Un cerf Douze cors avec les biches en haute montagne, pendant le brame.
Sous cette belle lumière du soir de début septembre, la biche et son faon ont perçu un mouvement. Je m’immobilise et les observe : je suis rassuré, la harde des femelles est toujours là depuis le rut de l’an dernier.
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Après avoir abordé dans les précédents articles l’origine et la population du Cerf élaphe (Cervus elaphus) dans les Pyrénées suivi par le vocabulaire utile pour mieux le connaître, voici maintenant quelques informations sur son mode de vie. Je traiterai ensuite du brame, dans un dernier article.
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I- Le comportement du cerf élaphe
A l’approche de la nuit – Ces trois femelles m’ont repéré : leurs oreilles dressées à l’écoute, elles sont immobiles, leurs museaux tendus vers le même point. Elles restent longuement à m’observer jusqu’à ce que je passe sous le couvert. Elles vont alors disparaître furtivement, sans que je m’en aperçoive.
L’ouïe et surtout l’odorat du cerf élaphe sont très développés. Il peut détecter une odeur suspecte jusqu’à 300 m, avec vent favorable. Sa vue est meilleure que celle du chevreuil, mais en cas de parfaite immobilité, le cerf élaphe aura du mal à vous identifier ; j’ai pu le vérifier à plusieurs reprises.
Au crépuscule, fin septembre – Deux daguets (nés il y a environ 16 mois) en compagnie d’un faon de l’année (avec encore ses taches). Il est le petit frère (ou sœur) de l’un des deux. Les velours des daguets sont très petits, les dagues commencent juste à pousser: cela m’intrigue. D’après la littérature, cela pourrait être un signe de croissance défectueuse. Dans tous les cas, les daguets les plus précoces à avoir leurs dagues sont aussi ceux promus à un bel avenir du point de vue ramure.
Il a des habitudes essentiellement crépusculaires et nocturnes. En montagne, son cycle journalier est régulier : il quitte les fonds de vallée le matin pour monter vers des zones plus tranquilles où il se reposera toute la journée. Il redescend en soirée pour se nourrir et rejoindre les points d’eau où il se souille pour se débarrasser des parasites. La souille (flaque d’eau boueuse où l’animal se vautre) est fréquentée par les deux sexes en été et pendant les mues, par le mâle pendant le brame. Le Cerf élaphe (contrairement au chevreuil qui se contente souvent de la rosée du matin) a besoin de boire et la proximité d’un point d’eau est donc importante.
A l’approche de la nuit – Un joli mâle, à la sortie de la souille. Sa crinière (ou fanon) est mouillée. Il va passer un petit moment à s’ébrouer devant moi.
Il recherche sa nourriture à l’aube et au crépuscule. C’est un herbivore et un ruminant ; sa consommation quotidienne de végétaux est en moyenne de 10 à 15 kg. Elle est composée pour beaucoup d’herbes diverses auxquelles s’ajoutent des feuilles d’arbre et d’arbuste, des bourgeons, des rejets, des écorces, des bruyères, des fruits divers (glands, marrons et châtaignes en automne et en hiver). La variété de son alimentation est fonction de la diversité du territoire occupé.
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II- Les mœurs du cerf élaphe
Les premiers émois d’un cerf sur sa troisième année – Il n’aura pas l’occasion de conclure (chassé par le mâle dominant).
La maturité sexuelle est atteinte vers 18-24 mois chez le mâle; c’est aussi l’âge où il va quitter le noyau familial. Au brame suivant, sur sa troisième année (et jusqu’à 5-6 ans), il peut être actif mais non dominant, s’il y a de la concurrence. Il sera en effet confronté à bien plus fort que lui et il n’aura de descendance assurée que quand il sera en capacité de s’imposer.
Un soir d’été sur une crête – Une biche d’un certain âge, reconnaissable à son museau allongé.
Dans la brume en altitude, à la fin d’une journée un peu triste mais propice à l’approche de ces animaux attachants.
Cette maturité sexuelle est située entre dix-huit et trente mois chez la femelle, parfois plus. Elle a besoin d’un poids d’environ 60 kg pour une première reproduction. Elle n’est sexuellement réceptive qu’une seule journée dans l’année, à la période du brame. Elle donnera naissance en mai-juin à un seul faon par an après une gestation de huit mois environ (225 – 245 jours). La biche s’isole alors de la harde pour la mise bas dans une zone non enherbée, à l’abri du dérangement et la rejoindra à nouveau dès que le faon est capable de la suivre, environ 15 jours plus tard. Elle retrouve la bichette ou le daguet de l’année précédente.
Allaitement du faon, un soir de septembre en montagne.
A la naissance, le faon pèse de 6 à 9 kg environ (le mâle est plus lourd que la femelle) et sa croissance est rapide pour atteindre 45 à 60 kg à 6 mois. Il est sevré dès l’âge de 6 mois et l’allaitement peut encore durer jusqu’à 8-10 mois.
La maturité corporelle est atteinte vers 4-5 ans chez la biche (80 à 130 kg, pour 1,00 à 1,20 m au garrot) et vers 7-8 ans chez le cerf (130 à 250 kg, pour 1,20 à 1,45 m au garrot). Ces valeurs morphologiques différent sensiblement selon les sources consultées et c’est normal ; elle dépendent du biotope et il ne faut les retenir que comme un ordre d’idée.
Un mâle dominant avec une de ses biches, dans une estive fin septembre.
Je rappelle que le cerf élaphe pyrénéen, espèce réintroduite, s’est adapté à son environnement montagnard en étant plus petit, plus léger (jusqu’à 170 kg environ) et plus agile que celui de la plaine!
Un faon dans une estive, fin septembre. Les taches blanches sont encore bien présentes.
A la même période mais en altitude. Ce faon a déjà perdu sa livrée tachetée, son pelage a bientôt fini de muer.
Et ce faon-là (à droite et toujours à la même période), a perdu ses taches mais garde encore son pelage d’été.
La livrée brun clair du faon est tachetée de blanc à la naissance. Ces tâches disparaissent à partir du 4ème mois, à la mue d’automne. Pour information, la disposition de ces tâches sur les flancs sont disparates alors qu’elles sont alignées chez le faon de la chevrette (femelle du chevreuil). Mais le meilleur moyen pour les différencier, en dehors de la taille bien sûr, est que le faon du cerf élaphe a une queue, contrairement à celui de chevreuil.
Dans une forêt de conifères, au mois de mai – Une biche adulte, au milieu des arbres couchés par une tempête.
Quelques secondes plus tard, c’est au tour de sa fille de passer, devenue maintenant une bichette avec encore son poil d’hiver.
La couleur du pelage de l’espèce varie suivant les saisons et elle est plus foncée pour le mâle. L’espèce connait deux mues par an, un pelage d’été léger brun-roux (avril-mai), celui de l’hiver étant plus épais pour lutter contre le froid, gris-brun (octobre). Comme pour le chevreuil, la mue de printemps est très marquée.
Un cerf d’âge mûr.
Au-delà de huit ans, un cerf est considéré d’âge mûr. Il ne grandit pratiquement plus et tout l’apport alimentaire en minéraux d’ossification est entièrement disponible pour la repousse des bois (celle-ci arrive plus tardivement chez les jeunes). La croissance de la ramure s’accélère aussi. La couronne majestueuse portée par le « Roi de la forêt » devient d’année en année de plus en plus imposante.
Un autre mâle, lui aussi dans la force de l’âge.
Leur espérance de vie est d’une quinzaine d’années environ.
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III- La vie sociale du cerf élaphe
Ce sont des animaux grégaires. Hors période de reproduction, ils se répartissent en deux groupes de mâles et de femelles adultes qui vivent séparés la majeure partie de l’année. Ces deux groupes ont des territoires propres mais qui se chevauchent parfois. Les grands cerfs se tiennent vraiment à l’écart, dans des secteurs souvent bien plus lointains que ceux des femelles et autres mâles.
Les mâles choisissent leurs secteurs en privilégiant la discrétion et la tranquillité, les femelles d’après la qualité de la nourriture. Elles ne s’éloignent généralement pas du lieu où elles sont nées ; les mâles, eux, y reviennent pour le brame.
A l’approche de la nuit, mi-septembre. De gauche à droite, la biche, le faon et en arrière-plan, la bichette.
L’organisation sociale est matriarcale. Le noyau familial de base est constituée par la mère accompagnée de son faon. La jeune femelle de l’année précédente reste avec elle jusqu’à ses deux ans. Plus tard, elle restera à proximité directe de celle-ci et gardera des contacts avec sa mère la vie durant.
Une harde de plusieurs femelles adultes est généralement constituée d’individus apparentés. En effet, la jeune biche née deux ans 1/2 plus tôt et pouvant être elle-même suitée, s’associe assez souvent au trio de sa mère, formant alors une harde de quatre ou cinq animaux et ainsi de suite. C’est surtout pendant l’hiver que ces groupes familiaux se réunissent pour former une plus grande harde sous la vigilance de la vieille biche qui devient meneuse.
Dans une estive, fin septembre – Une biche adulte, son faon de l’année encore tacheté et en partie caché par la végétation qui me protège, son daguet.
Le jeune mâle, par contre, quitte sa mère vers l’âge de 18 à 24 mois, à l’approche de la mise bas de celle-ci. Il rejoint une harde de mâles déjà existante ou en fonde une nouvelle avec des mâles de son âge.
Un cerf adulte sur sa place de brame, en altitude. Devant lui, un groupe matriarcal constitué d’une biche, sa bichette et son faon.
Les mâles de deux ans et plus vivent donc aussi en hardes dont la cohésion varie au cours des saisons.
Fin août, les groupes se disloquent à l’approche du rut. La hiérarchie s’affirme et les grands mâles deviennent individualistes. Au début de l’automne, le cerf gagne la place de brame.
Après le rut (qui a lieu de la mi-septembre à la mi-octobre), les mâles quittent la place et retournent sur leurs quartiers de nourrissage où ils se regroupent à nouveau. Certains vieux mâles restent seuls et s’isolent.
L’instinct grégaire leur assure une meilleure protection contre les dangers. Leur territoire vital est grand et du jour au lendemain, ils reviennent rarement à couvert au même endroit pour se reposer.
Sur une estive au-dessus de la vallée de Campan, à la mi-janvier – Un groupe de plusieurs mâles détale devant moi : un six cors sur sa troisième année, suivi d’un daguet et en tête de la harde, …
… un autre six cors que j’ai vu trop tard ; il s’apprête lui aussi à détaler.
Ces hardes de mâles et de femelles ont des effectifs plus restreints sur nos contreforts pyrénéens qu’en plaine.
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IV- Bibliographie
Article rédigé à partir de mes photos personnelles, de mes observations de terrain et de sources internet déjà citées dans mes articles précédents.
Je recommande, pour une meilleure connaissance de l’animal, l’ouvrage très intéressant du Dr Ed. VARIN « Chevreuil Cerf et Sanglier », paru en 1980 aux Editions de l’Orée (2ème édition, revue et augmentée). Bon nombre des thèses s’en sont d’ailleurs inspiré.
Je vous propose aussi de consulter mes autres articles sur ce bel animal,
dans la catégorie « Cerf élaphe ».
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