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La chandelle du cerf élaphe dans les Pyrénées pendant le rut

chandelle du cerf au milieu de sa harde

Le moment fugace où le cerf se cabre après la saillie. La biche est occultée par sa masse imposante.

J’ai parlé de « chandelle »? C’est exact! Ce terme est utilisé dans le Larousse pour des définitions et des expressions bien différentes mais il n’y en a qu’une qui s’apparente à la situation décrite dans cette publication, sans faire de référence au cerf : « s’élever à la verticale ».

A défaut donc de se faire aider par le Larousse, la consultation d’ouvrages naturalistes m’ont confirmé que je ne me trompais pas : on utilise bien cette expression pour le cerf qui, après avoir sailli la biche, se cabre pour se dégager : on dit qu’il fait la chandelle!

Assister à la saillie d’une biche, ce n’est pas courant. Des dizaines de fois ces dernières années, j’ai suivi au téléobjectif des cerfs dans leur quête pressante des faveurs d’une biche, sans succès.  Combien de fois je me suis dit « il va le faire » et après avoir pris des photos en rafale, être déçu. La biche s’est dérobée!

Les témoignages sur ce moment particulier sont peu nombreux. L’environnement de certains d’entre eux (en particulier les gros plans de la saillie) me font penser à l’observation d’animaux moins farouches qui vivraient en semi-liberté ; cela n’empêche pas bien sûr de prendre plaisir à saisir ces moments-là dans ces conditions et de les partager. Ma remarque n’a de sens que pour mettre en avant le fait qu’il faut beaucoup de patience tout en multipliant les sorties pour assister à ce spectacle en pleine nature. Il faut cependant garder à l’esprit que ces animaux ont besoin de tranquillité : ces moments d’intimité ont lieu le plus souvent la nuit pour échapper aux perturbations liées aux activités humaines.

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Les circonstances de mon observation sont une belle journée ensoleillée de début octobre (2022) en moyenne montagne dans les Pyrénées, en pleine période du brâme. Dérangés pendant le week-end, les animaux se sont refugiés sur une estive très peu fréquentée où ils peuvent voir venir le danger de loin. Mes photos sont prises à grande distance avec un téléobjectif et partiellement recadrées. Ces comportements de brame en plein midi sont une preuve que mes animaux sont tranquilles.

Le cerf et ses biches.

Le théâtre de cette publication, comme on pouvait l’observer. A gauche, le cerf dominant se repose, couché sur ses pattes antérieures et la tête relevée pour surveiller ses biches ; à droite, deux des trois cerfs satellites.

Il y a deux belles hardes sur cette estive en train de se reposer en toute quiétude, à flanc de montagne. Pour vous dire, je n’avais jamais vu dans les Pyrénées autant de cerfs et biches à la fois. Sur la photo ci-dessus en la consultant en plein écran, j’ai pu dénombrer :

_ le cerf dominant, un magnifique 10 cors régulier à enfourchures comme c’est le plus souvent le cas dans les Pyrénées,

_ deux jeunes cerfs satellites, des 8 cors à enfourchures et qui attendent sagement une opportunité en broutant paisiblement. Ils ne vont pas s’approcher des biches pendant mon observation,

_ un autre cerf satellite (en bas à gauche hors cadre) plus jeune que les deux précédents, un 6 cors avec deux petites fourches, qui sera chassé par le mâle dominant,

_ un daguet né en 2021, chassé de la harde de biches pendant la période du rut et qui reste à proximité, en compagnie des deux 8 cors,

_ deux biches non accompagnées,

_ une biche accompagnée de sa bichette (sa progéniture, femelle sur sa 2ème année) et du faon,

_ une biche et son faon (on dit qu’elle est suitée),

_ trois biches accompagnées de leurs bichettes.

Cela fait en tout 15 animaux. Sur les sept biches adultes, seulement deux sont suitées et ce taux de reproduction 2022 faible est voisin de celui de l’autre harde : je n’en connais pas la raison mais il est évident que cela est anormal. Ce fait a déjà été rapporté par d’autres observateurs en d’autres lieux pour ce brame 2022, avec des explications que je ne peux confirmer.

Le cerf et ses biches.

Le cerf dominant s’est relevé et se précipite. Le jeune 6 cors satellite s’est prudemment approché de la biche suitée, couchée au premier-plan et cela ne lui plaît pas du tout.

Le cerf et ses biches.

Le jeune 6 cors a fait volte-face et s’est déjà éloigné.

Les autres biches, inquiètes après la réaction précipitée du mâle, se sont relevées pour échapper éventuellement à sa colère. Pendant toute la durée de mon observation, la biche adulte en haut du cadre restera couchée. Je pense qu’elle a été déjà saillie et elle sait qu’elle ne risque plus d’être importunée.

Le cerf et ses biches.

Le mâle vérifie que l’intrus s’éloigne. Une simple charge d’intimidation aura suffi. 

Le cerf et ses biches.

Les biches, sur leur garde, surveillent le mâle. Celui-ci, réveillé, a jeté son dévolu sur l’une d’entre elles. Elle va s’esquiver.

Le cerf et ses biches.

Le daguet, tout à droite, s’est approché de la harde où sa mère est présente. Il restera en périphérie en attente d’une acceptation dans le groupe, les oreilles en arrière, sans déclencher de réaction de la part du cerf . Ce dernier est trop préoccupé par la biche qui a refusé ses avances, au premier-plan.

Le cerf et ses biches.

Il s’élance à nouveau, le museau relevé et la langue tirée, pour mieux percevoir l’état des chaleurs de la biche qui captive son attention. D’autres biches observent la scène.

Le cerf doit se faire accepter par la biche pour s’accoupler. La période des chaleurs dure peu, 24 heures ou parfois un peu plus. C’est la biche qui décide quand le moment de l’accouplement est venu et elle ne se laisse pas faire immédiatement. Sa première réaction est de se refuser au mâle en le promenant en boucle sur la place du brame tout en changeant de direction. Quand elle est réceptive, elle relève légèrement sa queue, comme on peut le voir sur le cliché précédent.

Le cerf et ses biches.

Elle promène le mâle, qui la suit de très près.

Le cerf et ses biches.

Le cerf et ses biches.

Les autres biches regardent. Celles qui sont indifférentes ont été probablement saillies.

Le cerf et ses biches.

Tout cela se passe au pas de course.

Le cerf et ses biches.

une dernière esquive,…

Le cerf et ses biches.

11h 59mn 06 sec : La biche s’arrête. Elle accepte la saillie.

Quand elle elle estime que le jeu a assez duré, elle s’arrête pour indiquer qu’elle accepte la saillie. L’accouplement ne va durer que quelques secondes, comme suit.

Le cerf et ses biches.

Le mâle prend appui avec sa tête sur la croupe de la biche, pour s’aider à se relever,

Le cerf et ses biches.

Il se relève sur ses pattes postérieures en enserrant la croupe avec ses pattes antérieures, 

Le cerf et ses biches.

11h 59mn 08 sec : il a avancé et posé sa tête sur l’encolure de la biche, en la maintenant fermement avec ses pattes antérieures. La langue tirée, il entre en érection,

Le cerf et ses biches.

11h 59mn 11 sec : la saillie commence. Le cerf déplace son poids vers l’avant de la biche,

Le cerf et ses biches.

11h 59mn 11 sec – Au moment le plus fort de la saillie, il commence à se cabrer sur ses pattes postérieures, en s’appuyant sur la croupe de la biche avec ses pattes antérieures. Sur la photo, une seule patte postérieure repose au sol. La biche est poussée en avant,

Le cerf et ses biches.

11h 59mn 11 sec – La saillie est terminée. Il relève la tête en arrière et commence à s’élever sur ses pattes postérieures, pendant que les antérieures ont lâché la croupe de la biche. La biche est libre.

Le cerf et ses biches.

11h 59mn 11 sec – Il continue à s’élever, 

Le cerf et ses biches.

11h 59mn 12 sec – Il monte en chandelle sur ses pattes postérieures, les antérieures pendantes,

Le cerf et ses biches.

11h 59mn 12 sec – Il replie ses pattes postérieures et se laisse retomber sur ses quatre pattes. Son érection est encore visible sur mon écran. La biche s’éloigne.

Le cerf et ses biches.

11h 59mn 12 sec – Le cerf « touche terre ». Son érection a disparu.

Le cerf et ses biches.

11h 59 mn 12 sec – La biche s’échappe, craintive, pour retrouver les autres biches.

Le cerf et ses biches.

12h 00mn 38 sec – Ce n’est pas vrai! 1 mn 1/2 plus tard, il a envie de remettre çà en revenant importuner la même! 

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Cette expérience nous montre que l’acte est très rapide : six secondes se sont écoulées entre le moment où la biche a donné son consentement et celui où le cerf « touche terre », dont moins de deux secondes pour la saillie elle-même. Cet acte n’est pas systématiquement couronné de succès dès la première fois. Il est généralement répété à plusieurs reprises pendant cette courte période des chaleurs. Quand la biche est effectivement fécondée, elle devient indifférente à l’agitation du mâle ; elle reste couchée ou bien elle broute tranquillement.

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Le cerf et ses biches.

Pour résumer cette publication, voici une petite animation GIF que je me suis fais plaisir à créer avec les photos précédentes ; elles ont été prises à main levé avec un recadrage pour les faire correspondre. 

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