Le cerf à la ramure atypique me toise.
Il est le maître de cette place de brame.
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Nous sommes le 4 octobre et le Temps du brame est déjà bien avancé. Ce soir et au vu de la brume qui envahit le paysage, ce ne sera pas une soirée « photos de concours », mais cela ne me dérange pas.
Arrivé à mon stationnement et alors que je me prépare, une voiture s’arrête à mon niveau. On devine très facilement ce que je fais là et le chauffeur engage la conversation. Il doit avoir mon âge et je pense aussi qu’il doit être un chasseur. Ils sont nombreux à suivre le brame. A mon humble avis, ils sont plus respectueux des règles de bon sens à appliquer que bien d’autres catégories de la population. Ils se passent généralement de proximité, celle qui crève l’écran sur les réseaux sociaux ; une bonne paire de jumelles leur suffit, comme pour ce monsieur.
Un petit groupe en train d’observer aux jumelles – Bérets, casquettes pour les plus jeunes ; des gens du cru.
La météo n’est pas bonne pour le « spectacle » et mon interlocuteur redescend : « Mercredi dernier, mon beau-frère est venu et il y avait deux cerfs à la cabane de … ; il en a vu également un peu plus bas mais il y avait du monde ; il y avait même des photographes avec leurs trépieds ».
Je le tiens de mon côté au courant de mes précédentes observations et on se dit « Bonne soirée ».
Le paysage est bouché à mon arrivée. Il me faudra peut-être changer de spot.
Une fois en place, j’attends patiemment. Le plafond nuageux continue à descendre et on ne voit plus grand chose ; il bruine même par moment. Il ne fait pas très chaud! J’espère un coup de vent qui chassera tout çà avant la nuit et il finit par arriver. Surprise, j’aperçois le grand cerf observé il y a quelques jours alors qu’il se vautrait dans une souille. Dérangé par les troupeaux descendus avec la récente chute de neige, il avait changé de secteur avec ses biches et je ne pensais plus le revoir. Parfait! Il sera la vedette de ma soirée.
Je commence à deviner quelque chose, enfin.
C’est mon grand cerf à la ramure atypique, dans un spectacle « son sans lumières » auprès d’une biche isolée.
Quand le cerf commence à sentir les chaleurs des biches, il entre en rut. Pendant quelques jours, il court la tête basse en reniflant sur le passage des biches, on dit qu’il « muse ».
La brume s’est éclaircie. Il se rend à la place où la biche paissait tranquillement, …
… ; le nez à terre, il renifle les urines de sa dulcinée. Je ne la vois pas d’ailleurs, elle a rejoint les autres dans le creux du vallon.
Il entrouvre la gueule en retroussant la lèvre supérieure pour repérer les odeurs des femelles qui pourraient être en chaleur.
D’un pas décidé, il va dans leur direction, …
…
…, et leur court après, l’encolure étirée, ses bois en arrière, sa lèvre supérieure retroussée. Il se renseigne sur l’état de leur réceptivité pour un rapport. On appelle cette mimique la « moue du rut ».
La brume revient et s’installe définitivement pour la soirée. De suite, la lumière faiblit.
Il va se faire pressant toute la soirée. Il est en pleine excitation!
Les manifestations bruyantes se succèdent, pour attirer l’attention des femelles.
Pas de problème, ce n’est pas moi qu’il regarde.
La lumière continue à faiblir et c’est bien dommage. En effet, cette biche est réceptive. Elle accepte la présence de mon cerf. C’est la biche qui décide de s’accoupler et non l’inverse.
Là, je pensais qu’il allait la couvrir mais non, rien ne se passera devant moi!
Depuis un moment déjà, je ne peux faire mieux en sensibilité et ouverture et la vitesse est très faible. Je ne vois plus grand chose, sinon ses bois sur lesquels je fais manuellement la mise au point quand il arrête de se déplacer. Ce sera là mon dernier cliché de lui. Je ne le sais pas encore, mais je ne le verrai plus, du moins pour cette saison.
Le spectacle va continuer sans moi ; je ne peux plus photographier et je ne vois strictement rien, même avec les jumelles, lumineuses. Je vais donc me retirer, discrètement.
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