçaient les cultures. Les origines pourraient être païennes (on parle parfois de « sorcières »), reprises par la suite par la religion catholique avant de tomber en désuétude.

Personnellement, je ne m’attendais à aucune signification particulière pour ce bâtiment récent. Il me semble être là que pour faire « joli » dans le paysage d’autant plus qu’il abrite l’alimentation en eau du bassin. Y en avait-il réellement un ici par le passé?

.

abrigo chimiachas alquezar 57

La descente au bassin inférieur.

.

abrigo chimiachas alquezar 58

L’arrivée à l’aller depuis Alquézar est à main droite. Pour le retour, on fait une jolie boucle en se dirigeant au fond du bassin, … 

.

abrigo chimiachas alquezar 13

…, pour prendre ce sentier indiquant plusieurs directions communes, Puente de Villacantal (2,2 km), Asque (5,7 km), Colungo (7,5 km) sur le panneau de gauche, Alquézar (1,6 km) sur celui de droite. 

.

Le sentier continue sur une ligne de crête en direction du Collado (col) de San Lucas (691 m), où se situe la prochaine bifurcation. Il offre de superbes vues sur Alquézar et sur les gorges du rio Vero.

abrigo chimiachas alquezar 60

Les points de vue sur Alquézar et son environnement (barranco de Payuela) sont magnifiques. 

.

abrigo chimiachas alquezar 59

Sur la gauche, notre sentier descendant au col de San Lucas (691 m). A gauche, la descente vers le Puente de Villacantal enjambant le rio Vero. A droite, la descente finale vers Alquézar.

En face, le sentier ne mène nulle part, sinon à un point de vue sur le rio Vero et permet également l’accès à la tour en ruines dominant la collégiale.

.

abrigo chimiachas alquezar 91

Au premier-plan, la vue plongeante sur deux « Esconjuraderos » récemment construits. Je n’ai pas l’impression qu’il y en avait à cet endroit par le passé.

.

abrigo chimiachas alquezar 67

Ils sont très nombreux!

.

abrigo chimiachas alquezar 68

Ils vont et viennent sans se lasser de ma présence.

.

abrigo chimiachas alquezar 70

En face, la passerelle métallique qui surmonte le Barranco (ravin) de Payuala et empruntée à l’aller.

.

abrigo chimiachas alquezar 71

Ils vont et viennent chacun leur tour à quelques mètres de moi.

.

abrigo chimiachas alquezar 72

Celui-là va avoir besoin de renouveler ses plumes.

.

abrigo chimiachas alquezar 61

« Le meilleur restaurant d’Alquézar ». Pour changer du régime carné, il y a quand même de bons restaurants de poissons en saison touristique.

.

abrigo chimiachas alquezar 73

Quelques averses un peu partout mais le parcours sera épargné.

.

abrigo chimiachas alquezar 62

En face, la Garganta (gorge) de Villacantal. A gauche, ces calcaires inclinés faisant partie de l’anticlinal Balced-Sevil (pli N-S en forme de dôme de 17 km de long) plongent vers le fond du rio Vero.

Au-dessus de la falaise d’en face, l’horizontalité domine, car cette accumulation de conglomérats est postérieure à l’élévation des Pyrénées.

.

abrigo chimiachas alquezar 63

Ce panneau explique les particularités du rio Vero dont voilà la traduction :

LES « Dineretes » du col de San Lucas

Bien que cela soit difficile à imaginer, tu marches sur une roche qui s’est formée au fond d’une mer tropicale et peu profonde il y a 50 millions d’années.

Ce « potage de lentilles blanches et de riz » est formé des coquilles fossiles des organismes unicellulaires les plus grands et les plus évolués : les foraminifères (alvéolites et nummulites). Ils vivaient près du fond de la mer et étaient si nombreux que leurs coquilles constituaient la majeure partie du calcaire de Guara. Localement, nous les appelons « dineretes« . Regardes bien la roche, çà en est plein!

Des coraux, des oursins, des carapaces de tortues et même des os de Siréniens (vaches marines ou lamantins) ont été trouvés dans les roches de cette zone.

Vitesse de « canyonisation » : 5 mm par siècle

À cette vitesse, le rio Vero creuse son propre canyon depuis au moins 6 millions d’années. Il le fait mécaniquement, par la collision des roches et des sédiments sur le lit de la rivière, et chimiquement, par dissolution.

L’eau est capable d’attaquer le carbonate de calcium dur de la roche, laissant ses traces caractéristiques sur le paysage karstique : canyons, abris, crêtes, aiguilles, gouffres, dolines, etc.

Cette réaction est réversible et le carbonate dissous dans l’eau peut précipiter, formant des stalactites, des stalagmites et des travertins (pierre « brute ») dans les zones de cascades et de fontaines.

Une arche rocheuse

Les calcaires que vous voyez sont inclinés car ils font partie du fameux anticlinal Balced-Sevil (pli N-S en forme de dôme de 17 km de long).

Dans les conglomérats du fond, l’horizontalité domine, puisque leur accumulation s’est faite après l’élévation des Pyrénées.

.

abrigo chimiachas alquezar 87

L’arrivée au col de San Lucas, qui n’a rien d’exceptionnel sinon les « dineretes ». En face, le sentier ne mène qu’à un point de vue sur le rio Vero et il permet un accès à la tour en ruines dominant la collégiale.

.

abrigo chimiachas alquezar 88

A main gauche, on descend vers el Puente de Villacantal, les villages d’Asque et de Colungo. On peut observer d’autres peintures rupestres.

.

abrigo chimiachas alquezar 89

Le début de la descente vers le Pont de Villacantal, à faire une autre fois. En contrebas du vallon à l’ombre à l’horizon, se trouve approximativement l’abri d’Arpán. 

A la sortie du défilé après le magnifique Pont de Villacantal, une bifurcation permet de continuer (voir les topos sur le Net) :

_ à main gauche, le sentier va passer devant la Cueva (grotte) de la Fuente del Trucho (Art paléolithique), fermée, pour visiter l’Abrigo de Arpán où l’on peut observer d’autres manifestations de l’Art rupestre (levantin et schématique) dont une autre peinture de grand cerf, moins bien conservée. Cet abri est également accessible à partir d’un autre point de départ avec un parking sur la route A-2205 venant de Colungo (centre d’art rupestre du rio Vero) en direction de Barcabo entre les KM 21 et 20, par un sentier bien plus court (2.6 km, dénivelé 120 m).

_ sur la droite, la piste qui monte en direction d’Asque et Colungo permet de visiter l’Abrigo de Regacens, où il ne reste pratiquement rien d’esthétique des peintures rupestres (levantin et schématique), si l’on en croit les visiteurs depuis l’extérieur des grilles. Le site est également accessible dans l’autre sens depuis le village d’Asque, après Colungo (5, 8 km, dénivelé 180 m).

.

abrigo chimiachas alquezar 64

Le début de la descente, puis de la remontée vers Alquézar, que l’on traverse à pied pour arriver au parking de départ.

.

abrigo chimiachas alquezar 65

L’arrivée à l’entrée d’Alquézar, point de départ pour le col de San Lucas et les randonnées précédemment citées.

.

Alors que l’on vit une époque où « On » dépense plusieurs dizaines de milliards d’euros pour développer l’Intelligence Artificielle qui nous mènera encore plus vite à l’épuisement des ressources de notre Planète, découvrir ce témoignage d’intelligence naturelle de nos ancêtres lointains m’a fait le plus grand bien!

.

III- Webographie

_ Parque Cultural Rio Vero – Art Rupestre du rio Vero : https://v4.parqueculturalriovero.com/fr/art-rupestre/art-rupestre-de-la-riviere-vero

_ Les figures animales post-paléolithiques de la province de Huesca – Albert Painaud – Musée de Huesca : https://sciencepress.mnhn.fr/sites/default/files/articles/pdf/az2006n2a5.pdf

_ L’art levantin et l’art schématique espagnols – Mauro S. Hernandez Pérez et Rafael Martinez Valle – Année 2003 – pp. 109 – 126 (Article de : Préhistoire de l’Europe – Des origines à l’Age de Bronze) : https://www.persee.fr/doc/acths_0000-0001_2003_act_125_1_4847

Comments ( 0 )

    Leave A Comment

    Your email address will not be published. Required fields are marked *