Portrait de famille de cerfs élaphes.
Nous sommes le 15 octobre 2021! Le fameux brame est normalement terminé. Aujourd’hui pourtant, j’aurai l’occasion d’observer le comportement d’un groupe de biches et cerfs, pour lesquels la « fête » est toujours en cours! Seul, je savoure ces moments-là, qu’aucun évènement extérieur ne viendra perturber.
La météo n’est pas terrible et les belles lumières habituelles d’un soir d’automne ne sont pas au rendez-vous. Mon spectacle commence à 18h00 pétantes, avec la sortie d’un jeune cerf de la forêt pour se rendre à la souille, dans ce petit vallon pyrénéen au-delà de 1 700 m d’altitude. Toutes les images qui vont suivre sont prises au téléobjectif sans recadrage et montrées dans l’ordre des prises de vue.
Il s’approche à petit pas d’un trou creusé par les animaux dans ce bas-fond humide.
C’est un Huit cors à enfourchures. Il passe sa langue sur les narines pour recueillir les effluves des précédents visiteurs.
Il commence d’abord par boire, …
…, puis il relève la tête dans ma direction. Les gouttes d’eau retombent de sa bouche.
Désaltéré, il se met alors à gratter furieusement la flaque d’eau avec ses pattes avant, …
…, puis il laboure la boue avec ses bois.
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Comme ce Huit cors ne montre pas de signes de vouloir se vautrer dans la boue, je continue de prospecter le vallon du regard. Au-dessus, j’aperçois deux autres cerfs ; un cerf à pointes et l’autre à enfourchures.
Le cerf à pointes est sur sa troisième année. Il a un andouiller d’œil et l’autre n’est qu’une ébauche. Après avoir arraché de l’herbe avec ses bois, il est venu se camper devant son congénère, plus âgé. Ils se défient ensuite longuement du regard, les oreilles en arrière, ce qui n’est pas bon signe.
Le cerf le plus âgé, un Huit cors sans surandouillers aux bois de longueurs différentes, ne bronche pas. Le jeune finit par éviter son regard.
Les bois vont se toucher brièvement, sans suite. En l’absence de compétition, il n’y a pas vraiment de combat.
Au bout d’un moment, l’ambiance va se détendre en regardant ailleurs.
Puis, ils vont finir par se séparer ; le plus jeune abandonne. C’est l’occasion pour moi de me rendre compte qu’il a en fait cassé son 2ème andouiller d’œil ; ce n’était pas une ébauche. Un belliqueux, semble-t-il!
Le Huit cors qui toisait le « jeune » cède à son tour la place au Huit cors régulier qui remonte de la souille. Une hiérarchie s’installe.
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Un peu plus bas, il y a du monde aussi ; deux cerfs à pointes, un Six cors et un Huit cors un peu plus haut, qui se repose. Nous en sommes à cinq cerfs. Le faon fait partie de la harde de biches, qui est hors de ma vue dans une contre-pente (une tête émerge à droite).
Un deuxième groupe de biches avec leurs faons se tient légèrement à l’écart. Elles sont sans doute déjà fécondées car le maître de la place n’ira à aucun moment les importuner.
Un daguet se tient lui aussi bien à l’écart, seul, …
…, ainsi que cette bichette.
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On va faire enfin connaissance avec un sixième cerf, le dominant de la place de brame. C’est un grand Huit cors. Il est en compagnie de biches dont certaines attendent encore leurs chaleurs, dans la contre-pente.
L’une des biches surgit de la contre-pente, importunée par le Six cors. Le grand Huit cors se rapproche (le cerf en arrière-plan restera toujours à l’écart, observateur imperturbable), …
… ; il s’interpose entre la biche et son poursuivant. Ce dernier s’arrête net ; il a compris.
Le dominant pousse un raire d’avertissement, …
…, puis il fait face au prétendant, qui ne va pas insister. Il n’y aura pas de combat ; les forces en présence sont trop inégales. La biche importunée a repris ses occupations.
Le chef de la place pousse un raire de victoire, tandis que l’autre s’éloigne tête basse. Son autorité, bien qu’elle commence à être contestée, impressionne encore.
Le Six cors va tourner le dos au chef de la place et continuer à brouter dans la contre-pente. Il n’a pas été considéré comme un concurrent sérieux : c’était un simple avertissement. Après l’avoir surveillé dans son dos, le grand mâle va finir par l’ignorer tout en gardant l’œil sur ses biches.
Les deux cerfs se surveillent encore, les oreilles en arrière.
Les autres biches apparaissent à leur tour en remontant la contre-pente.
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Le Huit cors de la souille s’est approché de la biche précédemment importunée et qui attend ses chaleurs ; il hume l’air, intéressé.
Le dominant remonte la pente vers lui. La concurrence lui semble sérieuse. Il est en colère, les oreilles couchées vers l’arrière et ses yeux commencent à se révulser.
Le prétendant ne se démonte pas et fait face.
La tension monte! Je ne vois plus que le blanc de l’œil du dominant. La biche qui était importunée reste impassible. Elles sont généralement indifférentes aux problèmes des mâles dans ces moments-là. Les faons sont parfois inquiets pour eux-mêmes devant ces démonstrations de force. Il arrive aussi que le cerf en rut les poursuive brièvement pour les éloigner de leur mère.
Le prétendant accepte le combat.
Hors de ma vue dans la contre-pente, le combat sera bref ; le prétendant ne fait pas encore le poids et recule sous la charge du dominant.
Il abandonne. A gauche, le Huit cors qui était couché dans l’herbe dans la contre-pente et que j’avais oublié s’enfuit lui aussi, bousculé par le combat. Le dominant savoure bruyamment sa victoire, devant la biche importunée et deux faons captivés par la scène.
Le prétendant détale! Il y en a un qui n’a rien perdu de la scène, le jeune Huit cors couché dans l’herbe!
Le dominant se rapproche de la biche qui attend ses chaleurs.
C’est probablement pour bientôt et pour lui. Il humidifie ses narines avec sa langue pour profiter au mieux des effluves.
Son concurrent, le seul qui sous mes yeux aura osé le braver, s’éloigne!
Le dominant retourne à sa préoccupation principale du moment, déterminer si la biche est prête. C’est elle et elle-seule qui le décidera!
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Du côté de la souille, dans ce décor que j’aime bien, il y a à nouveau un peu d’activité.
Le Huit cors aux bois de longueurs inégales est revenu, mais il ne s’arrête pas.
Il est suivi par le vaincu du combat avec le dominant, qui le repousse devant lui.
Le vaincu va s’arrêter un moment pour boire dans la souille, puis ils vont tous les deux disparaître dans le sous-bois, à la suite l’un de l’autre. Je n’arriverai pas à faire la mise au point sur mon téléobjectif pour en garder le souvenir ; il n’y a plus suffisamment de lumière.
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Le jeune Huit cors resté à l’écart jusqu’à présent, entre maintenant en scène. Imperturbable, il n’a rien perdu des mouvements du dominant. Après avoir baillé à se décrocher la mâchoire, il se relève.
Il se met à brouter à proximité des biches.
Il se rapproche de celle qui ne va pas tarder à être en chaleur et attend, immobile, une réaction éventuelle du dominant. Ce dernier a quand même pris un peu de son temps pour brouter, … ou faire semblant.
Il se rapproche encore, … Le dominant feint de l’ignorer, ses oreilles en alerte!
Il se fige à nouveau derrière lui et attend une réaction, qui ne vient pas.
La scène va durer un petit moment. Il finit par abandonner car le dominant ne quitte pas la proximité de la biche convoitée. Il continue son chemin en remontant la pente vers les autres cerfs restés à proximité.
Il y retrouve le cerf à pointes belliqueux qui a cassé son andouiller d’œil. Il est en train de provoquer un nouveau cerf, le septième dans l’ordre des apparitions (sans le daguet).
Le cerf que le « belliqueux » provoque est un Huit cors irrégulier sans surandouillers, avec une pointe et une enfourchure. Il a déjà une bonne corpulence. C’est à penser qu’ils cherchent à établir une hiérarchie entre eux!
Le plus jeune fait mine de détourner le regard ; cela fait partie de la mise en scène de sa provocation.
Le face à face continue ; les regards se rapprochent. Le Huit cors, en dessous, observe la scène.
Le Huit cors finit par redescendre. Le jeune belliqueux continue à maintenir sa posture agressive, surplombé maintenant par l’autre mâle qui semble maintenir que de l’intérêt, sans plus. Je me lasse moi aussi, car ce tête à tête de provocation va durer longtemps, sans qu’aucun des deux ne débloque la situation.
En contrebas, le dominant a regroupé sa harde de biches. Il prévient le cerf qui redescend de ne pas s’approcher.
Ses avances auprès de la biche bientôt prête reprennent.
L’intention est lourde, …
…, même très lourde, …
…, mais la biche ne se laisse pas faire. Je l’ai dit, c’est elle qui décide! Elle fait demi-tour devant le Huit cors, qui lui barrait la route.
A ce jour, je n’ai encore jamais assisté à ce moment particulier de la saillie et j’y ai cru! Mais non, c’est peut-être le jour, mais pas encore l’heure.
« Alors, tu m’en veux? ». Je crois, bien que nous soyons déjà le 15 octobre, que la nuit sera « chaude ».
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Mon reportage en images s’arrête là. Je ne verrai pas le moment de la saillie, que je pensais proche. Ce spectacle se passe souvent la nuit. Aucun cerf ne va à nouveau s’approcher du dominant en espérant un moment d’inattention de celui-ci, jusqu’à mon départ.
En fin de brame, le cerf dominant qui ne s’alimente pas ou peu, a perdu beaucoup de poids. Il dépense beaucoup d’énergie après ses biches et il se fatigue. Il arrive même qu’il soit remplacé en cours de brame par un compétiteur qui, lui, n’aura rien perdu de ses moyens et qui est capable de le défier.
Tous ces cerfs plus jeunes qui tournent autour de la place de brame en attendant le moment opportun pour tenter leur chance, s’appellent des cerfs satellites.
Aujourd’hui, le cerf dominant était un grand Huit cors à enfourchures et les cerfs satellites étaient au nombre de six avec, dans l’ordre d’apparition sur mes images : un autre grand Huit cors à enfourchures capable de provoquer le dominant, un Quatre cors à pointes belliqueux sur sa troisième année avec un andouiller d’œil cassé, un Huit cors à enfourchures aux bois de longueurs différentes (dont un très court), un Six cors à pointes, un Huit cors à pointes prometteur, un Huit cors irrégulier avec une pointe et une enfourchure. Aucun d’entre eux n’a poussé de raire en ma présence. Un daguet est resté seul, bien à l’écart des cerfs et des biches. J’ai eu des difficultés à comptabiliser ces dernières et leurs faons, à cause de la présence d’une contre-pente qui occultait parfois les animaux.
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