Le Tichodrome échelette (Tichodroma muraria), en tenue hivernale.
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Les beaux jours sont là et la végétation a redémarré. La migration prénuptiale des grues est bientôt terminée. Les plus gros vols sont passés il y a un mois déjà, autour du 20 février comme chaque année ; j’ai entendu quelques retardataires trompeter la semaine dernière. Cependant et au moment où j’écris ces lignes, il a reneigé sur les Pyrénées : il est tombé une quarantaine de centimètres à 1 800 m, à la veille du printemps.
Cela ne va pas empêcher le tichodrome que je viens d’admirer sur son lieu d’hivernage dans une vallée des Pyrénées de repartir bientôt vers les hauteurs ; le moment est venu pour moi de regrouper mes observations.
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I- Quelques généralités sur le Tichodrome échelette
Ce bel oiseau minuscule et discret peut hiverner un peu partout en France et même très loin de son site de reproduction. Il effectue une migration altitudinale dans les vallées ou en plaine afin d’échapper aux conditions rudes de l’hiver montagnard et subvenir à ses besoins de nourriture.
Le Tichodrome en action de chasse, avec un insecte au bout du bec. Il explore méthodiquement toutes les fissures.
L’hiver dernier, j’ai eu le privilège de l’observer en pleine nature dans une vallée des Pyrénées, puis en haute altitude cet été. Cet hiver, je l’ai encore rencontré dans une vallée mais sur un site habité, objet de cette publication.
Je parle de lui toujours au singulier! Hors période de reproduction, c’est un oiseau solitaire.
Lors de sa migration postnuptiale courant décembre avec l’arrivée de la neige, il s’établit sur un biotope où il retrouve ses proies favorites constituées essentiellement de larves, insectes et araignées.
Il affectionne ainsi les falaises, les carrières abandonnées, les monuments anciens comme les vieux châteaux, les tours, les vieux ponts de pierre, les murailles, les barrages, etc. C’est un oiseau qui aime le patrimoine architectural ancien de notre belle France! Les fissures et les cavités sont autant de caches pour ses proies.
L’un de mes rares clichés de « proximité » de l’oiseau (pris à une douzaine de mètres).
Le Tichodrome est un lève-tard, du moins en hivernage ; la vedette de ma publication apparaît en fin de matinée pour se nourrir jusqu’en début d’après-midi, puis il disparait jusqu’au lendemain! La plage horaire va en moyenne de 11h00-11h30 à 14h30-15h00, avec quelques absences ponctuelles pour aller probablement prospecter d’autres zones de nourrissage. Il s’absente aussi pour aller boire. Son activité est très soutenue, mais il se consacre aussi à sa toilette.
Que fait-il du reste de son temps avant l’arrivée de la nuit? Je suppose qu’il se repose à l’abri des regards. Ses heures de visite correspondent aux heures les plus clémentes, propices à l’activité de ses insectes et araignées préférés.
D’après la littérature, il ne se poserait jamais au sol ou même sur un arbre. Cette remarque est à mon avis due au fait que les observations dans ces conditions-là sont rares car ce n’est pas là qu’il trouve sa nourriture. Rien ne l’empêche de le faire pour toute autre raison.
Il a la réputation d’être un couche-tôt. Pendant mes observations, je n’ai pas pu savoir où il passe ses nuits.
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II- Quelques instants de vie du Tichodrome échelette en photos
Je ne connais pas la date d’arrivée de ce Tichodrome sur son lieu d’hivernage dans le village. Ma première observation a eu lieu le 20 janvier 2021.
Les quatre couleurs du Tichodrome : gris, noir, rouge carmin et blanc.
Ces oiseaux sont peu farouches et ils vaquent tranquillement à leurs occupations. A vrai dire, ils semblent indifférents à ce qui se passe autour d’eux. Ils restent quand même sur le qui-vive, en surveillant ce qui se passe au-dessus de leur tête. A découvert, ils sont en effet une bonne cible pour un rapace qui passerait par là, comme l’épervier!
Cet oiseau est très remuant et nécessite un autofocus rapide pour le suivre dans ses déplacements. La vitesse d’obturation est primordiale aussi ; je conseille 1/1 250 sec.
Cette familiarité ne doit pas inciter à s’en approcher outre mesure. La proximité suggérée par mes photos est le résultat de l’utilisation d’une longue focale.
Est-ce un mâle? Une femelle? Impossible de la savoir pendant la période internuptiale, où les deux sexes ont le même plumage à dominance gris cendré (sauf peut-être pour un œil averti ?). J’aurai la réponse à l’arrivée du printemps.
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Ma toute première observation! A mon arrivée, il est tout là-haut, sous l’avant-toit.
L’avant-toit protégé est un endroit propice pour ses proies. Il y passe pas mal de temps.
C’est un excellent grimpeur. Ses longs doigts aux ongles acérés lui permettent de s’accrocher fermement.
Aujourd’hui, il y a du vent. Ses plumes légères sont ébouriffées.
Le grimpeur infatigable remonte la paroi en bondissant, aidé par ses battements d’ailes très rapides. Il tient un petit insecte tout au bout de son bec.
Il a repéré une proie dans cette cavité.
Il enfonce sa tête pour la saisir avec la pointe de son bec recourbé.
Gagné!
La mouche est au bout du bec.
Photo précédente agrandie – La mouche bouge encore.
Il la fait descendre dans la goulotte du bec tout en la pinçant, puis il l’avale.
Animation d’une action de chasse du Tichodrome.
13h05 – Arrêt momentané pour un brin de toilettage.
L’attitude typique du Tichodrome qui bondit vers le haut, le bec et la tête dans le prolongement du corps avec les ailes fermées.
Il ouvre régulièrement les ailes avec des battements très rapides et de faible amplitude ; il faut anticiper pour l’immortaliser dans cette position d’ailes semi-ouvertes. Cela ne dure qu’une fraction de seconde.
Il ne fouille pas les cavités en aveugle. Il repère d’abord sa proie avant d’aller la cueillir avec son bec courbe, capable d’aller dans les recoins.
Il a remonté toute la paroi et va un peu s’attarder sur la hauteur.
La plongée, pour reprendre la prospection un peu plus bas. L’oiseau se fond facilement dans le décor.
Il fait parfois une petite pause comme ici. Il va rester plusieurs minutes perdu dans ses pensées, en bougeant de temps en temps la tête dans toutes les directions.
Attiré par quelques insectes volants à proximité.
Au repos, son plumage à dominante gris cendré dissimule sa présence. En mouvement, les taches blanches et le rouge écarlate des plumes des ailes le trahissent.
Un éventail de plumes écarlates.
L’oiseau papillon.
Son bec fin mais robuste peut s’incruster dans la moindre fissure.
Cette mouche est de bonne taille pour lui! Pour éviter qu’elle ne lui échappe au moment de l’engloutir, il va au préalable l’assommer! J’ai observé cette scène à plusieurs reprises.
Pan!
Et, … re-pan! Tout va très vite, quelques dixièmes de seconde. Il faut anticiper sa réaction et photographier en mode rafale.
Comment le Tichodrome estourbit les proies trop « remuantes ».
Petit, mais trapu!
Infatigable, il remonte inlassablement! La majorité du temps passé dehors est occupé à la recherche de proies.
Encore une attitude que j’aime bien. Il observe probablement une proie volante.
Là aussi, son œil est attiré par quelque chose qui vole.
J’adore cette attitude, avec ses deux billes noires et rondes qui semblent me regarder.
Collé à la paroi!
Il n’a pas vraiment d’exposition privilégiée pour ses recherches. Les façades exposées au sud et à l’ouest sont propices aux insectes volants mais il prospecte aussi les autres, où il trouve des larves et araignées.
L’attitude de celui qui … est prêt à bondir!
Le saut en avant, ailes repliées. Il faut bien observer l’oiseau pour anticiper ces moments-là. Tout va très vite et la mise au point ne suit pas toujours.
Je ne m’en lasse pas. Le plus dur est d’arriver à sélectionner des photos non répétitives.
Vers le haut, …
…, tout en regardant ce qui se passe plus bas.
Le Tichodrome, on ne l’attache pas!
Les pattes tendues, la tête projetée en avant et l’œil vif ; prêt à bondir sur un insecte volant!
Encore collé à la façade.
Un insecte volant passe à proximité de son bec. Prêt à s’élancer mais finalement, il ne le fera pas.
Là, il l’a fait et il ne revient pas bredouille, …
…, au bout de son bec, une mouche, …
…, déjà engloutie. On réalise parfois le déroulé de la scène …, quand elle est terminée, en regardant ses clichés.
Un moment de réflexion, au sommet.
Arrivé au sommet, il peut s’attarder, ou bien …
… changer de façade, …
…, ou s’éloigner du lieu pendant un petit moment, peut-être pour aller boire.
Il peut aussi décider de redescendre, …
…, en plongeant comme çà, …
Ou en désescaladant comme çà. J’ai remarqué en visionnant mes photos que lors d’une même observation, il refaisait régulièrement les mêmes circuits, comme s’il mémorisait les spots propices. Cependant, ces circuits changent d’une journée à l’autre.
Il reprend l’ascension en partie basse de la paroi, …
…, et il y met du sien.
Il peut aussi ne redescendre que partiellement, comme s’il avait déjà mémorisé ce qui est le plus intéressant à prospecter.
Là, il me semble que je l’intéresse, bien qu’il soit un peu loin. Toujours ses « billes » rondes et noires qui me fascinent!
L’oiseau donne l’impression d’être en permanence captivé par sa quête de nourriture. Il reste néanmoins, je pense, toujours sur ses gardes, même « le dos tourné ».
Et c’est reparti pour un tour.
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III- Epilogue
J’ai maintenant résumé tout ce que j’ai pu apprendre en observant ce bel oiseau. Mais une question reste en suspens à l’arrivée du printemps, après avoir mis en ligne cette publication : est-ce un mâle? une femelle?
Nous sommes le 22 mars 2021 et je suis revenu sur le site : la mue prénuptiale est normalement avancée, ou elle est peut-être même déjà terminée. Dès mon arrivée, j’ai la réponse.
En plumage nuptial, le mâle change totalement d’apparence avec les joues, le menton, la gorge et le haut de la poitrine de couleur noir anthracite ; la couleur générale de son plumage en dehors de la queue et des ailes est d’un gris assez sombre.
Le changement d’apparence de la femelle après sa mue est plus discret. Ses joues et son menton, le haut de la poitrine restent respectivement blanc et grisâtre avec une tâche noire sur la gorge ; la couleur générale de son plumage en dehors de la queue et des ailes reste gris clair.
Pour les deux sexes, il peut y avoir des variabilités dans le plumage prénuptial d’un individu à l’autre.
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Mon tichodrome, bien qu’il n’ait peut-être pas fini de muer, annonce déjà la « couleur » :
Et … c’est encore reparti pour un tour – Ce sera ma dernière photo.
Bon vent à Madame!
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Encore présent sur le site le 26 mars sans avoir me semble-t-il complétement terminé sa mue, il est déjà reparti le 30 mars. Je m’y attendais, suite aux remontées de température depuis deux jours ; il fait 26°C sur place et la neige est en train de fondre rapidement en altitude.
Il n’a pas résisté à l’appel des cimes. Bien que son lieu de reproduction ne soit probablement pas bien éloigné, il peut faire son retour en altitude en plusieurs étapes, en s’adaptant à la disponibilité de ses proies favorites et aux conditions de météo et de fonte de la neige. Bizarrement, j’ai ressenti un vide.
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Si vous avez des témoignages sur la présence du Tichodrome échelette dans les Pyrénées à communiquer, que cela soit en haute altitude ou en période d’hivernage, vous pouvez me contacter par ma messagerie ou par l’intermédiaire des commentaires. Je vous renverrai vers une ornithologue qui en fait actuellement l’étude et pour qui vos informations seront précieuses.
Le Tichodrome est un oiseau passionnant à observer. Enigmatique, il a été peu étudié et il y a encore beaucoup à apprendre à son sujet. Parler de lui, c’est contribuer à sa préservation.
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