Le cerf aux bois cassés qui m’a donné l’idée de cette publication.
Depuis que je m’intéresse au Cerf élaphe, j’ai déjà observé des mâles avec un ou plusieurs cors cassés, mais je n’avais encore jamais rencontré d’animal ayant cassé ses deux bois.
J’ai pu photographier cet évènement peu courant chez un cerf particulièrement agressif qui a réussi à sortir vainqueur d’un duel sans doute violent, auquel je n’ai pas assisté.
Je n’ai pas retrouvé de témoignage équivalent sur le net. Cela arrive, c’est sûr, mais cela reste peu courant! Cela m’a donné l’idée de montrer en photos sur la même place de brame ce que l’augmentation de leur taux de testostérone provoque chez les cerfs.
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A l’automne, la diminution de la lumière du jour agit sur l’état physiologique de ces mammifères ; leur état hormonal se modifie et déclenche le rut.
Chez le cerf, son taux de testostérone s’envole. Cette hormone joue un rôle majeur dans son comportement reproducteur. Son sperme devient plus abondant et il n’hésite pas d’ailleurs à s’en asperger ou s’y rouler dedans, de même que pour son urine. Cette hormone augmente aussi considérablement son agressivité.
Chez la biche, ses chaleurs (œstrus) sont principalement sous le contrôle d’une hormone appelée la mélatonine, dont le cycle est également contrôlé par la durée du jour. Elle influe à son tour sur le cycle de sécrétion d’une autre hormone, la progestérone. Le taux de celle-ci varie selon le statut de dominance de la femelle. Elle peut également chuter après de longues périodes de temps chaud et sec, comme c’est le cas cette année. Elle joue ainsi un rôle dans la date des chaleurs, plus tardives chez les biches plus jeunes.
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La pluie ou la neige se prêtent généralement à de belles observations. Tout commence le 24 septembre 2022 au soir, sous la pluie. J’observe pour la première fois un beau huit cors au milieu d’une harde de huit biches, bichettes et faons. Quatre jours auparavant, il n’y avait encore personne mais aujourd’hui, les choses sérieuses ont déjà commencé.
Une biche, seule, est déjà sortie du bois.
L’estive est grande. Dans cette zone humide bien verte, d’autres biches ont commencé à s’alimenter.
La place de brame est proche ou fait partie du territoire que les biches fréquentent à l’année. C’est une zone dégagée et tranquille où elles se regroupent pour s’alimenter et s’abreuver, tout en surveillant les alentours. On les y observe à découvert plus facilement que le reste de l’année.
En dehors du rut, les cerfs vivent à part des biches tout en ayant parfois des territoires qui se chevauchent.
Pendant le rut, le cerf qui s’invite sur la place de brame s’invite donc chez les biches où il va se constituer un harem. Il ne cherche pas à défendre un territoire comme le fait un autre cervidé lors de son rut, le brocard (chevreuil mâle). Le lieu du rut importe peu pour lui car il ne se nourrit pas ou très peu pendant cette période ; il a juste besoin d’eau. Il a en fait deux préoccupations majeures : réunir et féconder dès qu’elles sont réceptives le plus de biches possible, tenir les autres cerfs à l’écart de la harde.
Il lui faut donc être agressif et parfois se battre si l’adversaire n’est pas impressionné par ses raires et autres charges d’intimidation. L’affrontement est alors inévitable pour le maître de la place s’il veut conserver son harem. Cela arrive quand un autre grand cerf de force égale convoite ses biches pour constituer ou agrandir son propre harem. En seconde partie du brame, il arrive aussi qu’un challenger resté célibataire sent qu’il peut tenter sa chance face à un cerf dominant qui commence à montrer des signes de fatigue, etc. Ces combats qui peuvent être violents sont rarement mortels.
Le mâle apparaît, alors qu’il commence à pleuvoir.
C’est une bête magnifique, un huit cors régulier.
Le cerf en rut par son comportement et ses odeurs corporelles participe aussi au déclenchement des chaleurs des biches. Elles n’ont pas lieu toutes en même temps. Cet étalement dans le temps stimule et entretient le rut du cerf tant qu’il reste des biches à féconder (jusqu’à la mi-octobre environ), s’il est suffisamment vigoureux pour tenir face à l’adversité jusqu’à cette échéance.
L’averse ne perturbe pas les ardeurs du mâle.
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Les biches connaissent ses intentions et l’évitent.
Le cerf va les poursuivre les unes après les autres, sauf les deux faons qu’il ignore.
A les voir se dérober, aucune d’entre elles n’a été encore fécondée.
La harde s’alimente, sous la surveillance du mâle. Je décompterai en tout 6 biches et bichettes, 2 faons.
Une cellule familiale au complet : le faon dont la naissance a dû être précoce (ses taches blanches ont disparu), la biche et sa bichette née en 2021.
Cette année, le bétail reste plus longtemps en estive. Tout le monde semble faire bon ménage.
Aujourd’hui, le cerf est seul, premier arrivé et premier servi. Aucun concurrent ne répond à ses raires.
D’ailleurs, j’ai parfois le sentiment qu’ils me sont adressés mais cela ne me pose pas de problème particulier ; je ne le dérange manifestement pas.
La soirée se passe ainsi à observer des comportements de poursuite des biches dans l’estive pour vérifier l’état de leur ovulation ; aucune d’entre elles ne se laisse approcher et le mâle n’insiste pas vraiment. C’est une soirée ordinaire de début de brame!
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Deux jours plus tard, le 26 septembre, le mâle est déjà présent et se repose dans un coin de l’estive. La température ambiante a bien baissé, avec un vent froid.
Bien que sa robe semble plus claire, c’est bien le même, reconnaissable à sa ramure qui est un peu sa carte d’identité, en dehors de tout autre signe distinctif.
Les biches, que je n’avais pas de suite remarquées, sont là aussi. Elles se sont dispersées dans l’estive.
Il y a du nouveau sur les hauteurs, avec la présence d’un jeune 8 cors à très petites enfourchures et à la robe d’un brun uniforme. Probablement sur sa quatrième année, il est en âge de procréer.
Les cerfs reviennent généralement pendant le temps du brame sur les lieux où ils sont nés. Ils y reviennent donc d’une année sur l’autre. Si les circonstances lui prêtent une longue vie, celui-là est un futur dominant.
Il s’approche de la harde sans hésiter!
Le grand 8 cors l’a repéré.
Il se relève et va à sa rencontre.
Il pousse un brame d’avertissement pour l’inciter à s’arrêter ou rebrousser chemin.
L’avertissement est resté sans effet. Le grand mâle lui coupe la route et charge!
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Le « vieux » ne faiblit pas, bien que le jeune ait pris un peu d’avance.
Début d’un saut d’obstacle, dans le flou.
Le jeune s’envole ; j’ai du mal à suivre.
Le vieux suit toujours le rythme et s’envole aussi. La biche semble captivée!
La poursuite continue.
Après avoir tous les deux disparu dans le lit d’un ruisseau, le grand mâle ressurgit, seul et triomphant.
Et même pas essoufflé!
Echaudé par la témérité du petit jeune, il rassemble ses biches (et leurs faons).
Le petit jeune est remonté sur le versant opposé.
Il y retrouve une biche et son faon, restés un peu à l’écart de la harde. Tout n’est peut-être pas perdu!
Un regard vers l’arrière, en direction du grand mâle,
Rassuré, il reprend la piste de la biche,
Le museau en avant, il s’enhardit et disparaît de ma vue.
Le grand mâle l’a déjà oublié. Il renifle l’urine des biches partout où elles ont stationné.
Encore un nouveau venu en approche, un petit 6 cors à pointes à la robe rousse, avec des surandouillers à peine marqués. Il me semble être sur sa troisième année.
Après s’être approché des biches à petits pas tranquilles avec quelques haltes, il s’arrête net, le regard tourné en direction du grand mâle.
Ce dernier l’a aperçu lui aussi et descend dans sa direction, la tête basse.
Le jeune a compris et se fige ; il n’ira pas plus loin. Seule sa tête bouge en regardant alternativement le cerf et les biches. C’est un comportement typique que j’ai déjà observé chez ces petits cerfs satellites et qui leur évite des ennuis.
Le mâle rejoint directement ses biches, d’un pas décidé.
Deux chevaux s’écartent sur son passage.
Les oreilles tournées vers l’avant, il toise le petit jeune sans agressivité. Ce dernier, les oreilles vers l’avant également, reste impassible. Je devine déjà qu’il n’y aura pas de charge. Un téléobjectif écrase les plans et dans la réalité, il y a une bonne distance entre les deux protagonistes.
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Le mâle va contourner ses biches pour les éloigner, …
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…, ce qui est fait prestement.
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La soirée du 01 octobre est vraiment paisible pour ce cerf! Il n’y a aucune agitation particulière sur cette immense estive. Pas de grand cerf concurrent, pas de cerf satellite. Les biches, moins nombreuses, sont calmes également.
Monsieur tient compagnie à cette biche adulte qui, je pense, a été déjà fécondée.
Il vient de prendre un bain de boue.
Il se couche dans l’herbe et se gratte le dos avec ses bois.
Un petit évènement vient pimenter un peu la soirée. Il va passer derrière lui à pas feutrés.
S’il ne se retourne pas, je crois quand même que le cerf a entendu quelque chose, à voir la position de ses oreilles. Le renard continue son chemin.
De temps en temps un petit raire pour signaler sa présence, et puis c’est tout. Personne ne répond.
Cette soirée m’a quand même interpelé ; c’était très calme. Ce cerf commence-t-il déjà à montrer des signes de fatigue? En effet, un mâle qui se donne beaucoup pendant le rut maigrit car il ne s’alimente pas ou très peu, contrairement aux biches qui sont souvent le nez à terre. Mais c’est quand même un peu tôt pour être épuisé. En fait, il n’y a aujourd’hui aucune compétition sur la place et les biches sont moins nombreuses que d’habitude ; elles ont peut-être été dérangées dans la journée.
Je ne le sais pas encore mais ce sont les dernières photos que je fais de ce grand cerf auquel je commençais à m’attacher. Je ne le reverrai plus. On verra un peu plus loin qu’il a cédé sa place, dans des circonstances que je ne connaîtrai pas.
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Le 12 octobre, le temps du brame n’est pas encore terminé sur l’estive. Il y a même du nouveau!
Les petits cerfs satellites sont de plus en plus hardis. L’un d’eux venu de nulle part déboule au pas de course au milieu de la harde, alors que je n’ai pas encore vu le maître de la place. Je ne sais pas où il se trouve, probablement couché derrière un rocher ou un buisson.
C’est un autre 6 cors à pointes (le 2è que j’observe sur l’estive) ; il n’a pas le temps de faire une halte!
Une bestiole déboule à son tour sur les pas du petit cerf et que je prends d’abord pour un veau!
Le petit cerf a déguerpi sans plus attendre. L’autre s’arrête!
Brame de triomphe adressé au petit jeune!
Ce cerf n’a plus ses bois (photo recadrée)!
Celui de gauche est proprement cassé ; un petit bout de meule reste sur le pivot. Il n’y a pas de plaie.
Sur celui de droite sans plaie visible non plus, il semble rester toute la meule avec une écaille de merrain.
Ce cerf s’en sort bien et a gardé toute son agressivité.
Ce grand cerf est un nouveau sur la place. Sa morphologie et sa robe sont différentes de celles du précédent locataire qui avait une crinière sombre, presque noire avec des poils plus longs. La crinière de celui-ci est moins fournie avec une tache de poils blancs assez caractéristique sur la gorge.
Mais le nouveau maître n’en reste pas là! Le petit jeune s’est rapproché à nouveau, trop émoustillé par les femelles ; il veut lui aussi participer!
Mal lui en prend!
Alors que l’on approche de la fin du brame, ce cerf est en grande forme ; aucun signe d’essoufflement!
Le petit 6 cors remonte vers les hauteurs, poussé par le grand mâle. Je suis surpris qu’il le poursuive aussi loin de la harde. C’est un hargneux!
Le grand mâle à peine redescendu, le petit jeune lui emboîte à nouveau le pas. La tentation est trop forte.
Je me demande quand même si le grand mâle a pris conscience qu’il n’a plus ses bois pour combattre. Ce qui est certain, c’est que cela ne le démonte pas! Un vrai bourrin survolté, sûr de sa force. J’ai été interpelé par ce niveau d’excitation, en comparaison avec la placidité affichée par son prédécesseur sur la place la dernière fois que je l’y ai vu.
La biche est polyoestrienne : pendant la période de reproduction, elle présente une succession de cycles de 18 à 19 jours au cours desquels les chaleurs ne durent que 24h00 environ. Les biches les plus âgées qui n’auraient pas été fécondées au début du brame seraient donc de nouveau en chaleurs et les plus jeunes le sont maintenant. Notre cerf reste donc toujours excité et cela explique que l’on peut parfois observer des comportement de rut tardifs.
Au moins une biche n’a pas été encore fécondée.
Au 12 octobre, le niveau d’excitation du nouveau grand cerf ne laisse aucun doute.
Cette biche paisible fait l’objet d’attentions particulières du grand « décoiffé ».
Son faon reste auprès d’elle et le cerf l’ignore.
Il revient régulièrement lui manifester comme de l’affection ; elle n’est manifestement pas (ou plus) en chaleurs.
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Son organe reproducteur en avant, il est ici intéressé par une bichette mais je n’assisterai pas à la saillie!
Sur cette photo, j’ai remarqué deux marques d’arrachage de poils sur son arrière-train. A part bien sûr l’absence de ses bois, il n’y a pas d’autre marque de son duel.
Il a regroupé toutes les biches sous sa surveillance. A aucun moment, il ne relâche ses efforts.
La nuit approche et promet d’être chaude. Il a encore fort à faire!
Je ne vois plus très bien ce qui se passe maintenant sur l’estive. Sur cette dernière photo prise à iso élevé et éclaircie, je me rends compte qu’un petit cerf, que je n’avais pas vu, s’est approché de deux biches qui s’enfuient à l’arrière-plan. Le grand « décoiffé » l’a vu et on peut deviner la suite.
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Ce 14 octobre, la place de brame a retrouvé son calme. Quand le cerf n’est plus stimulé par la réceptivité des biches, son taux de testostérone revient à la normale et il perd son comportement reproducteur et agressif. Il tolère alors à nouveau la présence de congénères. C’est ce qui va se passer aujourd’hui, illustré en photos.
Un groupe composé d’une biche, sa bichette et son faon apparaît à la lisière des hauteurs boisées.
Le groupe est rapidement rejoint par le cerf 8 cors à petites enfourchures que je connais déjà.
Ailleurs dans la pente, c’est un petit 6 cors à pointes qui apparaît (le 2ème 6 cors déjà observé sur l’estive).
Puis c’est un 4 cors sur sa troisième année, que je n’avais jamais vu.
Le 6 cors se rapproche du groupe de biches accompagné du 8 cors ; ce dernier montre un peu de défiance face au nouveau venu et finit par le laisser approcher.
Tout ce petit monde se met paisiblement à paître ensemble ; c’est un premier signe que le temps du brame est terminé sur cette place.
La bichette s’est avancée en direction du 6 cors et cela ne plait pas à l’autre mâle!
Le 8 cors semble vouloir s’interposer, la tête basse et les oreilles couchées ; ce n’est pas bon signe!
Il passe devant le petit 6 cors, qui ne bouge pas. Son regard en dit long, il reste encore quelques relents de jalousie. Même chez les jeunes, il y a une hiérarchie à respecter devant les dames.
Le petit 6 cors n’a pas quitté des yeux son congénère, sans bouger. L’autre lui a montré les limites à ne pas dépasser et s’est remis à brouter. L’alerte est passée.
Le 6 cors restera à l’écart de la bichette en lui tournant le dos et tout le monde broute maintenant.
Le 4 cors vient de rejoindre le groupe.
Lui aussi est accepté.
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Chacun se méfie un petit peu quand même mais globalement çà se passe bien car la hiérarchie est respectée, avec un peu de soumission.
D’autres biches se sont approchées mais la cohésion de la harde est en train d’éclater. Une biche et son faon sont déjà remontés vers les hauteurs pour disparaître derrière la crête.
Les femelles vont rapidement se séparer en cellules familiales, biche, bichette et faon. Les daguets tenus à l’écart de la harde par les grands cerfs pendant le rut vont retrouver leur mère. Ils la quitteront définitivement avant la prochaine mise-bas.
Les deux petits cerfs s’écartent du groupe des biches, en remontant sur le versant opposé.
Le petit 4 cors est maintenant seul avec la biche, sa bichette et son faon. Il fait ami-ami avec la biche. Ressentirait-il encore un lien de parenté avec elle? Il est possible qu’il soit en train de revenir dans le groupe auquel il appartenait avant le rut.
Il reste en tous cas en leur compagnie pour brouter.
Il est déjà plus tard que d’habitude et il manque encore quelqu’un, quelqu’un de taille! Est-il toujours là? La réponse, positive, arrive en fin de soirée et « sans tambour ni trompette »! En fait, je ne l’avais même pas vu arriver.
Sur l’autre versant, le grand « décoiffé » est descendu à petits pas tranquilles en direction des deux petits cerfs. Le 8 cors, qui a une bonne mémoire, s’écarte prudemment pour le laisser passer. Un petit détail sur son arrière-train semble vouloir montrer qu’il n’en mènerait pas large ; je vous laisse le deviner!
Le brouillard est en train d’envahir la vallée. Le grand cerf se dirige maintenant vers le petit 6 cors qu’il a poursuivi deux jours plus tôt et qui s’en souvient!
Et là, tout se passe bien ; le grand cerf l’a complétement ignoré. C’est le deuxième signe que le temps du brâme est bien terminé.
Il a bien travaillé car toutes les biches ont été fécondées. Il les ignorer aussi : c’est un troisième signe.
Il se remet à brouter, après ce jeûne prolongé : encore un signe.
Ce sera ma dernière photo du brame 2022. La nuit tombe et le décoiffé s’éloigne dans la nappe de brouillard. Le silence est retombé sur l’estive, on n’y entend plus de raire. Le taux de testostérone redevient normal!!!
Peut-être à l’année prochaine? Je ne serai pas étonné si ce cerf a une anomalie dans la repousse d’un de ses bois au printemps 2023 ; je ferai alors le rapprochement s’il revient sur cette place à l’automne.
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Le 16 octobre, je suis revenu sur l’estive ; les animaux sont partis! J’ai pensé au grand absent à la finale du 14 octobre : le magnifique huit cors régulier!
Mon meilleur souvenir de la place de brame.
J’ai quand même cherché à savoir ce qui a bien pu se passer pour cette magnifique bête. Autant le dire de suite, je n’ai pas eu la réponse. Pourquoi ce cerf robuste et bien armé pour se battre a-t-il cédé sa place à un concurrent qui laisse ses deux bois dans le combat?
La première hypothèse qui me vient à l’idée est que le huit cors a été sérieusement blessé ou même a succombé à la suite du violent choc qui a entraîné la cassure des deux bois du « décoiffé ». Si le huit cors avait conservé tous ses moyens, le décoiffé sans ses bois aurait été mis en échec à la charge suivante.
Une autre hypothèse possible est que les deux cerfs ont eu leurs bois hors d’usage au même moment et le plus belliqueux a gardé l’avantage pour prendre sa place à l’autre. Mais on peut aussi imaginer bien d’autres scenarii, sauf peut-être le bon.
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Les jours suivants, j’ai cherché dans le vallon et ses hauteurs les éventuels restes de la dépouille du perdant qui aurait pu être attaquée par les vautours ainsi que les deux bois cassés du décoiffé ou tout autre indice, sans succès. J’ai aussi interrogé quelques personnes et la seule information que j’ai pu recueillir auprès d’un autochtone est qu’un cerf avait été vu dans la région avec un bois cassé ; cela m’a intrigué car les dates pouvaient concorder. Par la suite, j’ai pu avoir accès à un témoignage visuel sur ce cerf-là et j’ai été en partie rassuré car ce n’était pas le mien. L’un des deux bois de l’animal avait effectivement cédé, mais pas au-dessus du pivot ; c’est sa boîte crânienne qui avait cédé et ses souffrances ont été abrégées. Cela est un malheureux exemple du degré de violence que peuvent parfois atteindre ces duels!
En l’absence d’explication sur la disparition de mon huit cors, je me dis qu’il peut encore refaire surface à l’automne 2023 ; on verra bien!
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Mise à jour septembre 2023 : dès le 20 septembre, j’ai pu observer de loin un cerf et sa harde, en plein rut dans ce vallon qui avait était fréquenté pendant tout le brâme 2022. Hélas, ce jour-là, les animaux ont été perturbés par un groupe de trois photographes qui sont partis à leur poursuite en cherchant à les photographier de près. Le cerf s’est alors éloigné en compagnie des biches et tout ce monde s’est mis hors de portée, pour finalement disparaître vers les hauteurs. Le lendemain et les deux jours suivants, des observateurs visuels placés aux mauvais endroits et un photographe planqué directement sur la place de brame ont fini par provoquer le départ définitif des animaux dans un autre vallon plus tranquille. Ils ne sont plus revenus sur la place de brâme de l’an dernier, du moins en soirée.
Personnellement, la seule chose qui m’intéressait était de savoir si mon « meilleur souvenir » de l’an dernier était revenu, s’il était toujours vivant. Corpulence, couleur de la robe, trophée, tout correspondait à un détail près : il manquait un cor à l’enfourchure gauche, avec une courbure qui pouvait faire penser à une cassure. Hélas, il était trop loin pour que je puisse lever le doute. Si on l’avait laissé fréquenter tranquillement sa place de brâme habituelle, j’aurais pu être affirmatif et passer plus tôt à autre chose.
C’est fantastique de pouvoir assister à un tel événement.