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La Grenouille rousse, dans les Pyrénées

Grenouille rousse dans les Pyrénées

Début juin au lac Det Mail (2 335 m) environné de neige, dans les Hautes-Pyrénées. Cette Grenouille rousse évolue dans une vasque creusée dans un rocher, à proximité du ruisseau déversoir du lac.
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I- Description de la Grenouille rousse

La Grenouille rousse (Rana temporiara) est un batracien de grande taille et la femelle est plus grosse que le mâle. Elle mesure (du museau jusqu’au cloaque) de 50 à 65 mm en plaine et un peu plus en altitude, 70 à 80 mm chez le mâle et 75 à 85 mm chez la femelle (maximum 100 mm). Chez les vieux sujets, le museau est fortement arrondi et la silhouette est très massive : un observateur non averti pourrait la confondre dans certains cas avec un crapaud.

Grenouille rousse dans les Pyrénées

Début juillet au lac d’Anayet en Aragon (2 230 m).

Grenouille rousse dans les Pyrénées

Début août, au-dessus du lac de Gaube (1 725 m). Cette énorme Grenouille rousse (aussi grosse qu’un crapaud) aux couleurs chatoyantes atypiques faisait des grands bonds dans l’herbe humide. 

Elle possède deux lignes bien marquées sur le dos, formées par des replis latéraux-dorsaux. Sa robe est plus ou moins tachetée de noir ou brun foncé et sa coloration générale est très variée mais jamais verte. En général, le dessus du corps est de couleur jaunâtre, rougeâtre, grise, brune ou noirâtre. Une grenouille qui porte de grandes tâches noires comme ci-dessus est presque à coup sûr une grenouille rousse.

Grenouille rousse dans les Pyrénées

La gorge blanchâtre du mâle.

Grenouille rousse dans les Pyrénées

La gorge voilée de rouge de la femelle.

La gorge est blanchâtre chez le mâle, tachetée ou voilée de rouge chez la femelle. Quelques publications précisent que le mâle ne possède pas de sacs vocaux ; c’est une erreur! En fait, il a bien un sac vocal ; il est interne. Au moment de la reproduction, il produit parfois sur la gorge un reflet bleuâtre. Son chant, qui ressemble à des grondements, est de faible portée (moins de 30 m). Il les émet le plus souvent sous l’eau afin d’en augmenter la résonance.

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II- Répartition de la Grenouille rousse

C’est une espèce largement répandue en France à l’exception de la Provence, de la Corse et d’une partie des plaines du Sud-Ouest. Elle est rare sur la façade atlantique. Je n’en ai encore jamais observé en plaine dans ma région ou dans les départements voisins des Landes et du Gers.

Je m’y suis particulièrement intéressé cette année 2019 et la totalité de mes observations sont faites en montagne en moyenne et haute altitude lors de mes randonnées. En effet, bien qu’elle soit présente en basse altitude en certains endroits, elle est surtout commune sur les reliefs, au-dessus de 500 mètres ; la limite de son altitude connue de répartition dans les Pyrénées est de 2 600 m. Elle couvre pratiquement tous les étages, du collinéen aux débuts de l’alpin.

Pour information, l’étagement de la végétation varie en fonction de l’inclinaison des versants (ombrée au Nord, soulane au sud), de la nature du sol et de la température; les limites en altitude ne sont qu’indicatives et elles varient aussi selon les vallées. On distingue les étages suivants :

L’étage collinéen (jusqu’à 900 m au nord et 1 200 m au sud, environ) : il a une végétation identique à celle de la plaine. On y trouve des châtaigniers, des chênes, des merisiers, des charmes et des cultures. C’est aussi le milieu des landes à bruyères et à fougères.

L’étage montagnard (900 à 1 600 m au nord, 1 200 à 1 700 m au sud, environ) : c’est celui des forêts du hêtre commun avec l’apparition du sapin pectiné et parfois de l’épicéa commun (non indigène), au fur et à mesure de la montée en altitude.

grenouille rousse pyrénées 20

Mi-juillet, au-dessus du barrage d’Ossoue (altitude 1 829 m, vallée d’Ossoue) dans les Hautes-Pyrénées. Aucun point d’eau à proximité.

L’étage subalpin ( 1 600 à 2 200 m au nord, 1 700 à 2 400 m au sud, environ) : c’est une zone de transition. Les feuillus sont de moins en moins nombreux et les forêts de résineux dominent. Vers 2 000 m, la forêt cède définitivement la place à la pelouse d’estive, jusqu’à 2 400 m environ.

Grenouille rousse dans les Pyrénées

Mi-août dans le vallon de Pouey-Trenous (vers 2 150 m). Un jeune mâle.

L’étage alpin (de 2 400 m jusqu’à 3 000 m sur les deux versants) : c’est celui de la limite de la végétation. Rochers et éboulis y sont nombreux et le minéral domine.

Grenouille rousse dans les Pyrénées

Début juin au lac Det Mail (2 335 m) – Ce mâle reproducteur est reconnaissable aux callosités nuptiales marron foncé ou noires sur les pouces en arrière-plan et à sa gorge blanchâtre. Cette observation est faite presque à la limite de son altitude connue de répartition dans les Pyrénées (2 600 m). 

L’étage nival (au-delà de 3 000 m) est celui des neiges éternelles. La végétation a de plus en plus de mal à se développer et seuls quelques mousses et lichens survivent sur les rochers.

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III- Habitat de la Grenouille rousse

Grenouille rousse dans les Pyrénées

Mi-août dans le vallon de Pouey Trenous (2 150 m). Un mâle (gorge blanchâtre).

Grenouille rousse dans les Pyrénées

Début juillet au lac d’Anayet en Aragon (2 230 m), sur un rocher. 

Elle vit dans des contextes très variés, forestiers à totalement ouverts, dans n’importe quel type d’habitat humide mais aussi dans des milieux plus secs comme les estives ou les éboulis.

Elle est active de jour comme de nuit mais elle reste cachée par forte chaleur. Elle se met à l’abri des rayons du soleil sous les berges, dans des anfractuosités des rochers, parfois aussi dans un terrier de marmotte abandonné où elle recherche la fraîcheur.

Il faut être très prudent pour l’identifier ; la méprise est très facile avec la Grenouille agile (Rana dalmatina) si l’observation est faite à basse altitude (inférieure à 500 m). Il vaut mieux alors faire appel à un spécialiste.

Grenouille rousse dans les Pyrénées

Début juillet au lac d’Anayet en Aragon (2 230 m).

Grenouille rousse dans les Pyrénées

Mi-août dans le vallon de Pouey-Trenous (vers 2 300 m). Un mâle.

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IV- Les dangers pour la Grenouille rousse

La Grenouille rousse est consommée par de nombreux prédateurs terrestres : quelques mammifères dont la loutre, les visons ; quelques échassiers, certains rapaces nocturnes et diurnes ; quelques serpents tels que la Couleuvre helvétique (nouvelle appellation de la Couleuvre à collier) et la Couleuvre vipérine. Dans certains départements comme les Pyrénées Atlantiques, elle est aussi pêchée pour être consommée par l’Homme.

Grenouille rousse dans les Pyrénées

Grenouille rousse dans les Pyrénées

Mi-août dans le vallon de Pouey-Trenous (vers 2 150 m). A gauche, un mâle.

En ce qui concerne les prélèvements effectués par l’Homme, elle bénéficie effectivement d’une protection mais celle-ci n’est que partielle. En effet, certains arrêtés préfectoraux en France fixent des périodes de pêche, variables selon les années et les départements.

Par exemple et pour les Pyrénées-Atlantiques (Guide de pêche 2020) : « la pêche des grenouilles vertes et rousses est autorisée à la ligne uniquement, du 9 Mai au 20 Septembre en première catégorie; en seconde catégorie, du 1er janvier au 1er mars inclus puis du 9 Mai au 31 Décembre. En zone cœur du Parc National des Pyrénées, la pêche des grenouilles vertes et rousses est interdite toute l’année« .

Grenouille rousse dans les Pyrénées

Grenouille rousse dans les Pyrénées

Début juillet au lac d’Anayet en Aragon (2 230 m).

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V- La reproduction de la Grenouille rousse

Grenouille rousse dans les Pyrénées

Très précoce et sensible au moindre redoux, elle se reproduit souvent dès le mois de décembre à basse altitude (hivernage inexistant ou très bref) et dès le début de la fonte des neiges en montagne (hivernage d’octobre/novembre à mars ou mai/juin en fonction de la couverture neigeuse). Elle utilise pour la reproduction des pièces d’eau peu profondes et temporaires (grandes flaques, ornières en eau, fossés, …) qui peuvent rassembler des foules d’individus et accueillir de très nombreuses pontes.

Ponte Grenouille rousse dans les Pyrénées

Début mars, altitude 1 450 m – Ponte de Grenouille rousse dans une ornière d’un chemin forestier, remplie d’eau de fonte de neige. Plusieurs mâles sont en attente dans la flaque, trop méfiants pour arriver à les photographier.

Têtards Grenouille rousse dans les Pyrénées

Têtards de Grenouilles rousses, fin juin – Col de Peyrelue (1 854 m).

Têtard Grenouille rousse dans les Pyrénées

Têtard de Grenouille rousse, à un stade bien avancé.

Le nombre, la densité et la disposition des pontes permettent de savoir dans bien des cas  à quelle espèce on a affaire : les pontes de la Grenouille rousse sont généralement nombreuses (nombreuses femelles, sauf à basse altitude!) et déposées les unes contre les autres. Elles affleurent largement à la surface (sauf si le niveau d’eau est monté entre-temps) et les pièces d’eau qui les accueillent ressemblent donc vaguement à un bol de tapioca.

Les populations de Grenouilles agiles, moins denses, produisent moins de pontes et les femelles les déposent isolément, souvent à une certaine profondeur et fixées à un élément végétal immergé (tige … ). Localement à basse altitude, les deux espèces peuvent utiliser la même pièce d’eau pour se reproduire, mais pas en même temps (la Grenouille rousse est plus précoce).

Les têtards éclosent une à deux semaines environ après le dépôt des pontes et se métamorphosent ensuite rapidement, avant l’assec de leur flaque. La stratégie de reproduction de cette espèce est basée sur une importante production d’œufs qui compense le caractère aléatoire de sa réussite : un certain nombre de pontes sont déposées dans des zones inadaptées (lame d’eau trop temporaire) et rapidement perdues. Par ailleurs, certaines colonies de têtards ne parviennent pas toujours à se métamorphoser avant l’assec de leur pièce d’eau et meurent desséchés.

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VI- Les confusions possibles de la Grenouille rousse

En effet, j’ai déjà signalé que la Grenouille rousse peut être confondue avec la Grenouille agile.

6-1 _ Un critère simple pour identifier parfois la Grenouille rousse

Le critère qui peut parfois aider à l’identifier dans les Pyrénées est de connaître l’altitude de l’observation.

La limite de répartition en altitude de la Grenouille agile étant de 500 mètres, on ne peut pas l’observer au-delà de la partie supérieure de l’étage collinéen! Si le sujet observé dépasse bien cette altitude, il s’agit d’une Grenouille rousse mais à condition que ses tympans soient bien visibles, afin de ne pas la confondre avec sa cousine, la Grenouille des Pyrénées.

Grenouille rousse dans les Pyrénées

Grenouille rousse, avec le tympan bien visible – A l’altitude 2 230 m, il n’y a pas de confusion possible.

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6-2_ A l’inverse et dans notre région, on peut rencontrer la Grenouille rousse très bas

On la retrouve jusqu’à 200 m voire moins encore, dans de nombreuses zones comme les contreforts des plateaux de Ger et de Lannemezan, l’extrémité gersoise des Landes de Gascogne, le Lot, l’Aveyron …, régions où la Grenouille agile est également présente. La confusion est alors possible.

Voici deux exemples avec mes critères retenus pour faire la différence entre les deux espèces :

Exemple 1 – Grenouille rousse, altitude 390 m :

Grenouille rousse dans les Pyrénées

Grenouille rousse dans un sous-bois humide en vallée d’Ossau – Altitude 390 m. Sur le moment, j’avais pensé à tord à la Grenouille agile, à cause de l’altitude relativement basse.

Sur  le cliché ci-dessus, j’ai retenu en faveur d’une Grenouille rousse : la peau légèrement verruqueuse, le tympan éloigné de l’œil et la présence d’un liseré doré large et bien visible autour de la pupille (étroit et peu visible chez la grenouille agile) ; l’iris est de couleur uniforme.

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Exemple 2 – Grenouille agile, altitude 305 m :

Grenouille agile

Grenouille Agile dans un sous-bois – Altitude 305 m.

Sur le cliché ci-dessus, j’ai retenu en faveur d’une Grenouille agile : la peau non verruqueuse, le tympan proche de l’œil, le liseré doré étroit et peu visible autour de la pupille, l’iris plus sombre sur les 2/3 inférieurs.

Pour les différencier à coup sûr à basse altitude, il faut prendre en compte plusieurs éléments mais il n’y a pas de critère vraiment infaillible. Dans le doute, il vaut mieux faire appel à un spécialiste. En effet, la Grenouille agile est protégée ; son prélèvement est INTERDIT contrairement à celui de sa cousine! Il n’y a pas de droit à l’erreur! Le mieux étant, bien sûr, de les laisser tranquilles.

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6-3 _ La Grenouille rousse peut être aussi confondue avec la Grenouille des Pyrénées (Rana pyrenaica).

Celle-ci est l’un des amphibiens les plus rares de France. Endémique des Pyrénées et observée pour la première fois en 1990 côté espagnol, elle est classée « en danger » d’extinction depuis 2008.

Sa répartition en altitude connue va de 440 à 2 100 m côté espagnol et autour de 800 – 1 000 mètres d’altitude côté français.

Les femelles sont plus grandes que les mâles mais elles ne dépassent pas les 50 mm (toujours du museau au cloaque). Adulte, elle ressemble aux jeunes Grenouilles rousses mais on peut quand même différencier les deux espèces en cherchant leurs tympans. Ceux de la Grenouille rousse sont bien visibles tandis que ceux de la Grenouille des Pyrénées sont presque trop petits pour être aperçus à l’œil nu. De même, ses plis latéraux sur le dos sont beaucoup moins marqués.

Sa localisation est très restreinte et elle est difficile à observer. Elle n’est aperçue pour la première fois sur le versant nord des Pyrénées qu’en 2011 et elle est toujours visible dans quelques cours d’eau du Pays Basque (massif d’Iraty), du Béarn et dans la Vallée d’Aspe. J’espère, un jour, la rencontrer bien qu’elle semble principalement active la nuit. Elle aime les torrents forestiers, frais et oxygénés. Les têtards des Grenouilles des Pyrénées sont très facilement identifiables grâce à leur couleur noire constellée de points blancs ou dorés. Je vous invite à suivre l’excellent lien en fin d’article vers le site « Especes-menacees.fr » pour en savoir plus sur cette espèce rare.

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VII- Sources bibliographiques :

_ Nature en Occitanie : www.naturemp.org/Grenouille-rousse.html

_ LPO – Initiation à l’herpétologie en Franche-Comté :  cdnfiles1.biolovision.net/franche-comte.lpo.fr/userfiles/observer/HerptofauneDtermination/FormationInitiationamphibiensFCAMVFDec2018.pdf

_ Site internet Espèces-menacées.fr : www.especes-menacees.fr/grenouille-des-pyrenees/

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