La Couleuvre de Montpellier, un mâle.
La Couleuvre de Montpellier Malpolon monspessulanus est absente de Nouvelle-Aquitaine mais elle est assez répandue sur le pourtour méditerranéen, qui représente sa limite de répartition nationale. Pour faire sa connaissance, je suis allé sur le versant sud des Pyrénées, en Aragon où elle est bien présente. Elle était tranquillement enroulée sur un talus ensoleillé, un 26 septembre à la période du brame (altitude 990 m). Ce serpent sombre m’a de suite intrigué.
.
I- Description de la Couleuvre de Montpellier
1-1 Aspect général de la Couleuvre de Montpellier
Parmi les 14 espèces de serpents présents en France métropolitaine, c’est la seule qui peut attendre ou dépasser exceptionnellement 2 mètres de longueur. Ce serait le plus grand serpent d’Europe. Cela ne concerne que des mâles et surtout, que quelques individus. Le record connu pour l’espèce est un spécimen espagnol de 2,40 m, 20 cm de plus que le plus grand individu français et mesuré en Occitanie : 2,20 m à Tuchan, dans l’Aude. Ils mesurent le plus souvent entre 1m50 et 1m70.
Les femelles sont plus petites, jusqu’à 1m40 environ. Ce caractère est inversé par rapport aux autres espèces de serpents, où les femelles sont généralement plus grandes.
C’est aussi le plus gros ; il peut exceptionnellement atteindre 20 cm de circonférence et approcher le poids respectable de 2 kg ; les mâles sont les plus massifs. Pour rappel, la France métropolitaine abrite 4 vipères et 10 couleuvres dont l’une d’entre elles Natrix tessellata ou Couleuvre tessellée ne se retrouve que sur les rives du lac Léman. Elle y est apparue depuis 2020, en raison de l’introduction antérieure illégale d’individus côté suisse du lac.
Le dimorphisme sexuel est bien plus marqué si on observe la livrée. Les mâles ont le dos vert olive à gris bleuté uniforme. La base des flancs est soulignée par une ligne de teinte jaune/gris bleuté. Le ventre est blanc à jaune vif uniforme.
Les femelles ont un dos généralement brun, tacheté de noir et blanc. L’écaille préoculaire, les deux postoculaires et les huit supralabiales sont aussi caractérisées chez la femelle par la présence de taches d’un blanc pur, cernées d’un liseré sombre. La face ventrale est plus bariolée que chez le mâle.
Les jeunes se ressemblent à l’éclosion (août-septembre) et mesurent de 20 cm à 30 cm environ. Ils présentent tous une livrée proche de celle de la femelle, quel que soit leur sexe.
.
1-2 L’écaillure de la Couleuvre de Montpellier
L’écaillure chez les serpents est un caractère très constant, peu soumis à la variabilité individuelle au sein d’une même espèce. La forme et le nombre des écailles montrent une configuration propre à chaque espèce et permet une identification spécifique fiable sur des photos bien nettes avec le bon angle.
Observation des écailles de la tête de la Couleuvre de Montpellier, utile pour l’identification.
-1- Une écaille frontale très étroite et allongée en forme de clou de girofle, unique chez les serpents de France ; -2 – Deux écailles préfrontales ; -3- Deux écailles supraoculaires, très proéminentes ; -4- Une grande écaille préoculaire triangulaire ; -5- Huit écailles supralabiales ; -6- Deux écailles postoculaires ; -7- Nombreuses écailles dorsales, dites « déprimées ».
La tête de la Couleuvre de Montpellier est assez caractéristique. C’est le seul serpent de France à avoir le dessus du crâne légèrement concave, avec des écailles supraoculaires saillantes. Cela lui donne un air sévère, « méchant ». Les côtés de la tête sont fortement creusés en avant de l’œil, ce qui lui autorise une vision binoculaire et un comportement caractéristique : toujours sur le qui-vive, elle a une bonne acuité visuelle et repère ses proies de loin et les surveille frontalement, l’avant du corps dressé. L’une écaille frontale en forme de clou de girofle est spécifique à cette espèce.
Les écailles dorsales de la Couleuvre de Montpellier sont égales uniques parmi nos serpents : elles sont lisses mais concaves en présentant une dépression centrale ; elles sont dites « déprimées« . Il existe deux formes d’écaillure dorsale chez les serpents :
-écailles lisses ; elles reflètent la lumière et donnent une apparence générale brillante. Elles peuvent être concaves (spécifique à la Couleuvre de Montpellier), ou convexes chez la Couleuvre verte et jaune Hierophis viridiflavus, la Couleuvre d’Esculape Zamenis longissimus) la Coronelle lisse Coronella austriaca, la Coronelle girondine Coronella girondica, etc.
-écailles carénées : une carène est une petite crête qui partage l’écaille en deux dans le sens de la longueur et qui donne un aspect rugueux ; l’apparence générale est terne, sans brillance. C’est le cas pour la Couleuvre helvétique Natrix helvetica, Couleuvre vipérine Natrix Maura, Vipère aspic Vipera aspis, etc.
.
1-3 La morsure de la Couleuvre de Montpellier
La Couleuvre de Montpellier est la seule couleuvre venimeuse de France métropolitaine. L’appareil inoculateur du venin est de type opistoglyphe, c’est-à-dire que les crochets à venin sont placés à l’arrière de la mâchoire ; ils y restent constants en position et en taille. Ils ne sont donc pas rétractiles, à l’inverse de ceux des vipères (de type solénoglyphe). Chez ces dernières, les crochets à venin sont situés à l’avant de la mâchoire et sont mobiles ; ils se déplient quand elle ouvre la gueule et se replient, mâchoire fermée.
Par la position de ses crochets qui ne sont actifs que quand elle engloutit sa proie, la morsure d’une Couleuvre de Montpellier est sans danger pour l’homme. C’est cependant un serpent batailleur qu’il vaut mieux laisser tranquille.
.
II- Le régime alimentaire de la Couleuvre de Montpellier
Opportuniste, son régime alimentaire ressemble à celui de la Couleuvre verte et jaune ; certains individus sont capables d’avaler des proies un peu plus grosses, neutralisées par étouffement (constriction). Elle se nourrit de rongeurs et autres petits mammifères ; elle apprécie particulièrement les lézards et les serpents. Elle fait elle aussi partie des espèces dites ophiophages, c’est-à-dire qu’elle est capable de manger d’autres serpents, même de son espèce. Elle peut grimper aux arbres mais elle s’intéresse de préférence aux oiseaux nichant au sol.
Sa période d’activité va de fin mars à octobre, avec un pic au moment des accouplements au printemps (avril-mai). Elle hiverne généralement à partir de fin octobre mais peut faire des sorties hivernales par beau temps … méditerranéen.
.
III- Habitat de la Couleuvre de Montpellier
La Couleuvre de Montpellier fréquente le même type d’habitat que la Couleuvre verte et jaune. Cependant, elles ne se font pas concurrence. La Couleuvre verte et jaune disparaît en présence de la Couleuvre de Montpellier.
Elle fréquente une multitude d’habitats, secs ou humides, pourvu qu’ils bénéficient d’un ensoleillement généreux : marais littoraux, bords de cours d’eau, vignobles, vergers, maquis, garrigues, haies bocagères, talus de voies ferrées et talus routiers, friches urbaines et péri-urbaines, jardins, lisières de bois etc. C’est une espèce à exigence thermique élevée.
.
IV- Répartition de la Couleuvre de Montpellier (source Biodiv’occitanie)
La Couleuvre de Montpellier est une espèce ibéro-maghrébine qu’on rencontre à la fois en Afrique du Nord (Maroc, Algérie), dans la péninsule Ibérique (Espagne, Portugal), dans le Midi méditerranéen de la France et dans l’extrême nord-ouest de l’Italie.
En France, sa présence est parfaitement calquée sur le domaine climatique méditerranéen et elle est absente des zones soumises à un climat autre. En conséquence, sa répartition occitane n’intéresse que les départements de l’ex-région Languedoc-Roussillon : Pyrénées-Orientales, Aude, Hérault, Lozère et Gard. Elle ne les colonise d’ailleurs pas totalement, car ils sont en partie constitués de zones ne bénéficiant pas d’un authentique climat méditerranéen (secteurs montagneux élevés du massif Central et des Pyrénées, ou bien de basse altitude mais situés sur le versant atlantique du massif Central, comme une bonne partie de la Lozère).
Les altitudes maximales atteintes par cette couleuvre en Occitanie sont assez modestes : 1 060 m dans le massif Central sur l’Espinouse (Hérault) et 1 320 m en Réserve Naturelle de Jujols (Pyrénées-Orientales). La très grande majorité des observations se situe en-dessous de 500 m d’altitude. Dans le sud de l’Espagne, on peut la trouver jusqu’à 2 400 m d’altitude.
Sous l’effet du changement climatique, certaines zones proches de son aire actuelle (couloir du Lauragais, reliefs de la bordure sud du massif Central…) seront probablement colonisées dans un futur proche au détriment de la Couleuvre verte et jaune qui les occupe actuellement.
.
V- Menaces et protection de la Couleuvre de Montpellier
Les menaces sont identiques pour toutes les espèces de serpents : pesticides, développement des réseaux routiers et dégradation/disparition de leur habitat (recul des garrigues, forte urbanisation du littoral méditerranéen).
Depuis l’arrêté de protection des Reptiles et Amphibiens du 8 janvier 2021 (Article 2) paru au Journal Officiel le 11 février 2021, toutes les espèces de serpents en France sont intégralement protégées par la loi!
.
VI- Webographie
Remarque : afin de mieux illustrer cette publication, d’autres photos seront publiées selon mes rencontres.
_ Herpétofaune de France et d’ailleurs – La Couleuvre de Montpellier : http://coronella.free.fr/malmon.php
_ Herpétofaune de France et d’ailleurs – Les serpents de France métropolitaine : http://coronella.free.fr/serpents.php
_ Biodiv’Occitanie – Couleuvre de Montpellier : https://biodiv-occitanie.fr/espece/La Couleuvre de Montpellier.
Comments ( 0 )