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Le Vautour fauve dans les Pyrénées et un peu ailleurs

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Le Vautour fauve.

Le Vautour fauve (Gyps fulvus) est redevenu indissociable du ciel du Haut-Béarn. Planeur infatigable, on le rencontre régulièrement en randonnée, tournant en rond au-dessus de nos têtes. Quand je l’observe, il me fait parfois penser à certains dessins des albums de Lucky Luke, où son apparition n’est jamais bon signe. En effet, ce grand rapace est un charognard nécrophage. Dans la chaîne alimentaire des éboueurs de montagne, il intervient en premier mais il est régulièrement précédé chez nous par le Grand Corbeau (Corvus corax), résident permanent des lieux et lui aussi un mal aimé.

Certaines photos d’illustration comme les vautours au nid ont été prises lors de mes séjours ornithologiques en Espagne, où les Vautours fauves sont dix fois plus nombreux.

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I- Quelques informations générales sur le vautour fauve

Le terme « vautour » est un nom vernaculaire désignant les rapaces diurnes nécrophages. Il en existe de nombreuses espèces de part le Monde, en principe 23. En France, nous avons quatre d’entre elles, le Gypaète barbu (Gypaetus barbatus), le Vautour moine (Aegypius monachus), le Vautour percnoptère (Neophron percnopterus) et le Vautour fauve, sujet d’aujourd’hui.

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Parfois, quand il passe juste au-dessus de ma tête sur un sommet ou une crête, j’entends un sifflement particulier provoqué par l’air qui traverse ses rémiges primaires externes écartées ; un moment singulier.

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« L’oiseau libre ».

Il a l’envergure d’un grand planeur, 2m40 à 2m70 environ avec un poids de 8 à 10 kg en moyenne. Il se déplace en utilisant principalement les courants ascendants se formant le long des parois naturelles, car il se fatigue trop vite s’il bat des ailes sur de longues distances. Il passe l’essentiel de sa journée en vol et il lui faut une locomotion peu coûteuse en énergie. Au sol, il est embarrassé pour redécoller ; il a besoin de prendre de l’élan en courant face au vent ou dans une pente.

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Pour se poser, il laisse pendre ses pattes aux longs doigts griffus, puis les projette en avant pour la phase finale.

Ses pattes ne sont pas préhensiles, contrairement à celles des rapaces prédateurs. Pour le transport de matériaux, il doit utiliser son bec.

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L’adulte est facilement reconnaissable à sa collerette blanche. 

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En vol battu, les mouvements d’ailes sont lents et amples.

C’est le seul vautour à avoir un plumage brun clair, sauf les ailes et la queue qui sont brun foncé. Sa tête et son long cou sont recouverts d’un duvet blanc très fin, ce qui lui évite de souiller ses plumes dans les carcasses. La base du cou chez l’adulte est ornée d’une collerette de plumes blanches. Il n’y a pas de dimorphisme sexuel perceptible.

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Vautour fauve juvénile, à la collerette brune.

Le juvénile présente un plumage brun avec une collerette de plumes brunes. Son plumage va s’éclaircir progressivement dès la deuxième année lors de la mue, à partir de trois ans pour la collerette.

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Le magnifique plumage d’un immature (sa collerette est encore brunâtre).

On peut facilement compter sur la photo ci-dessus les sept rémiges primaires externes étalées au bout des ailes (pour dix au total), qui constituent ce que l’on appelle chez les oiseaux « les doigts de la main ». Les trois autres primaires sont légèrement plus courtes que les rémiges secondaires qui suivent, toutes de la même longueur et conférant à l’oiseau l’essentiel de sa portance.

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Un autre immature au plumage dépenaillé, mais aux « doigts de la main » intacts.

La mue se déroule essentiellement  pendant l’été mais l’oiseau peut perdre des rémiges primaires tout au long de l’année. Ces dernières, courbées par la résistance de l’air, sont soumises à de rudes efforts.

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La couleur bleutée de la peau nue.

La peau nue du cou est normalement bleue. L’adulte présente en plus deux taches déplumées à la base du cou, de part et d’autre du jabot. Quand il est excité, le sang afflue à sa surface et cette peau rougit. Ces taches déplumées ne sont visibles que lorsque l’oiseau a le cou tendu ; il vole avec la tête et le cou rentrés. C’est aussi le cas quand il se repose.

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Vautour adulte en début de journée, le cou rentré dans sa collerette de plumes blanches.

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Vautours fauves excités, le cou tendu, photographiés sur un affût en Espagne ; on aperçoit sur certains adultes les taches qui ont rougi de part et d’autre du jabot.  

L’oiseau est généralement silencieux, sauf lors des accouplements au nid où le mâle laisse alors échapper de longs soufflements et chuintements caractéristiques qui s’entendent de loin. Lors de disputes, il manifeste son mécontentement par une sorte de caquètement.

Son mode de vie est grégaire. Il vit toute l’année en colonies de plusieurs dizaines à plusieurs centaines d’individus.

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Un groupe de vautours fauves sur son reposoir, attendant le bon moment pour décoller.

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Un reposoir fréquenté, au vu de la quantité de fientes sur les rochers.

Les vautours commencent leur journée en lissant leurs plumes sur un reposoir, perchés en hauteur sur un arbre ou sur le bord d’une falaise et ouvrant les ailes pour les sécher. Cet entretien journalier est indispensable pour se maintenir en état de vol.

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Vautour fauve immature se chauffant les ailes au soleil sur un promontoire après son toilettage, avant de commencer la journée.

Chacun attend que l’air se réchauffe pour prendre son envol. Le petit groupe décolle alors et s’éloigne, les uns à la suite des autres. Les oiseaux profitent des ascendances thermiques qui les élèvent sans peine vers les cieux. Ils vont se disperser pour prospecter leur territoire, à la recherche de nourriture tout en se surveillant mutuellement ; leur vue est très perçante. Ils reviendront au dortoir en fin d’après-midi.

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Un groupe de vautours descendus de leur dortoir sur la falaise et prenant le soleil à terre en début de journée ; ils utiliseront ensuite la pente pour faciliter leur envol.

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Vautours fauves planant à haute altitude, au-dessus de ma maison située en plaine. 

Les vautours peuvent s’éloigner journellement très loin selon l’abondance de nourriture. Pour donner un ordre d’idée, j’ai ainsi eu l’occasion d’en observer à plusieurs reprises au-dessus de Lembeye, dans le Nord-est du Béarn ; ce n’est pas la limite de leur exploration. La colonie la plus proche est à une cinquantaine de kilomètres en vol direct, en vallée d’Ossau.

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Sa queue très courte forme approximativement un carré ou un éventail.

Très haut dans le ciel, on peut confondre le Gypaète barbu avec un Vautour fauve solitaire. Pour les différencier, le Gypaète barbu a une queue longue cunéiforme (en forme de coin).

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Silhouette de Gypaète barbu, reconnaissable à sa queue longue en forme de coin. Hors parade amoureuse, il vole en solitaire.

Son espérance de vie à l’état sauvage est d’une trentaine d’années en moyenne mais elle peut varier assez sensiblement selon les sources que l’on consulte.

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II- Le régime alimentaire du vautour fauve

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Cirque d’Estaubé – Le travail de l’éboueur naturel de la montagne.

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Quelques os blanchis, qui disparaîtront avec le temps.

Son bec et ses serres ne lui permettent pas de tuer. C’est un oiseau nécrophage dont l’essentiel de la nourriture provient des carcasses de grands mammifères, ongulés sauvages ou animaux d’élevage.

Chaque espèce de vautour est spécialisée dans la consommation d’une partie bien particulière de cette carcasse. Le Vautour fauve se nourrit des muscles et viscères, le Vautour moine consomme les tendons, cartilages et peaux, le Vautour percnoptère ramasse les petits restes et enfin, le Gypaète barbu s’occupe des os. Le Vautour moine ne niche pas dans les Pyrénées ; il n’y fait que de rares apparitions. Le Vautour percnoptère est un migrateur rare mais qui niche chez nous.

Tout en cherchant son repas en scrutant le relief, l’oiseau observe aussi le comportement des autres oiseaux amateurs de charogne, comme le Grand Corbeau.

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En vallée d’Aspe – Le ballet aérien des vautours à la recherche de nourriture, les ailes relevées.

Dès qu’un vautour décroche vers le sol, le signal est donné aux autres qui se rapprochent et suivent le donneur d’alerte pour se rassembler rapidement autour de la source de nourriture.

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Un rassemblement de Vautours fauves, « à donner la chair de poule ».

La hiérarchie entre les charognards qui se retrouvent « à table » est favorable à celui qui a le bec le plus puissant pour distribuer les coups. Les vautours fauves les plus belliqueux se servent en premier, les autres attendent à proximité ou bien sur un arbre, sur les rochers. Les bagarres à coups de bec, de pattes et de battements d’ailes autour de la carcasse sont fréquentes, accompagnées de bruyants grognements.

Le Vautour fauve entame la carcasse en glissant sa tête et son long cou dans les orifices naturels jusqu’à la collerette, pour tirer ensuite sur les viscères avec son bec crochu. Il attaque aussi par les zones où la peau est fine, comme la gorge, les mamelles et l’aine. Il continue avec les tissus mous en les dépeçant. Il peut avaler de grandes quantités de viande en un seul repas, nettement supérieures à son besoin journalier mais il ne mange pas tous les jours. Selon les publications, la quantité qu’il arriverait à engloutir peut atteindre les deux kilos, mais je n’ai pas pu le valider.

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Ce qu’il en reste, quand le printemps revient : des os dispersés.

Il arrive parfois qu’il soit alors incapable de s’envoler immédiatement. Il se met à l’écart du groupe pour digérer pendant un long moment, aidé par de puissants sucs gastriques très acides qui détruisent tous les agents pathogènes. En cas de danger, il vomit sa nourriture pour prendre son envol.

L’oiseau présente une bonne aptitude au jeûne et peut rester plusieurs jours sans manger, s’il n’a pas besoin de se dépenser.

Pour compiler les sources sérieuses que j’ai consultées, on estime son besoin alimentaire individuel moyen à l’âge adulte autour de 0,5 kg /jour, soit 150-200 kg de biomasse/an pour environ 300-350 kg d’animaux entiers/an. Pour faire le lien, le poids moyen d’une brebis pyrénéenne est de 60 kg, celui d’une vache gasconne autour de 650 kg et celui d’une Blonde d’Aquitaine autour de 850 kg.

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Dans une estive de la vallée de Campan, à la mi-janvier – Les vautours ont pratiquement fini leur repas sur le cadavre d’une brebis ; les Grands Corbeaux sont encore là, à l’écart.

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Le troupeau n’est pas du tout perturbé par la présence des charognards.

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Celui-là fait partie des premiers servis ; il s’est éloigné en partie haute de l’estive pour digérer et décoller plus facilement.

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III- La curée des vautours

La curée est un mot essentiellement utilisé en vénerie, pour désigner les parties non-nobles d’une bête abattue (cerf, chevreuil, sanglier, lièvre, …) données en pâture aux chiens courants. L’autre sens que lui attribue le Larousse universel est la ruée avide pour s’emparer des biens, des places, des honneurs laissés vacants par la chute d’un homme, d’un régime, etc.

Par extension, il désigne la ruée acharnée et agressive des vautours fauves sur la carcasse d’une bête morte, pour l’engloutir en un rien de temps. Le spectacle est très impressionnant et ne donne pas spécialement envie de s’en approcher.

Le premier arrivé sur les lieux est généralement le Grand Corbeau, s’il y en a dans le secteur. Le Milan royal (sédentaire) et le Milan noir (migrateur) peuvent lui prêter main-forte, selon la période de l’année. Quand ces éclaireurs sont autour de la carcasse, les vautours très méfiants comprennent qu’il n’y a pas de danger. Posés à proximité, les plus hardis s’approchent prudemment de la carcasse, puis le signal du festin est donné ; ils se précipitent tous dans une grande mêlée. La pauvre bête morte est secouée dans tous les sens. Les moins bagarreurs (ou moins affamés) attendent leur tour, en regardant les autres se gaver.

La curée qui suit se déroule dans une petite estive en basse vallée d’Ossau, au mois de février. L’animal au menu est un veau. Je les ai entendus se quereller et je me suis approché. Il n’y avait alors aucun vautour en vol. La curée venait juste de commencer, avec en grande majorité des immatures apparemment.

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On se bagarre en marge de la carcasse,

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On éloigne les concurrents,

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On gêne avec ses ailes,

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On s’affronte …

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… en grands battements d’ailes,

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Prises de becs,

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Certains laissent la place, d’autres arrivent. Quelques-uns se posent sur les arbres et attendent. Ils ne sont pas plus d’une quinzaine en tout.

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Les ailes grandes ouvertes, ces nouveaux arrivés s’approchent en marchant ou en sautillant.

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Ils vont d’abord s’écharper en marge de la carcasse.

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Les deux vautours à gauche se sont inclinés et le gagnant, un adulte, revient sur la carcasse.

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Je ne suis resté qu’une quinzaine de minutes à les observer, vers 13h00. A mon retour trois heures plus tard, il ne restait plus grand chose et les oiseaux étaient partis vers leurs dortoirs.

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IV- La reproduction du vautour fauve

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08 décembre – Parade nuptiale en tandem, en vol plané direct.

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Encore plus proches!

Bien que le couple soit uni jusqu’à la disparition de l’un des deux, une parade nuptiale a lieu chaque année. Elle débute en décembre jusqu’en janvier, à proximité du site de reproduction. Les deux adultes planent en tandem de façon synchronisée très haut dans le ciel, ailes étendues et rigides, alignés l’un sur l’autre dans un vol nuptial très rapproché.

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Le transport d’une branche pour la construction du nid.

Puis le couple construit son nid (aire) dans une anfractuosité ou sur une corniche inaccessibles de la paroi rocheuse. L’emplacement de l’année précédente est repris mais le nid est à refaire : les constructions sont sommaires et les matériaux sont vite éparpillés au fur et à mesure que le poussin grandit.

Le nid est volumineux, constitué d’un empilage grossier de branches et de brindilles, d’herbe sèche, de plumes de mue récupérées çà et là dans le voisinage ; il n’est pas nécessairement abrité.

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08 décembre – Un accouplement au nid, à l’abri des regards d’un autre couple très proche.

L’accouplement a lieu au nid au début de sa reconstruction ou à proximité. Le mâle émet ces bruits particuliers pendant l’accouplement, dont j’ai parlé un peu plus haut ; c’est un mélange de soufflements et de chuintements. C’est une atmosphère vraiment particulière que l’on ressent quand une grosse colonie est occupée à assurer sa descendance sur une paroi rocheuse, entrecoupée parfois de querelles de voisinage.

Les photos au nid qui suivent sont prises en Espagne au téléobjectif puis recadrées.

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16 décembre – Un couple sur son aire. Ils reconstruisent le nid, après s’être accouplé.

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 L’un récupère les matériaux dispersés de l’année précédente, …

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… et les remet en place dans une anfractuosité.

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L’autre va partir en ramasser de nouveaux, à proximité.

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A la couleur des plumes de la collerette, le couple semble composé de deux jeunes adultes.

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La décomposition de l’envol, à partir de la corniche.

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L’oisillon plumé en fera de même pour son premier envol. 

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Le retour vers l’aire, avec de l’herbe sèche.

Courant janvier-février, la femelle pond un seul œuf, que les deux adultes couvent ensuite à tour de rôle durant un peu moins de deux mois. Dans une colonie, les nids peuvent être très rapprochés sans que cela pose problème.

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08 mai – Le poussin est-il né? (même si j’ai pris la photo quand ils regardaient dans ma direction, les oiseaux n’ont pas été dérangés par ma présence).

Le jeune naît courant mars-avril, couvert d’un fin duvet blanchâtre ; il met environ 48 heures pour sortir de l’œuf sous la surveillance continue de sa mère. Les premiers temps, la femelle le protège et le couve en permanence pour le protéger des conditions climatiques. Il est alors nourri plusieurs fois par jour par le mâle d’aliments prédigérés au jabot puis dégorgés. A partir de deux mois environ, il est nourri par les deux parents et laissé seul au nid.

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03 mai – Je retrouve le couple de vautours. L’ambiance et la lumière ont changé. Il s’est passé pas mal d’évènements depuis le 16 décembre dernier. Après avoir terminé le nid, la femelle a pondu, couvé et le poussin est sorti de sa coquille depuis quelques jours déjà.

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L’oisillon a faim et sollicite l’adulte. Ce dernier commence à régurgiter (il le fera à 2 reprises le temps de mon observation).

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L’oisillon tend son cou, le bec ouvert.

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Patience,

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La nourriture prédigérée change de garde-manger.

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L’adulte s’est mis à l’écart de l’oisillon mais reste à proximité ; il est encore trop tôt pour le laisser seul.

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Il s’approche à nouveau pour lui faire un brin de toilette dans ses plumes naissantes. 

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L’oisillon réclame à nouveau en donnant de la voix mais l’adulte reste impassible. 

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L’oisillon est déjà grand mais reste encore sur le nid. Son plumage avance.

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Les matériaux du nid accompagnés de fientes blanchâtres commencent à s’évacuer dans la pente, dispersés par l’agitation croissante de l’oisillon qui grandit vite.

Entre Mi-juillet et mi-août environ, le jeune a quatre mois et prend son envol. Il reste encore dépendant de ses parents, qui le nourrissent au nid jusqu’en septembre.

Pendant la phase d’apprentissage du vol, il  arrive régulièrement que certains jeunes s’égarent au sol loin de leur site d’envol et sont incapables de redécoller : ils nécessitent d’être secourus.

Les techniques du vol acquis, il va accompagner ses parents pour rechercher sa nourriture puis il va devoir se débrouiller seul lors de la curée, où on ne fait pas de cadeau aux faibles. Si on veut manger, il faut se battre.

Comme son cousin le Gypaète barbu, il entame à l’automne après son émancipation une longue période d’erratisme vers le Sud de l’Espagne et même vers l’Afrique du Nord. De l’accouplement à l’émancipation du juvénile, les parents auront consacré environ 9 mois pour assurer leur reproduction.

En âge de se reproduire à son tour (vers 4-5 ans), le Vautour fauve va se sédentariser et chercher un(e) partenaire pour créer un couple dans sa colonie d’origine ou dans une autre colonie, à proximité ou partout ailleurs. Les adultes non reproducteurs continuent à se déplacer sur les corridors historiques reliant les différents noyaux de population.

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V- L’habitat du vautour fauve

Aujourd’hui, son habitat est étroitement lié à la présence d’élevages extensifs qui représentent leur source de nourriture principale.

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En vallée d’Ossau – Une petite colonie de vautours au nid sur une falaise de calcaire.

Les colonies s’installent dans des massifs calcaires avec des falaises inaccessibles aux prédateurs terrestres, avec des dénivelés importants. La paroi doit être pourvue d’anfractuosités et de vires pour nicher, avec des accès dégagés pour s’envoler et se poser.

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Ballet des Vautours fauves au Pays basque, à proximité du pic du Mondarrain.

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Pays Basque – Un vautour concentré dans sa recherche au sol.

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Val d’Azun – Le ballet des Vautours fauves à l’aplomb des falaises.

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En vallée d’Aspe – Vautour fauve solitaire au-dessus du pic d’Anie (2 507 m).

Dans les Pyrénées, il niche jusqu’à une altitude de 1 600 m environ, comme c’est le cas de la colonie des Orgues de Camplong en vallée d’Aspe.

On le trouve aujourd’hui dans les Pyrénées Occidentales (Pays Basque, Haut-Béarn et Hautes-Pyrénées), les Grands Causses (gorges du Tarn et de la Jonte), la Drôme (Diois, Baronnies provençales) et le Verdon.

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VI- Quelques données sur la population des Pyrénées

Le Vautour fauve aurait pu disparaître des Pyrénées si on ne s’était pas préoccupé de son sort qui, il n’y a pas si longtemps encore, n’intéressait officiellement pas grand monde. Il avait mauvaise réputation et il était chassé, comme en témoigne certaines cartes postales anciennes sur le village d’Ascain (Pays Basque) au début des années 1900 : Ascension de la Rhune – Retour de la chasse aux vautours ; Retour de la chasse au vautour au mont de la Rhûme – Le guide Ithurria ; Ascension de la Rhune – Retour de la chasse aux vautours, etc. D’autres rapaces faisaient d’ailleurs au passage les frais de s’approcher d’un peu trop près des fusils des vaillants nemrods qui confiaient à des porteurs locaux le soin de redescendre les volatiles pendus par les pattes à un bâton. C’était une autre époque.

L’espèce a subi les pillages de certains collectionneurs d’œufs, a été grandement décimée par les appâts empoisonnés destinés aux animaux carnassiers, etc. Elle disparaît d’abord des Alpes et du Massif central à la fin du 19è siècle, puis de la région des Grands Causses, entre 1930 et 1945.

Dans les années 60, la situation de l’espèce dans les Pyrénées françaises est très préoccupante ; les effectifs des dernières colonies s’amenuisent et approchent le point de non-retour.

En 1967 à la création du Parc national des Pyrénées, les populations de grands rapaces présents sur son territoire ont commencé à faire l’objet d’un inventaire et d’un suivi. En 1970, le nombre total des couples de vautours fauves nicheurs en France ne dépasse pas la trentaine.

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Le ballet des vautours fauves devant l’Ossau.

En 1974, l’une des dernières colonies encore présentes dans l’hexagone et la plus importante, celle de la vallée d’Ossau, était à l’heure du déclin avec une dizaine de couples. Par arrêté ministériel du 27 décembre 1974, la Réserve naturelle nationale d’Ossau est créée pour la préserver. Cette colonie va se développer et une partie des effectifs quitte la vallée d’Ossau pour s’installer plus largement sur le versant français des Pyrénées.

L’espèce est réintroduite ailleurs en France, avec succès : dans le Massif central à partir des années 1970, dans les Alpes (Baronnies provençales, Vercors et Verdon) dès 1996 avec une soixantaine d’oiseaux, dans les Grands Causses de 1981 à 1986 avec 86 oiseaux captifs. En 2018, la population des vautours fauves des Alpes atteint 500 couples nicheurs pour un total de 1 500 individus.

La population de la Réserve naturelle nationale avec ses 100 à 120 couples nicheurs environ fait office de population de référence pour l’étude du rapace. Les adultes, les poussins et les jeunes à l’envol sont dénombrés annuellement et certains bagués. Ces chiffres définissent les tendances démographiques de la population à court terme et sont pris en référence pour la gestion de la faune sauvage dans les politiques locales de conservation du massif pyrénéen.

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Le ballet des Vautours fauves en vallée d’Aspe.

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En vallée de Campan (Hautes-Pyrénées).

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Troupeaux dans les estives autour du lac d’Ourrec (vallée de Campan) et Vautours fauves.

Aujourd’hui, la population française fait l’objet d’un recensement quinquennal au sein du plan national d’actions « Vautour fauve et activités d’élevage 2017-2026 ».

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Les informations qui suivent sont issues des bulletins « Empreintes » du Parc National des Pyrénées, cités dans la bibliographie.

En 2019 pour le seul Parc national des Pyrénées, 430 couples reproducteurs ont été recensés par les gardes-moniteurs au sein de 74 colonies, dont 17 nouvellement détectées. Cela représente une augmentation de 21% par rapport à 2012 (356 couples), 86% par rapport à 2007 (231 couples). La population de la vallée d’Ossau seule compte 140 couples nicheurs ; celle de la vallée d’Aspe compte 217 couples sur 40 colonies visitées. On aurait alors retrouvé leur niveau démographique « d’avant-guerre ».

Toujours en 2019, le recensement de la population de vautours fauves reproductrice des Pyrénées françaises donne un effectif de 1 286 couples nicheurs répartis sur 167 colonies. Elle était de 832 couples en 2012 et 525 couples en 2007.

Je mettrai ces données à jour lors du prochain recensement, prévu en 2024 (?).

Le Vautour fauve est strictement protégé au niveau national (arrêté du 29 octobre 2009 des ministres en charge de l’écologie et de l’agriculture fixant la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire et leur niveau de protection) et européen (directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages). A ce titre, il est interdit de le réguler et de l’effaroucher!

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VII- La perception du vautour fauve dans le milieu pastoral

Par son rôle d’équarisseur naturel des carcasses d’animaux sauvages et domestiques, ce rapace mène une action indispensable de nettoyage de la montagne et empêche ainsi la dispersion de germes et de maladies.

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L’évacuation d’une vache mortellement accidentée dans un ravin, avec des moyens logistiques en personnel et matériel conséquents.

Il évite en particulier aux éleveurs de faire appel à des sociétés spécialisées pour l’enlèvement du cheptel mort et son incinération.

Cependant, le Vautour fauve a des détracteurs. A partir de 1993, il est arrivé et il arrive encore que des vautours fauves interviennent sur des animaux domestiques vivants, dans les Pyrénées (et ailleurs). Ces cas sont largement relayés par la presse locale et régionale.

C’est un sujet très sensible, à aborder prudemment. Il s’agirait en majorité de cas d’animaux affaiblis par des mises-bas difficiles, par la maladie ou accidentés. L’immobilité prolongée de la bête agonisante et son absence de réaction quand le vautour s’approche déclencherait chez l’oiseau ce comportement de consommation ante-mortem.

Des campagnes de constats et d’expertises vétérinaires ont été menées (Pyrénées et Grands Causses essentiellement) afin de déterminer le niveau d’implication du vautour dans la mortalité du bétail (Source : plan national d’action « Vautour fauve et activités d’élevage 2017-2026 »). Parmi les 170 cas expertisés au cours de la période 2003 à 2009, 65 (37%) ont fait l’objet d’une intervention ante-mortem du Vautour fauve. Cependant, dans 84 % de ces 65 cas, le vautour est intervenu sur des animaux condamnés ou des bêtes vulnérables en incapacité à se mouvoir – conséquence de blessures, complications post-partum ou encore pathologies – , dont l’état préoccupant nécessitait une intervention humaine urgente (éleveur, vétérinaire).

L’étude ne cherche pas à minimiser l’existence de ce phénomène et estime alors à une vingtaine le nombre de cas ante-mortem par an sur le territoire français, qui concerne des animaux en position de vulnérabilité ne pouvant se soustraire à l’action des nécrophages (en particulier des vêlages à l’extérieur de vaches de races Blonde d’Aquitaine, connues pour leurs difficultés de vêlage).

Un plan national d’action « Vautour fauve et activités d’élevage 2017-2026 » a été mis en place pour une durée de dix ans, porté par le Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) Nouvelle-Aquitaine et coordonné par l’Office français pour la Biodiversité (OFB). Ce programme participe à la connaissance de ses effectifs et leur répartition dont j’ai parlé plus haut. De nombreux partenaires sont mobilisés pour participer au recensement.

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Placette d’équarrissage naturel ouverte en 2018 en vallée d’Ossau. « Quid descendit in barbam- barbam » est une expression latine citée à propos du Vautour fauve par Pierrine Gaston Sacaze dans son traité sur la faune ossaloise (1855). Je n’en ai pas trouvé de traduction satisfaisante mais il me semble que l’origine de cette citation a un lien avec la collerette blanche de l’oiseau, si particulière.

Les placettes sont placées en hauteur sur les versants, afin de faciliter l’envol des vautours après « bombance ».

Ce plan national d’action vise à organiser la cohabitation du Vautour fauve avec les activités d’élevage, en précisant les actions à mettre en œuvre afin de restaurer l’équilibre et la codépendance entre le rapace et les éleveurs. Il comporte cinq objectifs principaux dont la consolidation et le développement de l’équarrissage naturel, la limitation des interactions négatives entre le Vautour fauve et le bétail vulnérable.

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VIII- Les risques de mortalité pour l’espèce

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Le Vautour fauve est sensible aux intoxications, en particulier à celle liée à l’absorption de Diclofenac, un produit vétérinaire anti-inflammatoire encore autorisé sur le marché européen et commercialisé notamment en Italie et en Espagne. La substance se retrouve dans les cadavres des animaux domestiques et est létale pour les vautours, dix fois plus nombreux en Espagne que chez nous. La mort survient deux jours après l’ingestion d’un animal traité, même à faible dose.

L’espèce est aussi sujette aux intoxications au plomb.

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Le Vautour fauve ne me laisse pas indifférent, comme le suggère ce vautour solitaire pris en photo depuis le sommet de la Rhune.

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IX- Bibliographie

_ Empreintes – Le journal du Parc national des Pyrénées (n° 41 – 2018) : Les vautours fauves, des alliés pour une montagne propre!

_ Empreintes – Le journal du Parc national des Pyrénées (n° 42 – 2019) : Les Pyrénées, pays du Vautour fauve

_ Empreintes – Le journal du Parc national des Pyrénées (n° 43 – 2020) : Vautour fauve : le Parc national des Pyrénées lui va bien

_ Réserve naturelle nationale d’Ossau : https://www.reserves-naturelles.org/vallee-d-ossau

_ Plan national d’actions « Vautour fauve et activités d’élevage » : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/PNA_Vautour_fauve_2017-2026.pdf

_ Photos personnelles, prises dans les Pyrénées (Pays Basque, vallée d’Ossau, vallée d’Aspe, vallée de Campan, …) et en Espagne pour les scènes au nid.

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