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Observations sur deux Tichodromes échelettes durant un hivernage béarnais

Le tichodrome en hivernage

Le Tichodrome – Un oiseau que j’adore!

J’ai déjà consacré plusieurs articles au Tichodrome échelette mais cet oiseau si particulier m’a encore appris des choses au cours de cet hivernage 2021-2022.

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1- Tout commence le 20 octobre 2021. Aujourd’hui, je pars dans le Haut-Béarn pour prendre des nouvelles du petit « oiseau-papillon ». Est-il revenu de son lieu de reproduction en haute montagne, poussé par les premières chutes de neige et la raréfaction de la nourriture? Va-t-il fréquenter à nouveau son lieu d’hivernage de l’année précédente, ce village du piémont pyrénéen situé à une altitude de 700 m environ (que je vais identifier sous la désignation de « Site 1 ») ?

Ma première pensée est qu’il ne lui soit rien arrivé de fâcheux depuis le 26 mars dernier, date de ma dernière observation en ce lieu. Je devrais même dire « elle », puisqu’il s’agissait d’une femelle.

Quand j’arrive en fin de matinée sur le site, il fait chaud sous un ciel bleu sans nuage, avec beaucoup d’insectes volants. Après deux heures d’attente patiente, je n’ai rien remarqué ; la seule activité observée est celle de quelques pouillots qui font de nombreuses allées et venues pour chasser les insectes en vol.

Je décide alors de changer de lieu, car il y a une chose que je voudrais vérifier. En effet, l’année précédente, un tichodrome avait été ponctuellement vu dans les environs, sans que je puisse moi-même l’y observer. Je vais appeler par la suite ce lieu le « Site 2 ». Était-ce le même oiseau? Impossible de le dire! Par curiosité, je vais sur les lieux supposés de cette présence et je ne vois rien. De retour à la voiture, je réfléchis alors à ce que je peux faire d’autre dans le secteur avant de rentrer à la maison. C’est à ce moment-là qu’un petit oiseau passe un peu plus loin devant moi en papillonnant, puis disparaît. Un Tichodrome! Il vient de nulle part et je n’ai aucune idée où il a pu bien aller. Sans trop y croire, je pars avec mes jumelles à sa recherche et je le retrouve sur le balcon ensoleillé d’une maison isolée et fermée, au crépis récent. Elle est orientée plein sud avec un large auvent sous lequel de nombreuses mouches se sont rassemblées. Il les chasse en vol pendant au moins une dizaine de minutes, puis il disparaît sans que je l’immortalise.

Avant de continuer mon programme de la journée, je repasse quand même sur le site 1, toujours vide de tichodrome.

Je me pose alors à nouveau une question, la même que celle de l’année précédente : est-ce le même tichodrome sur les sites 1 et 2? Mais aussi : est-ce le même tichodrome que l’an passé? Je rappelle au passage que le plumage internuptial du mâle est très proche de celui de la femelle lors de la mue automnale et il est très difficile (sinon impossible?) de les différencier, du moins pour un non-spécialiste. J’aurai mes réponses d’ici la fin de l’hivernage.

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2- Nous sommes maintenant le 12 novembre et trois semaines ont passé. Il est 11h00 à mon arrivée sur le site 1, sous un beau ciel bleu et une température de 9°C. Le visiteur de l’hiver est bien arrivé sur les lieux : il volette à la recherche de nourriture entre les pierres non jointoyées d’un édifice architectural, tout en chantant ponctuellement. Il y reste peu de temps ; il se perche sur la gouttière des eaux pluviales d’où il observe quelques insectes volants dans la lumière, puis il s’envole au-dessus de moi. Je le perds alors rapidement de vue au-dessus des toitures des maisons. Où est-il allé?

Je fais le tour des bâtiments non crépis du village et je le retrouve enfin! Il déborde d’activité. Je l’observe un bon moment en train d’explorer les façades de quelques maisons anciennes. J’aurai droit à son chant mélodieux presque en continu. Un oiseau heureux!

Le tichodrome en hivernage

12 novembre 2021 – Il sautille en remontant la face nord de cette maison, puis il passe sur la façade ouest, exposée au soleil.

Le tichodrome en hivernage

Il chantonne, en remontant tout en haut du pignon.

Le tichodrome en hivernage

Puis il change de maison et j’aurai alors l’occasion de faire des photos de belle proximité au téléobjectif, sans qu’il soit dérangé.

Le tichodrome en hivernage

Il pose un petit moment à la partie supérieure de ce volet.

Le tichodrome en hivernage

Ici, il a trouvé une petite araignée dans un trou au centre de la toile.

Le tichodrome en hivernage

Il volette un peu plus loin sur le mur d’une autre maison ancienne. Il choisit celles qui ont leurs volets fermés.

Le tichodrome en hivernage

Son reflet dans le vitrage ne l’intrigue pas ; il reste concentré sur sa recherche d’insectes.

Le tichodrome en hivernage

Le petit curieux!

Le tichodrome en hivernage

Il prospecte surtout sur les façades mais le passage à proximité d’un insecte intéressant attire son regard et l’incite parfois à faire un écart pour l’attraper au vol!

Le tichodrome en hivernage

Je l’entends régulièrement gazouiller, comme ici. C’est un régal.

Au bout d’une heure environ d’observation sur les façades du village, il disparaît à nouveau. Je vais en profiter pour aller faire un tour sur le site 2 et malgré une prospection assidue aux endroits propices, je ne le vois pas. Je retourne à mon point de départ où il est également absent.

Dès que le soleil passe derrière la montagne, le village plonge dans l’ombre et vers 14H30, l’activité de l’oiseau en ce lieu s’arrêtait les années précédentes. Je finis donc par quitter l’endroit vers 15h00.

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3- Nous sommes maintenant le 30 novembre et dix-huit jours ont passé depuis ma dernière venue : je n’abuse donc pas des visites. J’ai donc déjà observé un tichodrome sur deux sites différents mais ils sont suffisamment proches pour permettre à un même individu de fréquenter les deux endroits. J’aimerais bien lever ce doute.

Il a récemment neigé, assez bas dans la vallée. D’après une habitante du site 1 avec qui j’ai échangé quelques mots, le chasse-neige est passé dans la matinée pour dégager les rues. Je suis curieux de savoir si l’oiseau est resté sur le site malgré cet épisode neigeux. A mon arrivée, les hauteurs sont magnifiques sous un soleil radieux. La température est fraîche, + 5 °C, mais la neige commence à fondre.

Le vautour fauve

L’évolution d’un vautour fauve (Gyps fulvus) au-dessus des hauteurs enneigées.

Il est 11H00 et le « ticho » est déjà au rendez-vous sur le site 1. A son habitude, il remonte la façade par petits sauts en battant des ailes. Il y reste peu de temps. C’est en cela que cet oiseau demande de la patience, patience que je ne manifeste que pour quelques autres espèces particulières comme la Pie-grièche écorcheur, le cerf élaphe, le bouquetin ibérique, le Gypaète barbu et … l’Ours brun, que je n’ai encore jamais observé!!! La rencontre et l’observation ont pris pour moi une importance bien supérieure à celle de ramener une photo.

Pour l’observer, on ne gagne pas à tous les coups ; « l’oizo » peut être présent et on ne le voit pas. Parfois, il ne fait que de brèves apparitions dans une journée. C’est un oiseau minuscule et solitaire, dans un immense décor! Sans avoir eu un jour ce privilège de faire une belle rencontre qui me l’a fait découvrir, je serais probablement encore à sa recherche. Il faut garder des rêves à réaliser dans sa vie mais quand même, c’est tellement agréable de pouvoir réaliser certains d’entre eux.

Revenons à mon « ticho », avec une bonne nouvelle! En effet, aujourd’hui, je vais pouvoir enfin dire pour la première fois : « les tichos ». Ils sont bien (au moins) deux à venir hiverner dans la région!

Le tichodrome en hivernage

30 novembre à 11h00 – L’oiseau est déjà là, sous l’avant-toit de l’édifice dont la toiture est en partie recouverte de neige fraîche. Cette dernière fond sous un beau soleil.

Alors que je suis là depuis trois-quarts d’heure, un chant bien connu me fait relever la tête : deux tichodromes s’éloignent au-dessus des maisons du village, en se poursuivant à deux mètres environ l’un de l’autre. L’un a tout l’air de chasser l’autre de son territoire! La scène est rapide et ils disparaissent au-dessus des toits. Avec ma longue focale, je ne peux rien faire pour immortaliser cet instant.

Le tichodrome en hivernage

30 novembre à 12h15. Un des deux tichodromes réapparaît, alors que je n’ai vu aucun des deux revenir.

Cinq minutes après l’apparition ci-dessus, j’ai une nouvelle surprise : le tichodrome de la photo plonge vers le bas du bâtiment et poursuit à nouveau un second tichodrome venu de nulle part ; ils disparaissent ensemble hors de ma vue!

Cette observation est importante et montre que l’oiseau a un territoire bien à lui, qu’il défend farouchement contre ses congénères. Hors reproduction, c’est un solitaire! Je me suis déjà laissé surprendre à deux reprises par leur apparition conjointe et n’ayant pas à ma disposition de focale plus courte pour les photographier, je décide de m’éloigner de la scène pour arriver à les prendre ensemble dans le champ de l’objectif. Mais, en fait, ils ne feront plus d’apparition groupée.

Vers 13h30, celui (ou celle) que je peux appeler le maître (ou maîtresse) des lieux revient prospecter pendant une demi-heure puis s’éloignera pour un lieu inconnu.

Le tichodrome en hivernage

L’oiseau peut se fondre très facilement dans le décor. Quelques échanges avec le voisinage me permettront d’apprendre que quelques autochtones ont déjà entendu parler du tichodrome et même parfois s’y intéressent, mais ils en ignorent totalement la présence chez eux. 

Le tichodrome en hivernage

Aujourd’hui, l’oiseau ne restera que sur la partie supérieure de l’édifice.

Le tichodrome en hivernage

Le tichodrome en hivernage

Les battements d’ailes du « papillon » posé.

Le tichodrome en hivernage

Ma position est idéale pour immortaliser les deux tichodromes ensemble, mais je n’aurai pas cette chance.

Le tichodrome en hivernage

Lui aussi semble apprécier cette belle lumière automnale. Curieusement, il y a très peu d’insectes en vol. Il fait + 5°C : ce ne fait peut-être pas suffisant pour ces derniers, malgré le soleil.

Le tichodrome en hivernage

14h00 – il va bientôt s’éloigner pour un lieu inconnu, en direction de falaises encore ensoleillées. Manifestement, il ne dort pas sur place.

Aujourd’hui, des rouges-queues évoluaient également autour de ce tichodrome et ce dernier n’a montré à aucun moment de signe d’agressivité ou de curiosité à leur égard. C’est une preuve qu’il n’est agressif qu’avec ses congénères et quel que soit leur sexe comme je le découvrirai plus tard.

un rouge-queue noir

Les Rougequeues noirs (Phoenicurus ochruros) mènent leur vie à proximité du tichodrome, sans être inquiétés.

Ma prospection dans la foulée sur le site 2 encore ensoleillé sera rapide. J’apercevrai brièvement un tichodrome sur un mur à l’ombre d’une vieille maison du village aux volets fermés, en me laissant surprendre par sa proximité.

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4- Le 13 décembre, le Tichodrome est présent sur le site 1 et uniquement sur l’édifice architectural, absent sur le site 2. Je retrouve les habitudes de celui de l’hivernage précédent, qui était une femelle. Le circuit de prospection est le même pour la même période.

Je fais le même constat le 14 janvier 2022 dans les mêmes conditions, c’est-à-dire sous un beau ciel bleu et une température de + 6°C. J’ai aussi la confirmation que l’oiseau ne fréquente plus les maisons du village. Il reste visible plus tardivement, probablement parce que les jours commencent à rallonger et que les façades sud et ouest restent ensoleillées un peu plus longtemps.

Le 28 janvier, le ciel est voilé à mon arrivée à 11H20 sur le site 1, avec une température de 12 °C. L’oizo est sur l’une des façades un quart d’heure plus tard, mais je n’ai pas vu d’où il vient. Il est régulièrement présent au moins jusqu’à 14H25, heure à laquelle il quitte les lieux en direction des falaises encore ensoleillées précédemment citées. Il s’est très peu déplacé en volant. Il a surtout prospecté les irrégularités des pierres jointoyées avec son long bec fin et recourbé, où il a trouvé de nombreux insectes. Je quitte moi-même les lieux, sans passer au site 2.

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5- Nous sommes maintenant le 23 mars et le printemps est arrivé. Je sais que le tichodrome va très prochainement repartir vers les hauteurs. L’an dernier, il avait quitté le site 1 entre le 27 et le 29 mars, avec une mue bien avancée qui m’avait permis d’identifier son sexe : une femelle.

Le ciel est bleu avec un peu de vent quand j’arrive, un peu plus tard que d’habitude, à 12H40. Les températures sont printanières, + 20°C! Je passe d’abord sur le site 2. Je m’étais précédemment lassé d’aller y prospecter, car mes observations depuis le 30 novembre restaient vaines. Cependant, je voulais avoir une dernière fois confirmation de cette absence, pour faire un bilan de fin d’hivernage le plus complet possible.

Quand j’arrive, il est déjà là, devant moi, comme s’il m’attendait! Et j’ai une belle surprise : c’est un mâle, qui a manifestement fini de muer! Je n’avais encore jamais rencontré de mâle dans sa tenue nuptiale ; il est magnifique!

Le tichodrome en fin d'hivernage

Il prospecte le crépis, pourtant jointoyé, sous les avant-toits d’un édifice.

Le tichodrome en fin d'hivernage

Il manifeste sa bonne humeur en chantant!

Le tichodrome en fin d'hivernage

Son dos est gris comme celui de la femelle, mais un peu plus foncé. Le dessus de sa tête est gris encore plus foncé, presque noir.

Le tichodrome en fin d'hivernage

 Le tour de l’œil est gris foncé. Sa gorge est uniformément noire.

Le tichodrome en fin d'hivernage

Le printemps est bien là! 

Le tichodrome en fin d'hivernage

L’oiseau est très actif sur les deux façades de l’édifice situées à l’ombre. 

Le tichodrome en fin d'hivernage

Sa plongée est très rapide, difficile à suivre avec une longue focale. 

Le tichodrome en fin d'hivernage

Il reprend sa prospection depuis le bas de l’édifice, toujours en chantant.

Le tichodrome en fin d'hivernage

Une attitude de l’oiseau que j’aime bien, avec une gorge noire bien marquée.

Le tichodrome en fin d'hivernage

Il ne montrera que peu d’intérêt pour les insectes volants, bien présents sur les deux autres façades ensoleillées.

Où était-il donc passé ces derniers mois? Je n’aurai pas la réponse. Son comportement aujourd’hui m’a permis de l’observer longuement. L’oiseau, après avoir prospecté un petit moment sur cet édifice, s’envole pour une boucle au-dessus du village en restant à vue puis revient à son point de départ. Il refait ce trajet de temps en temps. D’autre fois, il disparaît plus loin de ma vue et je le retrouve un peu plus tard en train de prospecter, sans l’avoir vu revenir. Je le quitte à 14h00, pour visiter le site 1.

Et là, ce n’est plus une surprise, un tichodrome est là dès mon arrivée et … c’est une femelle! Elle a elle aussi mué. La différence du plumage avec celui du tichodrome mâle du site 2 est tellement évidente! C’était donc une femelle qui chassait un congénère, probablement le mâle du site 2, de son territoire!

Le tichodrome en fin d'hivernage

Le dessus de sa tête est d’un gris légèrement plus foncé que celui du dos, mais ces tons de gris sont bien plus prononcés chez le mâle.

Le tichodrome en fin d'hivernage

Elle garde un petit cercle de plumes blanches autour de l’œil.

Le tichodrome en fin d'hivernage

La gorge est blanche, avec quelques taches noires. Ces taches noires, de formes variables, sont plus ou moins présentes selon les femelles.

Le tichodrome en fin d'hivernage

Le bain de soleil avec le toilettage des plumes va durer un bon moment, qu’elle semble apprécier. L’oiseau est paisible et bien qu’il sait que je l’observe, accepte très bien ma présence. Je ne le savais pas encore, mais ce sera notre dernier échange de regards.

La femelle va quitter les lieux à 15H15, en direction des falaises ensoleillées toutes proches où elle dort probablement. A 16H00, le village est passé à l’ombre et n’étant pas revenue, je suppose que sa journée ici est terminée.

Je retourne alors une dernière fois sur le site 2 encore ensoleillé, où le mâle est toujours là. Il vient de rentrer à l’intérieur du clocher de l’église du village et qui est ouvert à tous vents. L’extérieur n’a rien qui puisse intéresser un tichodrome. Je l’ai vu y entrer aujourd’hui à plusieurs reprises, sans l’avoir vu en ressortir. Il semble avoir son circuit de prospection à l’intérieur : rien d’étonnant à cela car les araignées et autres bestioles qu’il affectionne y sont certainement bien présentes. Lui, il n’a probablement pas encore fini sa journée et je n’ai plus la patience d’attendre. Lui aussi, je ne le reverrai plus ; le départ vers les hauteurs est imminent.

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6-  Le 26 mars, la femelle est encore présente sur le site 1 mais je n’ai pas la confirmation pour le site 2.

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7- Le 27 mars et malgré une observation prolongée, les deux sites sont vides ; les tichodromes sont repartis vers les hauteurs pour se reproduire en montagne.

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Le tichodrome en fin d'hivernage

8- Le mot  de la fin :

Cet hiver 2021-2022, deux tichodromes, une femelle et un mâle, étaient donc présents sur deux sites d’hivernage distincts de ce piémont pyrénéen proches l’un de l’autre et qui se ressemblent.

Chacun a gardé son territoire bien à lui!

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