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Le balbuzard pêcheur en France et dans le Béarn

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10 avril à 19h00, lac de Corbères (nord-est du Béarn) – Une femelle Balbuzard pêcheur en migration prénuptiale, reconnaissable entre autre à la présence de son collier brunâtre bien marqué.

Le Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus), parfois appelé l’Aigle des rivières, est un rapace bien particulier de par son régime alimentaire : il ne consomme quasiment que des poissons. Mon observation la plus inattendue est celle où j’ai surpris ce bel oiseau en train de chaparder une carpe commune (Cyprinus carpio) dans mon bassin lors de sa migration prénuptiale. Je voyais de grandes ailes se débattre au-dessus de l’eau et je n’ai pas de suite compris. J’ai été ébahi de le voir faire et très heureux de sa halte, brève mais qui m’a permis de l’observer de très près. Il est reparti avec sa proie. Je n’aurais jamais cru qu’il vienne me rendre un jour visite directement à la maison.

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20 mars à 14h30 – Une belle prise en halte migratoire. Cette carpe avait pour destin initial d’être achetée dans un magasin d’articles de pêche comme petit « vif ». Elle aurait fini piquée au bout d’un hameçon. Elle a eu une longue vie à la maison et un destin un peu plus conforme aux lois de la nature.

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I- Quelques informations générales sur le Balbuzard pêcheur

Il en existe quatre sous-espèces, classifiées sur des différences morphologiques. Celle qui vient se reproduire en France continentale (haliaetus) hiverne en Afrique subsaharienne ; elle est sédentaire sur le pourtour méditerranéen.

C’est une espèce de plaine qui vit toujours proche de l’eau. En France continentale, elle se reproduit dans les grands massifs forestiers comportant des pins âgés à proximité des grands étangs, des lacs d’eau douce, des gravières et des cours d’eau, fleuves et rivières. Les oiseaux méditerranéens préfèrent les falaises rocheuses dans les environnements aquatiques marins ou saumâtres.

C’est un oiseau de grande taille de longueur 55 cm en moyenne, la femelle étant un peu plus grande que le mâle. Son plumage du dessus est d’un brun chocolat, en contraste avec le blanc du dessous. Sa tête est blanc crème, bridée d’un bandeau noir sur l’œil. Son bec crochu aux bords coupants est noir à base bleuâtre. Ses pattes robustes et ses doigts puissants équipés de serres très acérées lui permettent de transporter des poissons de grande taille.

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21 septembre à 18h00, lac de l’Ayguelongue (Béarn). Un Balbuzard mâle, au blanc pur sous les ailes.

Les deux sexes sont identiques à première vue mais un œil exercé peut déceler chez l’adulte quelques différences au niveau du plumage ; personnellement, j’ai hésité sur certaines photos. La femelle possède un large collier d’une coloration plus foncée que le mâle chez qui il est absent ou peu marqué. Les couvertures sous-alaires sont barrées chez la femelle (et le juvénile), d’un blanc pur chez le mâle.

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21 septembre à 18h15, lac de l’Ayguelongue (Béarn). Un Balbuzard pêcheur juvénile. A partir de ce seul cliché, il m’aurait été difficile de le définir. On remarque les couvertures sous-alaires barrées de couleur brune comme chez les femelles, mais le collier est moins marqué.

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21 septembre à 18h15, lac de l’Ayguelongue (Béarn). Le même oiseau juvénile : on distingue sur le dessus de son aile gauche l’aspect écailleux de son plumage. Ils étaient deux ce jour-là à survoler la retenue collinaire pour pêcher, chacun de son côté. Le juvénile a essuyé de nombreux échecs lors de ses plongeons. L’autre, le mâle adulte de la photo précédente, est passé au-dessus de moi avec un gardon.

Les juvéniles ressemblent beaucoup aux adultes, à quelques détails près. Leur plumage présente un aspect écailleux sur le dessus, induit par un liseré blanc situé sur les plumes du dos et sur les plumes de couverture des ailes. Ils portent aussi comme les femelles un collier pectoral, de couleur roussâtre. Ils acquièrent leur plumage d’adulte lors de la seconde mue, vers l’âge de 18 mois.

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Toujours sur le même juvénile, on remarque une bordure postérieure blanche sur les ailes et sur la queue.

La mue du plumage est continue toute l’année, sauf en période migratoire où l’oiseau doit disposer de tous ses moyens pour voler.

Les ailes sont longues et coudées, avec une envergure entre 1m50 et 1m70. Son poids varie de 1,2 à 2 kg environ, la femelle étant un peu plus lourde que le mâle. Son vol est assez lent, la plupart du temps battu. Il fait aussi du vol à voile et du vol sur place. Son cri est bien audible, aigu.

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23 avril à 10h00, lac de Bassillon (nord-est du Béarn). Une femelle, aux couvertures sous-alaires barrées.

Dans le Catalogue Critique des Oiseaux observés dans les départements des Landes, des Basses-Pyrénées et de la Gironde publié en 1872, il était connu sous le nom bien plus compliqué à retenir de Ichthyaète fluviatile (Ichthyaetus fluvialis Lafres, Pandion halioetos Keys et Blas, Balbuzardus haloetus Flem.). « De passage irrégulier ; se tient près des grands cours d’eau. Se rencontre en septembre, octobre et avril. Assez rare ».

L’espèce est solitaire mais en dehors de la période de reproduction, elle peut se concentrer sur certains sites riches en poissons. Sa longévité ne semble pas bien connue et dépend apparemment des sous-espèces. En ce qui concerne la nôtre, elle serait de 15 à 20 ans environ, mais sous réserve ; je n’ai pas trouvé d’information sûre.

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II- Le régime alimentaire du Balbuzard pêcheur

L’oiseau est adapté à la pêche des poissons. Ses quatre doigts égaux sont terminés par des serres longues, acérées et très courbées. Le doigt externe est réversible, ce qui lui permet de les opposer deux à deux pour agripper fermement sa proie et la transporter.

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21 septembre à 18h00, lac de l’Ayguelongue (Béarn). Le Balbuzard mâle, au blanc pur sous les ailes, me survole avec son gardon.

Son régime est facile à retenir : du poisson, encore du poisson et toujours du poisson, de taille moyenne (autour d’une trentaine de centimètres). En eau douce, il capture des petites carpes, brochets, gardons, chevesnes, brêmes, etc. ; en eau salée, il affectionne particulièrement les mulets. Il peut exceptionnellement attraper des poissons d’un poids avoisinant le kilo, comme la carpe qu’il m’a chapardé.

Le besoin alimentaire d’un adulte est estimé à environ 400 grammes de poisson frais par jour.

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III- La technique de pêcheur du Balbuzard pêcheur

C’est un spectacle très intéressant dont je ne me lasse pas quand l’oiseau fait une halte migratoire sur nos retenues collinaires du Béarn, utilisées pour l’arrosage du maïs.

Il pêche les poissons en plongeant dans l’eau d’une certaine hauteur (20-30 m environ), ce qui le distingue immédiatement des autres rapaces que l’on voit aussi près de l’eau, comme le Pygargue à queue blanche (Haliaeetus albicilla) plus grand et le Busard des roseaux (Circus aeruginosus) plus petit. Ces derniers ont le dessous du corps foncé.

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Marais d’Orx, le 21 février à 17h00 – Le Pygargue à queue blanche en hivernage, faisant le gué. Il revient chaque année début décembre et repart en migration fin février.

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Le Busard des roseaux. Il chasse en survolant les lieux humides à faible altitude.

Il ne mange que le poisson vivant, qu’il a lui-même attrapé. Dès qu’une proie potentielle attire son attention près de la surface, il s’immobilise au-dessus de l’eau en battant des ailes.

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L’oiseau, en vol stationnaire.

Puis il plonge soudain comme une pierre et va disparaître sous l’eau, les serres en avant et les ailes rejetées en arrière, dans une grande gerbe d’eau. Son plumage fin et serré lui évite de prendre l’eau. Il dispose au niveau des narines d’une valve permettant d’obturer les orifices sous la surface.

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Doigts écartés opposés deux à deux, prêts à saisir.

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Il s’enfonce dans l’eau d’un mètre environ, sans poursuivre sa proie,

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Il refait surface et ressort ses ailes de l’eau,

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Il les projette en avant,

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En arrière,

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Et commence à s’extirper de l’eau, en continuant de battre des ailes,

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…, tout en s’ébrouant,

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Raté! Il n’y a rien entre les serres.

Une fois hors de l’eau, il s’ébroue avec ses battements d’aile pour évacuer l’eau de son plumage et il place sa proie dans une position aérodynamique, la tête en avant.

Quand le plongeon est couronné de succès, la sortie de l’eau avec sa proie visqueuse et remuante est parfois laborieuse. Si le poisson est trop gros pour lui, il peut l’entraîner vers le fond. Ses serres bien enfoncées, il ne peut parfois plus se dégager de sa prise ; le plumage alors se mouille et l’oiseau finit par se noyer. Cela reste cependant rare.

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Ses puissants battements d’ailes évacuent l’eau de son plumage et l’allège,

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Puis il reprend de la hauteur – 23 avril à 11h15, lac de Bassillon (nord-est du Béarn).

Ce matin-là, Ils étaient trois balbuzards à pêcher séparément sur le même lac.

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23 avril à 11h34, lac de Bassillon (nord-est du Béarn). Le plongeon a été positif ; l’oiseau est en train d’orienter le poisson tête en avant.

L’oiseau s’envole ensuite vers un arbre en maintenant fermement sa proie entre ses griffes, pour la dévorer (ou l’apporter directement au nid sur le lieu de nidification, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui).

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23 avril à 11h37, lac de Bassillon (nord-est du Béarn). Deux autres balbuzards (deux femelles?) tournent et pêchent chacun de son côté.

Le taux de succès de la pêche est assez élevé chez un adulte ; il dépend des conditions de lumière, des conditions de l’eau (agitation de la surface, turbidité, …), de la vivacité de l’espèce de poisson, etc. Les juvéniles galèrent sans doute un peu au début de l’apprentissage.

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IV- La reproduction du Balbuzard pêcheur

L’oiseau niche en France dans les régions boisées parsemées de lacs ou traversées par des cours d’eau. En Corse, il privilégie les rivages maritimes.

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10 avril à 19h15, lac de Corbères (nord-est du Béarn). Une femelle.

Dès son l’arrivée, le couple se reforme (ou se forme pour les nouveaux). Les oiseaux sont généralement fidèles entre eux et à leur site de nidification qui est normalement leur site de naissance, mais pas systématiquement. Le mâle est bien plus attaché que la femelle à l’endroit où il est né. Cette dernière peut parfois être attirée par un mâle sur un autre territoire plus ou moins éloigné.

L’emplacement du nid est choisi par le mâle dans un endroit tranquille, généralement sur un grand arbre dominant ou parfois depuis quelques années sur un pylône du réseau très haute tension. La vue doit être bien dégagée pour surveiller les alentours, toujours à proximité de l’eau mais pas nécessairement au bord. En effet, l’oiseau peut pêcher dans un grand rayon autour du nid, jusqu’à une quinzaine de kilomètres environ. En Corse, il choisit un rocher escarpé dominant et isolé.

Sur leur site de nidification, les couples sont territoriaux aux abords du nid mais ils peuvent former de petites colonies lâches (nids séparés de quelques centaines de mètres). Ils partagent sans problème le territoire de pêche s’il n’est pas situé à proximité immédiate du nid.

Les deux parents mais surtout le mâle, construisent le nid constitué d’un grand amas de branchages. Il récupère généralement celui de l’année précédente qu’il recharge et entretient d’année en année, ou en construit un nouveau. L’intérieur est tapissé d’herbes sèches et autres matériaux plus fins.

Les nouveaux arrivants colonisent parfois un nid qui est (ou semble) abandonné. Cela peut entraîner des disputes, surtout quand les endroits favorables ne sont plus en nombre suffisant.

Après une période d’accouplement de 4 semaines environ ponctuée de nombreuses copulations et de parades spectaculaires, la femelle pond un à trois œufs blancs fortement tachés de brun-rouge : dès mars sur la côte méditerranéenne, en avril-mai dans le nord. Les œufs sont espacés de 1 à 3 jours. L’incubation, qui dure de 35 à 38 jours et commence aussitôt le premier œuf pondu, est assurée par la femelle. Elle est relayée par le mâle le temps de manger le poisson que celui-ci lui a apporté au bord du nid, en commençant par la tête.

Les poussins naissent à dates décalées et sont exclusivement élevés par la femelle qui les protège des intempéries et leur donne la becquée, tandis que le mâle chasse et ravitaille en poissons.

Dès que les poussins sont assez grands pour manger seuls, la femelle participe aussi au ravitaillement. Ils prennent leur envol à l’âge de 8 semaines environ.

Nous sommes à ce moment-là début août. La femelle va laisser sa petite famille aux bons soins du mâle et partir. Ce dernier reste encore avec les jeunes pendant quatre à cinq semaines environ pour continuer à les nourrir. Il leur apprend à pêcher et être autonomes. Les jeunes prennent leur indépendance l’un après l’autre et le père finira par entreprendre sa migration après le départ du dernier.

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V- La migration du Balbuzard pêcheur

Les périodes migratoires sont les seuls moments où j’ai l’occasion de l’observer, quand il se ravitaille sur les retenues collinaires (ou ponctuellement sur mon bassin, car d’autres carpes ont mystérieusement disparu!).

L’oiseau est un migrateur solitaire au long cours. Il s’envole en août-septembre pour hiverner en Afrique subsaharienne. C’est un oiseau très puissant qui peut parcourir de longues étapes au-dessus de l’eau. Les migrations ont lieu sur un large front. Contrairement à d’autres espèces de rapaces, il ne cherche pas particulièrement à franchir la Méditerranée à son endroit le plus étroit, au-dessus du Détroit de Gibraltar.

La distance à parcourir varie selon les points de départ et de destination ; elle peut aller jusqu’à 6 000 kilomètres pour les oiseaux nicheurs du nord de l’Europe, pour une durée de quatre semaines environ.

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03 septembre à 18h15, au col du Soulor (altitude 1 474 m – Hautes-Pyrénées) – Le passage d’un Balbuzard, seul, après une accalmie météo. Le collier est quasiment absent ; c’est probablement un mâle.

La femelle est la première de la famille à migrer à partir de la mi-août, après avoir un peu flâné pour constituer des réserves. Puis c’est en principe le tour des jeunes qui traîneront un peu en route, séparément. Le mâle part un peu plus tard, en septembre. Les adultes retournent d’année en année sur le même quartier d’hivernage, mais qui n’est pas généralement le même pour le couple.

Si la ressource alimentaire locale est suffisamment abondante, des oiseaux issus de zones de reproduction différentes peuvent se rassembler sur place.

Les jeunes ont en Afrique une vie plus erratique. Ils y restent deux à trois ans, jusqu’à ce qu’ils soient sexuellement mâtures. Ils reviendront alors sur les lieux qui les ont vu naître pour former un couple et se reproduire à leur tour. Ils seront en principe les derniers à arriver sur les sites de nidification. Pour leur première installation, ils ont tendance à venir agrandir un site de nidification déjà existant.

La migration de printemps, comme chez d’autres espèces qui veulent retrouver le même nid, est généralement plus rapide et ce d’autant plus si le site de nidification a une capacité d’accueil restreinte. Le mâle arrive donc en principe le premier, pour occuper son nid avant qu’il ne soit squatté.

Dans le Béarn, j’observe les Balbuzards de la mi-mars à fin avril pour leur migration prénuptiale, puis en septembre pour leur voyage retour. Au printemps, je n’ai observé à ce jour que des femelles, qui restent parfois en halte quelques jours ; elles ont moins d’impératifs que les mâles. Je reste conscient du fait que, sans présence d’une bague pour identifier l’individu, le fait de dire qu’il s’agit du même qui reste plusieurs jour sur le site est une supposition de ma part.

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VI- Quelques données sur sa population en France et ailleurs

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Un angle de vue moins habituel.

La population nicheuse européenne est estimée en 2015 entre 8 600 – 12 500 couples (données Birdlife International). Elles est présente dans de nombreux pays d’Europe (19 pays, avec des populations plus ou moins importantes et morcelées), ainsi que dans le bassin méditerranéen (Baléares, Corse) et sur les côtes d’Afrique du nord (Tunisie, Maroc, Algérie).

En France continentale, les derniers couples nicheurs avaient disparu dans la première moitié du 20è siècle. L’oiseau était considéré comme nuisible, à cause de la concurrence alimentaire avec l’homme dans le domaine de la pêche ; il a aussi payé un lourd tribut à l’utilisation ancienne des pesticides. Il refait son apparition au début des années 80, quand on commence à s’intéresser à sa protection.

La population nicheuse française se divise en deux noyaux, avec 87 couples nicheurs recensés en 2019. Le premier noyau est en Corse avec une présence historique quasi continue sur la côte ouest de l’île. Après avoir failli disparaître au début des années 70, on comptait 30 couples nicheurs en 2018. La tendance actuelle est à nouveau à la régression, à cause de la perturbation des nids provoquée par le développement grandissant des activités de loisirs dans l’espace maritime.

Le second noyau est sur le continent dans deux zones distinctes, dans le Centre le long de la moyenne vallée de la Loire (Loiret, Loir-et-Cher,…) et dans une moindre mesure dans la région Grand-Est.

Ces deux populations présentent des comportements différents. Les oiseaux nichant en France continentale (et en Europe du Nord) sont migrateurs : ils hivernent au sud du Sahara ou au sud de la péninsule Ibérique. La population méditerranéenne est sédentaire en Corse.

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VII- La protection du Balbuzard pêcheur en France

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L’oiseau enchaîne les plongeons, jusqu’au succès. Les mâles ont plus de pratique et donc plus de chances de succès que les femelles dans cet exercice, du moins en période de reproduction. 

La population est encore très fragile. Le Balbuzard pêcheur est protégé par la directive européenne 79/409/CE dite « Directive Oiseaux », par la convention de Berne de 1979 relative à la conservation de la faune sauvage et par la convention de Bonn de 1982 relative à la conservation des espèces migratrices.

Il est interdit de le détruire, le mutiler, le capturer ou l’enlever, de le perturber intentionnellement ou de le naturaliser, ainsi que de détruire ou enlever les œufs et les nids et de détruire, altérer ou dégrader leur milieu. Qu’il soit vivant ou mort, il est aussi interdit de le transporter, colporter, de l’utiliser, de le détenir, de le vendre ou de l’acheter.

Il est inscrit sur la liste rouge de l’UICN comme espèce en danger à l’échelle de la Corse où il régresse, vulnérable en France continentale avec des effectifs en augmentation.

L’oiseau a fait l’objet de plans d’actions de restauration successifs depuis le début des années 2000 (premier plan national de restauration 1999-2003). Un troisième plan Plan National d’Actions (PNA) de 10 ans est en cours pour la période 2020 – 2029 (lien en bibliographie).

En Corse et depuis 2019, des arrêtés préfectoraux instaurent une zone de quiétude de 250 mètres de rayon autour de certains nids pendant la période de nidification, au sein de laquelle toute activité est interdite en mer et sur terre.

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VIII- La réussite du retour dans les Landes du Balbuzard pêcheur

Un programme en faveur du Balbuzard pêcheur en Nouvelle-Aquitaine a été lancé pour la période 2018-2021 avec pour principal enjeu de reconnecter les grandes populations du nord de l’Europe aux populations isolées situées au sud.

Au printemps 2021, un premier couple reproducteur s’installe sur la Réserve Naturelle Nationale du Marais d’Orx. Ce couple formé en 2020 et de retour en 2021, est constitué d’une femelle née et baguée en Allemagne (BL71, alors âgée de 3 ans) attirée par un mâle originaire d’Ecosse, réintroduit en 2017 dans le Pays Basque espagnol sur le site de la Réserve de biosphère d’Urdaibai, qui se fixe durablement depuis 2019 sur le Marais (U18, alors âgé de 4 ans). Le 25 mai 2021, naît le premier poussin à la Réserve, après plus d’un siècle d’absence dans les Landes. Un second naît le lendemain et les deux poussins arriveront à l’envol. Un seul prendra son envol en 2022. Vous trouverez dans la bibliographie le lien vers cette belle et passionnante aventure, qui se poursuit.  

Pour observer le couple sur son nid sans le déranger pour la reproduction 2023, je vous engage à suivre ce lien disponible sur le site internet du Département des Landes et sur celui de la Réserve Naturelle du Marais d’Orx : Marais d’Orx, nid de Balbuzards

Ce lien sera probablement à mettre à jour pour les années suivantes.

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En mars 2023, le couple est toujours uni et de nouveau réuni pour une nouvelle nidification! Le 02 avril dans l’après-midi, la femelle pond son premier œuf, après avoir mainte fois copulé avec le mâle sur le nid. Elle commence à couver. Elle affine le côté douillet du nid avec de l’herbe séchée amenée par le mâle et qu’elle installe à son goût. Le mâle lui apporte des poissons au bord du nid, qu’elle quitte alors avec son repas dans ses serres pour aller le consommer ailleurs. Pendant ce temps-là, le mâle couve et réarrange lui aussi les matériaux.

Le 05 avril, le mâle copule encore sur le nid. En début d’après-midi, un deuxième œuf est pondu, 3 jours après le premier. Le 07 au matin, le mâle féconde encore la femelle alors qu’elle couve ; un troisième œuf est-il pour bientôt? Il continue à amener ponctuellement quelques matériaux sur le nid. Quand le couple s’absente (brièvement), les deux œufs sont recouverts d’herbe sèche pour les soustraire à la vue des oiseaux prédateurs.

Le 08 avril au petit matin, un troisième œuf est arrivé, 3 jours après le second. La ponte est maintenant en principe terminée ; un quatrième œuf est possible, mais c’est rare. Pourquoi pas après tout, le couple est jeune. Finalement, après quelques jours d’attente supplémentaire, le couple va en rester aux trois œufs, comme les deux années précédentes.

La première naissance devrait maintenant avoir lieu au plus tôt pour le 07 mai (35 à 38 jours après la ponte). Je mettrai à jour en continu les nouveaux évènements, au fur et à mesure qu’ils se présentent.

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Le 07 mai, je reprends mes observations du nid des Balbuzards. Je n’ai rien raté : il n’y a pas encore eu d’éclosion. Le 09 mai au soir, à la fin d’une journée pluvieuse et très venteuse, il n’y a toujours rien à signaler de particulier sauf que je vois à moment donné la femelle extirper de dessous les œufs la moitié d’un poisson enfoui dans la paille. Elle s’envole avec pour aller le manger un peu plus loin sur un reposoir, pendant que le mâle prend la relève. Drôle de garde-manger!

Le 10 mai au lever du jour, après 38 jours de couvaison : belle surprise! Le premier poussin est né, tout mignon avec son bandeau noir au niveau des yeux ; seule sa tête dépasse pour le moment! Il commence déjà à quémander en ouvrant le bec ; on peut observer sa mère en train d’arracher des petits morceaux de chair d’un poisson et lui déposer dans son bec depuis le bord du nid. A noter que les balbuzards sont très propres, toutes leurs fientes sont expulsées en dehors du nid.

Le 11 mai vers 16h30, le deuxième poussin apparaît, en pleine forme. Cela ferait donc au bout de 36 jours de couvaison, si l’ordre de ponte et de naissance sont respectés. La prise de nourriture se passe bien pour les deux poussins. Tout comme les parents, ils sont capables d’expulser leurs fientes en un seul jet hors du nid en relevant le croupion.

Le 14 mai au petit matin, le troisième poussin est né au bout de 36 jours! Affamé, il quémande déjà sa nourriture mais pour l’instant les aînés, déjà plus grands, semblent passer en priorité.

Le 17 mai et alors que les deux parents sont absents, je suis surpris de voir que le poussin le plus gros (sans doute le plus âgé) s’en prend violemment pendant de longues minutes à coups de bec sans raison apparente aux deux autres, qui se couchent et font les morts pour faire cesser son agressivité. Alors que l’on entend des mouettes en bruit de fond, je suis étonné que le nid reste sans surveillance aussi longtemps. Le dernier né est bien plus petit que les deux autres et semble bien fragile, mais il est nourri par la femelle, malgré qu’il ait des difficultés pour s’imposer au 1er rang pour recevoir la becquée.

Un peu plus tard, l’aîné vindicatif s’en prend aussi à sa mère en lui tirant les plumes avec son petit bec crochu. Cà promet!

Le 20 Mai, l’agressivité de l’ainé des poussins semble avoir bien diminué. Il commence à s’emplumer et son apparence générale est maintenant plutôt sombre. Il fait pratiquement le triple en taille du plus jeune qui a du mal à se faufiler pour recevoir sa ration de repas. Le mâle continue inlassablement à amener du poisson (une douzaine par jour pour l’instant, le premier vers 6h30) que la femelle commence à manger par la tête, tout en donnant la becquée aux poussins.

Le 24 Mai, le second poussin commence à s’emplumer et il fait maintenant le double en taille du petit dernier qui est recouvert d’un fin duvet de couleur crème. L’ainé est recouvert d’un duvet bien sombre et fait régulièrement la toilette dans ses plumes naissantes ; le second s’y met aussi. La fratrie s’entend bien, il n’y a plus d’agressivité. Ils recherchent même le contact entre eux pour se réchauffer. Tout le monde mange à sa faim. La femelle les laisse parfois quelques instants sans surveillance pour aller se dégourdir les ailes. Elle revient sans nourriture ; le mâle assure la totalité des prises.

La semaine suivante, les poissons continuent à se succéder au nid, apportés par le mâle. Les deux premiers poussins grossissent à vue d’œil et le second a pratiquement rattraper en taille le premier. Seule une légère différence dans le plumage grandissant permet de les différencier. Le dernier, lui, a pris pas mal retard dans son développement. Le second ne le supporte pas et l’attaque violemment en le tirant et le secouant dans tous les sens par les plumes du dos et du cou, dès qu’il s’approche de la mère pour demander la becquée. Il ne peut manger que lorsque les deux premiers s’éloignent, rassasiés, et doit se contenter de ce qui reste. Heureusement, le mâle lui donne parfois la becquée. La femelle ramène régulièrement des matériaux aux abords du nid pour le rehausser car les deux aînés s’approchent parfois dangereusement du bord.

Le 13 Juin, les trois poussins sont maintenant bien emplumés, même le petit dernier qui accuse encore retard évident dans la croissance ; il est âgé de 30 jours aujourd’hui. Les deux aînés commencent à ressembler à des balbuzards « miniatures » : ils ont 34 et 33 jours. La femelle ne s’occupe quasiment que des deux premiers ; sans l’intervention du mâle, le petit dernier aurait probablement dépéri.

Je remarque une hiérarchisation dans la nourrissage. Le premier poisson de la journée est généralement pour la femelle et les deux aînés ; parfois quelques suivants. Le premier né reçoit les premières becquées. Placide, il n’a pas besoin de se battre pour disputer sa place car le cadet attend sagement son tour ; puis la femelle les nourrit les deux ensemble. Si le dernier né fait mine de s’approcher de la femelle, le cadet se précipite et s’acharne sur lui à coups de bec dans le cou et sur le dos jusqu’à ce qu’il fasse le mort. Au bout de quelques jours, le dernier a compris qu’il faut qu’il se réfugie à l’opposé du nid pendant le repas, en tournant le dos et la tête entre les pattes (attitude de soumission). La femelle reste indifférente à cette agressivité du cadet et nourrit rarement le petit, sinon avec quelques restes quand les deux autres sont rassasiés et font la sieste. Quand le mâle reste au nid avec sa capture en refusant de la céder à sa femelle, seul le dernier s’approche de lui et il est alors nourri à satiété par son père, même si c’est le premier poisson ; les autres poussins ne s’approchent pas. Le reste du temps, les trois poussins se font la toilette ou se reposent parfois blottis les uns contre les autres, sans animosité.

Le 20 Juin, les trois jeunes reçoivent toujours la becquée des parents mais ils commencent tous à picorer la nourriture tombée dans le nid, les reliefs non commencés des repas où directement sur les parties molles d’un poisson apporté par le mâle. Le petit dernier est encore tenu à l’écart à coups de bec par le second de la fratrie lors de la distribution des rations de poisson par la mère. Cette dernière ne s’en préoccupe pas même si les deux aînés sont repus. Je me dis que le dernier n’aurait pas survécu si le mâle ne l’avait pas pris exclusivement en charge.

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Le 22 Juin est le jour du baguage de la fratrie : l’aîné porte la bague YAI (âgé de 43 jours), la sœur cadette YBI (âgée de 42 jours) et le petit benjamin YCI (âgé de 39 jours), de couleur orange. Il devient maintenant difficile de faire la différence entre eux, le benjamin ayant pratiquement récupéré son retard de croissance. Le plumage est bien formé et les oisillons s’entraînent au vol en commençant à battre des ailes sur le nid.

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Le 03 juillet, l’aîné YAI, après s’être entrainé à décoller en chandelle face au vent sur quelques dizaines de centimètres de hauteur pendant plusieurs jours puis avoir réussi à se déplacer jusqu’au perchoir à proximité du nid au-dessus de l’eau, prend son envol. Il reste absent du nid pendant plusieurs minutes. Il est âgé de 54 jours.

Le 06 juillet, trois jours plus tard, la femelle YBI après s’être entraînée elle-aussi pendant plusieurs jours à décoller en chandelle, arrive à se poser sur le perchoir. Son envol est proche. YAI est absent du nid une grande partie de la journée. YCI n’a pas encore entamé ses premiers battements d’ailes.

Il me semble que les jeunes ont moins d’appétit. J’ai comptabilisé les poissons ce jour-là, six apportés au nid par le mâle. Un énorme poisson a été en grande partie consommé par la mère, qui en a donné une partie à la becquée à YCI alors qu’elle l’a presque toujours ignoré jusqu’à présent ; les cinq autres ont été consommés directement par les jeunes. La mère passe de moins en moins de temps au nid.

Le 07 juillet, YBI prend son envol. Elle est âgée de 57 jours. YCI reste seul au nid. Les jours suivants, il commence à en s’entraînant à décoller en chandelle, puis à faire des A/R sur le perchoir.

Le 14 juillet, YCI prend son envol. Il est âgé de 60 jours.

Dans l’après-midi, le couple se retrouve à moment donné seul sur le nid. les trois jeunes prospectent mais reviennent régulièrement au nid pour consommer parfois un poisson ramené par le père, ou pour se reposer, faire du toilettage. La femelle ne passe plus depuis quelques jours la nuit sur le nid ; les trois jeunes y dorment seuls, blottis les uns contre les autres.

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Le 18 juillet, les trois jeunes sont de plus en plus souvent absents du nid. Toutefois, ils continuent à l’utiliser comme dortoir et comme « restaurant » ; il reste l’endroit où ils consomment les poissons apportés par le mâle. Le premier qui s’en empare mange le poisson ; ils ne partagent pas entre eux. La mère a repris la pêche et elle revient parfois au nid avec le plumage mouillé.

Le 21 juillet, la mère apporte un poisson au nid, où deux jeunes piaillent activement. YAI s’empare du poisson, au détriment de l’autre ; la mère repart aussitôt. Elle participe donc ponctuellement au nourrissage mais elle reste moins habile que le mâle pour pêcher.

Le 10 août, l’aîné YAI vient d’avoir 3 mois. Les jours se suivent et se ressemblent. Le nid n’est plus utilisé qu’en journée, parfois par les parents pour se reposer et surtout par les trois jeunes pour quémander leur poisson à force de cris puis le consommer. Ils passent la plupart de leur temps à voler en principe en compagnie des deux adultes, surtout le mâle pour apprendre à pêcher. A l’arrivée d’un parent (surtout le mâle) au nid avec une proie, s’il y a au moins deux jeunes présents, le plus preste s’en empare et pas obligatoirement le plus âgé. Ils ne se querellent pas pour cela ; celui qui a réussi à s’en emparer la soustrait au regard de la concurrence en tournant le dos et en la couvrant en déployant ses ailes.

Une semaine plus tard, à partir du 17 août, la jeune femelle YBI ne fait plus aucune apparition sur le nid.  Le couple et les jeunes mâles YAI et YCI continuent à le fréquenter de temps en temps, les jeunes pour réclamer à forts piaillements et pour consommer des poissons attrapés par les adultes.

A partir du 22 août, c’est au tour de YCI d’abandonner le nid puis à partir du 28 août, c’est le tour de YAI. Les adultes y reviennent encore ponctuellement mais séparément ; la migration approche. Les jeunes sont certainement encore sur le site.

Le 8 septembre, le mâle ne fait qu’une seule et brève apparition de bonne heure sur le nid. La femelle n’est plus là. Les jours suivants il continue sa brève apparition, vers 7h30/8h00. Il reste immobile sur le nid, comme pensif.

Depuis le 19 septembre, il n’y a plus personne et l’observation en direct du nid va être prochainement déconnectée. C’est la fin d’un suivi de 6 mois, très instructif. L’année 2023 est une belle réussite pour BL71 la femelle de 5 ans et U18, le mâle de 6 ans.

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IX- Bibliographie

_ Guide des Oiseaux – Sélection du Reader’s Digest – 1971

_ Oiseaux des pays d’Europe de J. Felix – Gründ – 1978

_ Les Oiseaux voyageurs – Carnet de routes – Stéphane Durand aux éditions du Seuil (octobre 2003)

_ Ministère de la Transition écologique – Plan national d’actions 2020 – 2029 en faveur du Balbuzard pêcheur et du Pygargue à queue blanche : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/PNA_BALBUZARD_2020_2029.pdf

_ Le Balbuzard pêcheur – Histoire d’une sauvegarde : http://www.objectifbalbuzard.com/wp-content/uploads/2018/07/Balbuzard-2013-32pages-BaT-ilovepdf-compressed.pdf

_ Office Français de la Biodiversité (OFB) – Balbuzard pêcheur : https://professionnels.ofb.fr/fr/doc-fiches-especes/balbuzard-pecheur-pandion-haliaetus

_ Réserve Naturelle du Marais d’Orx- Programme Balbuzar pêcheur : http://www.reserve-naturelle-marais-orx.fr/fr/gestion/programme-balbuzard-pecheur.html

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