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Le Bouquetin ibérique, dans la Sierra de Gredos

Bouquetin Gredos

Dans la Sierra de Gredos, mon premier bouquetin ibérique (7 mai 2018).

Bouquetin Gredos

Sierra de Gredos – Bouquetins mâles au repos sur une pelouse.

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Le Bouquetin ibérique (Capra pyrenaica) appelé aussi bouquetin d’Espagne est un beau mammifère auquel je m’intéresse depuis peu. J’ai fait sa connaissance dans la Sierra de Gredos. Il était absent de mon environnement pyrénéen mais les choses sont en train de changer, il revient parmi nous. 

J’aborde dans cette publication plusieurs sujets, qui sont dans dans l’ordre : les sous-espèces du Bouquetin ibérique, la présentation de la Sierra de Gredos (d’où sont issues toutes mes photos), puis la présentation, l’habitat, le régime alimentaire, la reproduction, la population et répartition du Bouquetin ibérique, pour terminer avec le retour du Bouquetin ibérique dans nos Pyrénées.

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I- Les sous-espèces du Bouquetin ibérique

Bouquetin Gredos

Capra pyrenaica victoriae dans la Sierra de Gredos – Trois mâles, d’âges variés.

Anciennement présent sur le versant français des Pyrénées, en Andorre, en Espagne et au Portugal, le bouquetin ibérique subsiste de nos jours en Espagne et au nord du Portugal. Il occupe des habitats très variés, tous caractérisés par la présence d’escarpements rocheux : depuis le bord de mer en Andalousie à moins de 200 m d’altitude, jusqu’aux plus hautes montagnes de la péninsule à plus de 3 000 m d’altitude (Sierra Nevada, Sierra de Gredos). Les différentes populations, aujourd’hui isolées, formaient par le passé un ensemble.

Il regroupe quatre sous-espèces, dont deux ont disparu : Capra pyrenaica lusitanica ou Bouquetin portugais, Capra pyrenaica pyrenaica ou Bouquetin des Pyrénées, Capra pyrenaica victoriae et Capra pyrenaica hispanica.

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1-1_ Le Bouquetin portugais, disparu

Le Bouquetin portugais (Capra pyrenaica lusitanica) avait des cornes différentes de toutes les autres sous-espèces ibériques, plus petites et presque deux fois plus larges. Il habitait les zones montagneuses du nord du Portugal, de la Galice, des Asturies et de la Cantabrie occidentale. Jusqu’en 1800, il était assez répandu mais son déclin a ensuite été rapide à mesure que la pression de la chasse augmentait. En 1870, il était devenu rare. Le dernier troupeau d’environ une douzaine d’animaux a été enregistré en 1886. Une vieille femelle a été capturée vivante en septembre 1889, mais n’a survécu que trois jours. Deux autres femelles ont été retrouvées mortes l’année suivante, victimes d’une avalanche en Galice.

Le dernier bouquetin portugais connu en Espagne est mort en 1890 et la dernière observation connue faite au Portugal était une femelle dans la Serra do Gerês en 1892.

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1-2_ Le Bouquetin des Pyrénées, disparu

Sur le versant espagnol des Pyrénées, un nombre restreint de Bouquetins des Pyrénées (Capra pyrenaica pyrenaica) survivait encore dans le parc national d’Ordesa y Monte Perdido, dont la création en 1918 devait justement les sauvegarder. Il en restait 50 en 1952, 20 en 1970 avec une dernière reproduction en 1987. Le dernier connu, une femelle nommée Celia, a été retrouvée morte le 6 janvier 2000, le crâne fracassé par la chute d’un arbre lors d’une violente tempête.

Sur le versant français, les deux derniers bouquetins des Pyrénées ont été abattus en 1910 près du lac de Gaube, au dessus de Cauterets. Chassés jusqu’à l’extinction!

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La population de Bouquetins dans la Péninsule ibérique aujourd’hui est constituée par les deux sous-espèces restantes, victoriae et hispanica. Cette population avait disparu de plusieurs régions et dans d’autres, elle avait diminué de manière conséquente. Le fait d’être une espèce unique au monde, endémique de la péninsule, en avait fait un grand gibier recherché pour le tir et le trophée. Un programme pour sa conservation est né en 1950 à l’échelle nationale, avec la création de nombreuses Réserves.

On différencie ces deux sous-espèces du Bouquetin ibérique par la couleur du pelage et la forme des cornes.

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1-3 _ Le Bouquetin ibérique Capra pyrenaica victoriae

C’est l’espèce de la Sierra de Gredos, le bouquetin le plus grand et présent sur toutes mes photos. Des spécimens ont été régulièrement prélevés à partir des années 90 pour être réintroduits ailleurs. C’est l’espèce sélectionnée pour la réintroduction dans nos Pyrénées à partir de 2014 et j’y reviens un peu plus loin.

C’est en partie la création en 1905 de la Réserve royale de chasse de la Sierra de Gredos par le roi Alfonso XIII qui a permis à l’Espagne de garder l’espèce en vie.

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1-4_ Le Bouquetin ibérique Capra pyrenaica hispanica

On le rencontre dans le Sud et l’Est de l’Espagne et j’y reviens aussi un peu plus loin pour sa population et sa distribution.

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II – Présentation de la Sierra de Gredos

La Sierra de Gredos est une chaîne de montagnes appartenant au système central, située entre les provinces de Salamanque, Cáceres, Ávila, Madrid et Tolède. Son altitude maximale se situe dans la province d’Ávila, avec le Pico Almanzor à 2 592 mètres d’altitude. La neige y est présente de décembre à mai.

J’y ai fait la rencontre de mes premiers bouquetins ibériques et de la fameuse Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica), un passereau très photogénique.

Sierra de Gredos

Lever du soleil sur les sommets culminants de la Sierra de Gredos (7 mai 2018) – De gauche à droite, El Pico Almanzor (2 592m, point culminant de la Sierra), El Ameal de Pablo (2 505m), la Galana ( 2 564m, au centre) avec à droite en arrière-plan El Riscos del Grute, puis El Canchal de la Galana (2 479m). Je n’ai pas identifié le sommet tout à droite.

Alphonse XIII d’Espagne y a créé en 1905 le refuge royal de chasse de la Sierra de Gredos afin de limiter la chasse au bouquetin dans la région et de sauver la population locale alors réduite. Aujourd’hui, le bouquetin ibérique y est toujours chassé, sous certaines restrictions.

Les principales espèces animales que l’on peut y rencontrer aujourd’hui sont donc le bouquetin ibérique (Capra pyrenaica), le chevreuil (Capreolus capreolus), la perdrix rouge (Alectoris rufa), l’aigle royal (Aquila chrysaetos), l’aigle impérial (Aquila adalberti), la bondrée apivore (Pernis apivorus), le vautour moine (Aegypius monachus) et le vautour fauve (Gyps fulvus).

Sierra de Gredos

Montée vers le cirque de Gredos – La neige est toujours présente en ce début de mois de mai. Tout à gauche, el Pico Almanzor! 

Sierra de Gredos

Sierra de Gredos

Bouquetin Gredos

Un jeune bouc.

Bouquetin Gredos

Le « terrain de jeu » des bouquetins – Rochers et pelouses dégagées de neige.

Une partie de la chaîne est déclarée  » Parc régional de la Sierra de Gredos « . C’est un espace naturel protégé qui couvre une superficie de 86 397 ha. Il est reconnu comme une destination idéale pour observer les étoiles par la  » Fondation Starlight « .

On y note la présence d’espèces menacées ou singulières, telles que le Desman ibérique (Galemys pyrenaicus rufulus), ou la Loutre (Lutra lutra).

Le Desman ibérique (Galemys pyrenaicus rufulus) est l’une des deux sous-espèces du Desman des Pyrénées Galemys pyrenaicus, l’autre étant Galemys pyrenaicus pyrenaicus, vivant exclusivement dans nos Pyrénées. Un projet de conservation du Desman ibérique mené en 2018 et 2019 par le ministère de l’Agriculture et de la Pêche, de l’Alimentation et de l’Environnement, a pour objet de mener des actions de préservation de l’habitat à la source des rivières Aravalle et Becedillas, deux affluents du fleuve Tormes, situées à l’ouest de la Sierra de Gredos.

La Plataforma de Gredos est le principal point d’accès au cœur du parc, à une altitude de 1 750 m, à la fin du route d’une longueur de 12 km partant du village de Hoyos del Espino et menant à un grand parking. Cette route a été construite dans les années 40, à la demande du dictateur Francisco Franco, dans le but de faciliter l’accès à son terrain de chasse.

Sierra de Gredos

Le cirque de Gredos depuis Las Barrerones (2 210m) – De gauche à droite, Los Tres Hermanitos (avec à ses pieds, la « Laguna Grande »), El Casquerazo, la Portilla de los Machos, el Cuchillar de las Navajas, el pico Almanzor, el Ameal de Pablo, la Galana et el Risco del Grute en partie caché. 

Sierra de Gredos

« Circo de Gredos » – Extrait de la carte Google Earth, annotée.

Il existe un itinéraire qui mène au centre du cirque glaciaire de Gredos, très fréquenté en été par les touristes et les alpinistes. C’est celui que j’ai emprunté début mai dernier pour photographier les bouquetins. Le sentier commence à la Plataforma de Gredos (1 750 m) et commence à monter vers le sud-ouest pour atteindre les Barrerones (2 210 m). De là, le sentier descend au sud jusqu’à la Laguna Grande et le refuge Elola. La distance aller est d’environ 6,4 km. C’est l’un des endroits les plus importants du parc régional. Ce cirque glaciaire est le plus étendu de tout le système central, avec une superficie d’environ 33 ha.

Sierra de Gredos

À l’est du cirque se trouve le pic Almanzor, le plus haut de la chaîne de montagnes avec ses 2 592 mètres d’altitude. Dans la partie inférieure du cirque, et donc au nord-est de celui-ci, se trouve la « Laguna Grande« , également d’origine glaciaire, à une altitude de 1 940 m. Elle est aujourd’hui gelée et recouverte de neige. À côté de cette lagune se trouve le refuge Elola, très fréquenté par les alpinistes qui montent au sommet de l’Almanzor.

Sierra de Gredos

Le Cirque de Gredos se trouve dans le bassin hydrographique de la rivière Tormes, un affluent du Duero – cliché pris depuis los Barrerones (2 210 m).

Sierra de Gredos

Ma seule rencontre du jour, un couple d’Espagnols de la région. Le monsieur a gravi la plupart des plus hauts sommets de nos Pyrénées françaises.

Je n’aime plus trop me promener seul en montagne à l’étranger, surtout dans la neige quand je ne connais pas les lieux et nous avons terminé la montée ensemble. Je me suis attardé pour prendre des photos et ils sont redescendus en premier. Et ce que je redoute parfois est arrivé devant moi. Avant ce cliché, le monsieur est passé au travers du manteau neigeux printanier gelé et avait du mal à en ressortir. Heureusement, il s’est dégagé sans conséquence avant mon arrivée.

Tout le long de l’itinéraire, outre les bouquetins ibériques, j’aurai l’occasion de rencontrer, autant durant la montée que lors du retour, de nombreux passereaux. Par moments, ils s’envolent carrément à mes pieds, des moments très sympas.

Trois jours plus tôt, j’avais rencontré en Estrémadure un ornithologue allemand spécialisé dans la prises de photos d’oiseaux pour des guides naturalistes. Il m’avait raconté ces moments qu’il avait lui-même vécus et j’avoue que j’avais été d’abord un peu réticent à le croire. C’est un peu sous son incitation que j’ai choisi cette destination pour essayer de trouver à l’origine, non pas le bouquetin ibérique mais, la Gorgebleue! Et j’ai été comblé, en photographiant les deux : sentiment de plénitude en redescendant vers la voiture! Les passereaux rencontrés feront l’objet du prochain article, celui-là est déjà bien conséquent.

Bouquetin Gredos

Mon dernier cliché de cette sortie, que j’aime bien. Pendant que la harde s’éloigne le long d’un chemin cairné, ce sujet se retourne pour m’observer, avant de s’éloigner à son tour. Un échange de regards bien sympa.

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III- Présentation du Bouquetin ibérique

Le Bouquetin ibérique a une allure générale de chèvre mais il est beaucoup plus massif. Le mâle s’appelle le bouc, la femelle l’étagne et le jeune, le cabri.

Bouquetin Gredos

Un vieux bouc.

Bouquetin Gredos

Jeune mâle.

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Jeune mâle.

Trapucampé sur des pattes robustes munies de sabots incroyablement adhérents à la roche, il ignore le vertige. Il saute à travers des murs presque verticaux ou même de la glace. Timide et calme, il a un bon sens de l’odorat et une bonne ouïe.  

Bouquetin Gredos

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Hardes de mâles, d’âges variés.

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Femelles (étagnes) et cabris, sur une pelouse à basse altitude. Les mâles (boucs) sont plus haut, au milieu des névés.

Très grégaire, il vit en harde avec d’une part les mâles adultes, de l’autre les femelles et leurs petits de l’année ainsi que les sujets âgés de trois ans au plus. Bien qu’il ne migre pas, le mâle peut faire de longs voyages erratiques pendant l’hiver.

Bouquetin Gredos

Une étagne, reconnaissable à sa robe à dominante marron et à ses courtes cornes, presque droites.

Bouquetin Gredos

Un jeune bouc, reconnaissable à ses cornes développées et à sa barbe naissante.

Bouquetin Gredos

Un bouc plus âgé.

Bouquetin Gredos

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Deux boucs d’un âge très vénérable.

Le pelage varie en épaisseur et couleur selon les saisons, devenant plus clair et plus court en été. Il noircit au fil des ans au niveau des extrémités, du cou, du ventre et du dos chez le bouc. Il est à dominante marron chez la femelle. Le mâle porte une petite barbe drue sous le menton.

Bouquetin Gredos

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Bouquetin Gredos

Bouquetin Gredos

Quelques cornes remarquables portées par des sujets d’un âge avancé.

Ses cornes lui donnent une silhouette caractéristique. Il en porte très tôt et celles-ci ne tombent pas. Elles croissent durant toute la vie de l’individu mais surtout avant 7 ans. La croissance est annuelle sur la base de cernes. Elles peuvent atteindre 90 cm chez le mâle adulte.

Leur forme est très variable, le plus souvent torsadée en lyre et finement annelées, incurvées vers l’arrière et dont les extrémités sont dirigées vers le haut et l’extérieur. Les bourrelets sont peu marqués. Ces attributs assurent la suprématie sexuelle chez les mâles qui s’affrontent en de spectaculaires et sonores combats lors de la période de rut.

Bouquetin Gredos

Une étagne.

La femelle (étagne) possède des cornes plus modestes, plus droites et ne dépassant pas les 25 cm. Un net dimorphisme sexuel est présent chez cette espèce, les mâles mesurant près de 85 cm au garrot pour 60-90 kg, contre 70 cm et 30-45 kg pour les femelles. Ces données varient légèrement selon les sources consultées.

Il évolue indifféremment de jour comme de nuit, même si ses heures d’activité maximales sont localisées le matin et en fin d’après-midi, vers le crépuscule. En hiver, il s’active pendant les heures centrales de la journée, quand il fait plus chaud.

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IV- L’habitat du Bouquetin ibérique

Le rocher est l’habitat principal du bouquetin, qui affectionne les milieux escarpés aux falaises et vires nombreuses, plutôt orientés au sud et rapidement déneigés à proximité de pelouses. Il s’adapte très bien à des altitudes et des climats très différents.

Bouquetin Gredos

Bouquetin Gredos

Bouquetin Gredos

Toujours des mâles.

Il préfère les milieux ouverts, et fréquente peu la forêt. Il a besoin de vastes étendues même si les femelles se contentent d’un espace plus réduit que celui des mâles.

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Une harde de mâles d’âges variés à basse altitude, où l’herbe a déjà bien verdi.

Bouquetin Gredos

Un mâle solitaire en altitude, en train de se frotter les cornes au milieu de petites jonquilles qui fleurissent par milliers.

Ce besoin d’espace varie fortement en fonction des ressources alimentaires et des saisons. L’hiver et la neige repoussent les animaux vers le bas des versants tandis qu’en été, ils sont attirés par la fraîcheur et la qualité de la végétation près des crêtes.

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V- Le régime alimentaire du Bouquetin ibérique

Le Bouquetin ibérique s’alimente de végétaux, consommant de préférence des graminées à la belle saison, des ligneux en automne et en hiver, voire des lichens et des mousses lorsque les conditions deviennent trop rudes.

Bouquetin Gredos

Bouquetin Gredos

Son régime alimentaire est plus éclectique et diversifié que celui de notre Isard. Vivant dans les rochers, il n’occasionne de dégâts ni aux forêts ni aux pâtures.

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VI- La reproduction du Bouquetin ibérique

C’est une espèce polygame. Le rut induit souvent de grands déplacements chez les mâles. La période des chaleurs pour les femelles se situe entre novembre et janvier.

Bouquetin Gredos

Bouquetin Gredos

Bouquetin Gredos

Affrontements de jeunes mâles.

Les mâles se comportent de manière agressive les uns envers les autres et se livrent à de violents combats pour les femelles. Ils se lèvent sur leurs pattes de derrière et se cognent les cornes lorsqu’ils retombent. Le vainqueur se fait alors un petit harem qu’il abandonne après les accouplements.

Bouquetin Gredos

Une mère (en haut à gauche), entourée de plusieurs cabris.

La gestation dure environ 5 mois et les naissances ont lieu entre avril et juin, un ou deux cabris allaité(s) jusqu’à l’âge de six mois. La mise-bas s’effectue de préférence dans un endroit inaccessible aux prédateurs. Le jeune reste pendant presque 2 ans avec sa mère (âge où il atteint sa maturité sexuelle), formant ainsi avec d’autres mères des petites hardes de 10-20 individus.

Bouquetin Gredos

Un regroupement de jeunes mâles.

A l’âge de 3 ans, les jeunes mâles forment des groupes indépendants, qui perdurent au cours du temps. Les bouquetins ont une longévité moyenne de 12-15 ans et peuvent vivre jusqu’à 20 ans.

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VII- La population et la répartition du Bouquetin ibérique

7-1_ Population du Bouquetin en Espagne

En 1990, la population était estimée à 7 900 individus (dont près de la moitié à Gredos) mais ce chiffre a été plus tard remis en cause, trop sous-estimé. Dans une étude complète sur le Bouquetin ibérique parue en Espagne en 2012, quelques 50 000 individus sont distribués dans la péninsule ibérique en plus de 27 noyaux dont les plus importants sont : Sierra Nevada (16 000), Gredos (8 000), Maestrazgo (7 000), Ronda et Grazalema (4 000), Cazorla (2 500), Tejeda et Almijara (2 500), Antequera (2 000), Sierra Morena (2 000) et Muela de Cortés (1 500) ; ces chiffres proviennent d’études antérieures effectuées en 1997 et 2002, études effectuées pour revoir les estimations de la population faites en 1990. A la date de cette publication, je n’ai pas trouvé de recensement plus récent.

En juin 2017, on signale que la population a augmenté de façon exponentielle dans la Sierra de Guadarrama depuis la réintroduction de l’espèce en 1990. Elle est de 4 000 alors qu’il ne faudrait pas qu’elle dépasse idéalement 1 300. La question du surpeuplement de ce noyau de population avec les risques qu’elle génère est devenue préoccupante : le repeuplement d’autres zones par prélèvement d’individus est une des méthodes adoptées, entre autres, pour en limiter le nombre.

7-2_ Répartition du Bouquetin en Espagne et au Portugal

La sous-espèce Capra pyrenaica hispanica, la plus répandue, est présente dans les zones montagneuses près de la Méditerranée, la population principale étant dans la Sierra Nevada. On la trouve dans les puertos de Tortosa – Beceite (Catalogne), Maestrazgo (Teruel y Castellón), les Sierras de Cuenca, Muela de Cortés (Valence), la Sierra de Alcaraz, les Sierras de Cazorla y Segura (province de Jaén), la Sierra Madrona, la Serria Nevada (Grenade), la Sierra de Lújar, la Sierra de la Contraviesa, les Sierras de Tejeda y Almijara (Almería), la Serranía de Ronda (province de Cadix), la Sierra de las Nieves, Serranía de Cuenca (province de Cuenca) et la Sierra de Grazalema.

La sous-espèce Capra pyrenaica victoriae est présente originellement dans la Sierra de Gredos (entre les provinces de Cáceres et d’Ávila). Elle a été réintroduite dans la Sierra de Guadarrama et également à Las Batuecas (Sierra de Francia, au sud de Salamanque), la Réserve nationale de chasse de Riaño (province de Léon), en Galice, etc. Certains spécimens galiciens présents à proximité de la frontière avec le Portugal, l’ont traversée pour développer une nouvelle population dans le parc national de Peneda-Gerêz, précisément dans la région où avaient disparu les derniers représentants de la sous-espèce lusitanica. En 2014, cette population hispano-portugaise connaît un bon développement démographique et compte plusieurs dizaines d’individus.

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VIII- Le retour du Bouquetin ibérique dans nos Pyrénées

Ce mois d’avril 2019, le Bouquetin ibérique est mis en avant dans notre actualité régionale béarnaise.

Le jeudi 11,  il y avait en effet du monde sur la commune d’Accous, dans la Vallée d’Aspe. Tous sont venus assister à un grand moment : le lâcher au lieu-dit Aoulet de sept bouquetins ibériques originaires du parc national de la Sierra de Guadarrama en Espagne, le premier pas vers la création d’un nouveau noyau dans les Pyrénées françaises. Ils s’appellent Babeth, Batman, Hardy, Franky, Lazagne, Caramel et Espoir. Les jeunes générations sont impliquées dans la démarche et les enfants des établissements scolaires des environs ont été invités à donner un petit nom aux nouveaux arrivants. Ils sont aussi invités à assister aux lâchers des animaux. Hélas, je n’ai pu être présent à cet événement.

Ce premier lâcher en Haut-Béarn marque le retour historique de ces ongulés emblématiques en terres béarnaises, depuis leur disparition il y a plus d’un siècle.

A la date de la publication de cet article (avril 2019), il était initialement prévu que « d’ici 2020, ce sont 75 bouquetins qui devraient être réintroduits au total dans cette région des Pyrénées, dont 26 avant la fin de l’été. Le projet de réintroduction dans le Haut-Béarn devrait s’articuler autour de trois lâchers en vallée d’Aspe et trois autres en vallée d’Ossau où le bouquetin pointera en principe le bout de ses cornes en 2020 ».

Dans la réalité, il en sera autrement. Le 18 septembre 2020, les derniers des 39 bouquetins effectivement réintroduits en vallée d’Aspe en 5 lâchers découvrent leur nouvelle terre d’aventures. Les lâchers prévus dans la vallée d’Ossau dès 2020 n’ont pas eu de suite concrète.

Le village d'Accous en vallée d'Aspe, sous les étoiles

Le village d’Accous en vallée d’Aspe, sous les étoiles (cliché de 2015). En arrière-plan, la colline du Pouey et son oeuvre éphémère délimitée par la fougère fauchée, puis le cirque d’Accous où les bouquetins ont été relâchés. Avec de gauche à droite, le Pic de Bergon (2 068m), le pic de La Marère (2 221m). Au fond, le col d’Iseye, puis le Ronglet (2 180m). 

On peut remarquer sur la colline du Pouey dominant le village d’Accous les réalisations du graphiste et dessinateur Thierry Fresneau. Depuis juin 2007, il crée chaque année un visuel intégré dans le paysage. Ses œuvres délivrent des messages ou incitent à réfléchir. Sur la photo ci-dessus pour l’année 2015/2016, l’ours est là selon lui pour interroger touristes et habitants sur « leur lien avec la nature, avec l’animal, et avec ce qui les fait vivre aussi ». L’année 2019/2020 est l’année du Renard. Peut-être un jour aurons-nous l’année du bouquetin et son message?

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Le programme de réintroduction de l’espèce dans les Pyrénées françaises a en fait débuté en 2014. Après de longs pourparlers entre la France et l’Espagne, la décision de réintroduire le bouquetin dans les Pyrénées a été prise par les gouvernements concernés (français, andorran et espagnol) en avril 2014. Les critères de réintroduction (forte variabilité génétique, enjeu sanitaire avec absence de gale sarcoptique) a conduit à la décision d’un mixage des noyaux fondateurs réintroduits, basés sur une double provenance à partir des populations des secteurs de la Sierra de Guadarrama et de Gredos, toutes les deux venant de la sous-espèce victoriae.

Au cours de l’été de la même année, 37 individus (Capra pyrenaica victoriae) en provenance de la Sierra de Guadarrama ont été lâchés : 15 dans le Parc National des Pyrénées (Péguère-Ardiden, commune de Cauterets, Hautes-Pyrénées) et 22 dans dans le Parc naturel régional des Pyrénées ariégeoises (cirque de Cagateille, commune d’Ustou). La population de Guadarrama est celle qui paraît la plus facilement adaptable au milieu pyrénéen du fait d’une similitude climatique avec un climat enneigé et froid.

Les premières naissances côté français sont enregistrées dès le printemps 2015 (trois dont une issue d’une reproduction pyrénéenne et 2 du lâcher en avril 2015 de femelles gestantes). En 2016, c’est sur la commune de Gèdre, dans la vallée de Luz/Gavarnie, que les lâchers ont été effectués par la Parc national des Pyrénées. L’objectif est de renforcer le noyau initial et d’étendre le territoire. Chaque bête est équipée de boucles auriculaires (et certaines ont en plus un collier GPS) qui permettent de les identifier et de les suivre, afin de les étudier.

D’autres réintroductions ont eu lieu par la suite dans ces deux départements ; on compte à ce jour (avril 2019) 95 individus lâchés (39 mâles/56 femelles) dans le parc naturel des Pyrénées ariégeoises et 109 (45 mâles/64 femelles) dans les Hautes-Pyrénées (source : https://www.bouquetin-pyrenees.fr/chronologie-des-lachers). La population de 140 individus qui évoluent aujourd’hui sur le territoire du Parc national des Pyrénées, et les dernières saisons de reproduction fructueuses (49 cabris en 3 ans) sont des signes encourageants pour un retour pérenne de cette espèce sauvage emblématique. Deux d’entre eux, des mâles nommés Arfi et Rico, ont déjà été vus en exploration dans le Haut-Béarn en 2016. Pour 2018, 28 cabris ont été découverts dans les Pyrénées, 13 dans le Parc naturel régional des Pyrénées Ariégeoises et 15 dans le Parc national des Pyrénées. Ces chiffres sont des minima puisque toutes les femelles n’ont pas pu être observées cette année.

Selon certains experts, une population est cependant estimée viable lorsque elle atteint deux cent individus environ. L’objectif du projet dans le Parc national des Pyrénées est maintenant de réaliser une implantation durable de deux noyaux de population en vallée d’Aspe et en vallée d’Ossau (abandonné) capables de se développer et de se connecter à terme avec les noyaux déjà existants en vallées de Luz et de Cauterets. L’expérience montre que les animaux sont fidèles aux sites de lâcher pour la grande majorité des individus.

Parfois confondu avec son cousin le Bouquetin des Alpes (Capra ibex), le Bouquetin ibérique est toutefois une espèce à part, avec des caractéristiques qui lui sont propres. La première de toutes, celle qui permet de distinguer à coup sûr un ibérique d’un bouquetin alpin, ce sont la forme des cornes. Chez Capra pyrenaica, elles forment en effet une torsade, tandis que chez Capra ibex, elles sont en courbe linéaire. L’Ibérique est aussi plus petit que son cousin alpin.

Bouquetin Gredos

« Restaurer le bouquetin constitue un acte de réparation des pertes causées par l’homme sur le patrimoine naturel durant les temps historiques. Préalablement à toute réintroduction, la condition exigeant que soit éliminée la cause principale de sa disparition est aujourd’hui remplie grâce au statut de protection d’espèce protégée du bouquetin ibérique (arrêté du 15 septembre 2012) qui interdit de fait la chasse au bouquetin sur le versant français ».

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IX- Bibliographie

Article rédigé le 19 avril 2019, à partir de mes photos personnelles, de constations faites sur le terrain et de publications sur lesquelles je me suis appuyé et dont je cite les liens principaux :

_ https://es.wikipedia.org/wiki/Capra_pyrenaica

_ https://es.wikipedia.org/wiki/Sierra_de_Gredos

_ https://www.bouquetin-pyrenees.fr

_ http://www.pyrenees-parcnational.fr/fr/des-connaissances/le-patrimoine-naturel/faune/bouquetin-iberique

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